Contrairement aux États-Unis et à l’Australie, l’écoblanchiment reste impuni dans le secteur européen de l’investissement, bien que la législation actuelle permette aux régulateurs nationaux de sévir contre les entreprises qui trompent les investisseurs. La plupart des régulateurs de l’UE ne disposent pas de moyens suffisants pour prendre des mesures concrètes.
Les principaux régulateurs financiers européens ont déclaré mardi que dans l’UE, les autorités préféraient travailler avec le secteur pour mettre en œuvre de nouvelles règles complexes relatives aux investissements durables.
Dans son Final Report on Greenwashing, l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) affirme que les décisions formelles d’application « ont été jusqu’à présent limitées » parce que les régulateurs nationaux, tels que la CSSF au Luxembourg et l’AFM aux Pays-Bas, traitent généralement ces irrégularités dans le cadre de leur surveillance continue.
Selon l’AEMF, les régulateurs ont du mal à détecter les infractions dans un cadre réglementaire basé sur des « définitions peu claires ou ambiguës. »
Pratiques trompeuses
L’écoblanchiment, ou greenwashing, est défini comme une pratique trompeuse dans laquelle une entreprise prétend de manière exagérée ou mensongère que ses produits ou services sont respectueux de l’environnement. Cette pratique vise souvent à attirer des consommateurs et investisseurs soucieux de l’environnement sans réellement fournir les efforts nécessaires pour réduire l’impact sur l’environnement et le milieu ambiant. Il s’agit essentiellement de stratégies de marketing trompeuses.
Cependant, l’UE ne dispose toujours pas d’une définition juridique claire de l’écoblanchiment. Le secteur l’a réclamée à maintes reprises, mais c’est une question que l’UE souhaite aborder lors de la révision de son cadre pour le financement durable. Pourtant, à l’instar de leurs homologues américains et australiens, les régulateurs européens ont déjà le pouvoir de sévir si les entreprises utilisent des informations trompeuses pour commercialiser leurs produits.
La directive européenne sur les marchés d’instruments financiers (Markets in Financial Instruments Directive, MiFID) a fixé une règle à ce sujet. En septembre, la Securities and Exchange Commission américaine a utilisé une règle similaire pour imposer une amende de 19 millions de dollars au gestionnaire d’actifs allemand DWS pour des allégations marketing inexactes concernant certains de ses fonds d’investissement. L’été dernier, le régulateur australien ASIC a infligé une amende de 140 000 dollars australiens au gestionnaire de fonds américain Vanguard pour des publications « inexactes et trompeuses » concernant des exclusions ESG.
Pas de poursuites dans l’UE
Cependant, aucun cas d’écoblanchiment n’a été soumis aux autorités répressives au sein de l’UE, rapporte l’ESMA. Le rapport final sur le greenwashing compile les retours reçus des 27 autorités nationales de régulation des marchés qui font partie du réseau européen de surveillance. L’AEMF n’a pas mentionné les noms des pays et des entreprises impliqués.
Un seul régulateur national a identifié des cas avérés d’écoblanchiment, tandis que 13 pays ont signalé des cas potentiels. Dans quatre pays, une définition peu claire de l’« investissement durable », telle qu’elle figure dans le Règlement sur a publication d’informations en matière de durabilité dans les services financiers, a été signalée comme « un défi » pour l’identification de l’écoblanchiment.
Dans neuf pays, les régulateurs ont demandé aux gestionnaires d’actifs de modifier leurs informations relatives à la durabilité, y compris les noms des fonds, les méthodologies et les processus d’investissement. Un seul régulateur a demandé à deux gestionnaires de fonds de « prendre des mesures immédiates » et de modifier les informations figurant sur leur site Web. Dans deux pays, des ordonnances ont été émises à l’encontre de sociétés d’investissement.
Moyens insuffisants
L’autorité a indiqué que les autorités de surveillance « renforcent leurs capacités et leur expertise en matière de durabilité » grâce à des programmes de formation, du personnel supplémentaire, la coopération avec les agences nationales compétentes et au dialogue avec des organisations non gouvernementales. « Cependant, la plupart des autorités nationales de surveillance estiment que leurs moyens ne sont pas suffisants », déclare l’autorité.
Dans l’ensemble de l’UE, les autorités nationales de surveillance ont affecté environ 92 équivalents temps plein (ETP) aux questions de durabilité, soit une moyenne de 3,2 ETP par régulateur. Cela varie de 35 ETP chez un régulateur à 0,25 ETP chez trois autres.
Le rapport de l’AEMF montre également de grandes disparités entre les régulateurs nationaux en ce qui concerne l’accès aux données ESG. Dix régulateurs nationaux déclarent disposer de suffisamment données ESG, tandis que 17 rencontrent des problèmes. « Il est important de noter que les points de vue divergents des régulateurs nationaux sur les besoins en matière de données semblent refléter les différentes pratiques de surveillance », déclare l’AEMF.
L’Autorité bancaire européenne (ABE) et l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (AEAPP) ont également publié mardi des rapports sur le greenwashing dans leurs secteurs respectifs. Selon l’ABE, le nombre de cas présumés d’écoblanchiment dans l’UE a augmenté de 26 % en 2023 par rapport à 2022, en raison d’une communication accrue sur les produits liés à la durabilité.