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L’Economic Report of the President (ERP) est un rapport annuel rédigé par le Council of Economic Advisors. Il s’agit d’un outil essentiel pour rester informé de la politique économique nationale et internationale du gouvernement américain, actuellement dirigé par le président Joe Biden et la vice-présidente Kamala Harris. Le rapport offre un aperçu des progrès économiques du pays, accompagné d’explications et d’un ensemble de données détaillé. 

Je vais passer en revue avec vous certains des enseignements de ce rapport pour les investisseurs.

Leçon de l’année 2023 : résilience de l’économie

Il est frappant de constater à quel point le terme « résilience » revient souvent lorsqu’il est question de l’économie américaine en 2023. Au début de l’année, l’économie a été confrontée à des taux d’intérêt plus élevés, un faible taux d’épargne, une confiance des consommateurs en berne, des risques géopolitiques ainsi qu’à l’affaiblissement du soutien fiscal du gouvernement aux citoyens.

Autant de raisons pour les économistes du Council de craindre une faible croissance économique, une hausse du chômage et un risque de récession. Lorsqu’ils ont examiné la courbe de rendement inversée, ils n’y ont vu que la confirmation du risque d’un atterrissage brutal pour l’économie américaine. À cela s’est ajoutée une crise bancaire, suscitant des inquiétudes quant à un blocage de l’octroi de crédits.

La réalité s’est révélée totalement différente. L’économie américaine a connu l’année dernière une croissance étonnamment solide, avec des dépenses de consommation élevées combinées à une hausse incroyable des investissements privés dans l’immobilier non résidentiel. La forte consommation était le résultat de l’augmentation du revenu disponible, du soutien gouvernemental visant à protéger les plus vulnérables de la société, des budgets familiaux solides, d’un taux de chômage très bas et d’une participation au marché du travail très élevée.

Les investissements du secteur industriel dans les bâtiments ont connu une augmentation de 15 %, un taux historiquement élevé. Celui-ci s’explique par la nouvelle politique de rapprochement des chaînes d’approvisionnement (onshoring). L’inflation de base a chuté de 6,5 % à 3,1 %, complétant ainsi ce tableau positif. Il n’est dès lors pas étonnant que le S&P500, l’indice boursier regroupant les plus grandes entreprises américaines, ait progressé de 26 % en 2023. Au lieu de l’atterrissage brutal attendu, les investisseurs n’ont presque pas vu d’atterrissage du tout.

Selon le rapport, il est évident que la hausse et la baisse de l’inflation peuvent être attribuées à deux facteurs : la diminution de l’offre de travail causée par la pandémie de COVID-19 et la perturbation significative des chaînes d’approvisionnement due aux confinements pendant cette pandémie. Les économistes étaient donc plus confiants quant à la maîtrise de l’inflation, puisque ces deux facteurs ne posaient plus de problème.

En 2023, l’économie américaine a fait preuve de résilience et a bien résisté aux influences potentiellement négatives.

Leçon pour 2024 : faible prime de risque des actions

Les rédacteurs du rapport économique présidentiel soulignent que les prêts hypothécaires à taux fixe bas (d’une durée de 20 à 30 ans) ont atténué l’impact de la hausse des taux d’intérêt. Ils constatent ce phénomène tant sur le marché privé (prêts immobiliers) que chez les entreprises (prêts à l’investissement). Cependant, ils estiment que les investisseurs doivent rester vigilants quant à l’impact sur les secteurs sensibles aux taux d’intérêt, à savoir le marché immobilier, les biens de consommation durables et le marché boursier. 

Une baisse du marché boursier a un impact négatif sur l’effet de richesse des ménages : ceux-ci ont moins de marge et peuvent moins emprunter sur la valeur de leur logement, ce qui affecte la consommation. Les économistes notent qu’à ce jour, ils n’ont observé aucun impact de la hausse des taux d’intérêt, ni sur le marché immobilier ni sur le marché boursier. 

En ce qui concerne le marché boursier, les économistes pointent du doigt la prime de risque qui, à 2,65 %, se situe à son niveau le plus bas depuis 2006. Ils soulignent également le taux d’intérêt réel moyen sans risque de 0,3 % au cours de la dernière décennie (qu’ils considèrent comme un seuil bas pour le marché boursier), alors que celui-ci est aujourd’hui supérieur à 1,5 %.

Les bénéfices futurs doivent donc être actualisés à un taux d’intérêt plus élevé aujourd’hui. Une correction brutale du marché boursier serait néfaste pour la consommation et pourrait déstabiliser le marché. Cependant, les économistes envisagent également un autre scénario : une baisse plus progressive, qui pourrait ramener sans heurt la prime de risque à sa moyenne historique.

Leçon pour 2024 : les consommateurs trouvent les prix élevés

Les économistes du Rapport économique du président ont examiné les raisons pour lesquelles la confiance actuelle des consommateurs (mesurée par l’indice de confiance de l’université du Michigan) s’est si fortement écartée négativement des prévisions au cours des derniers mois. Cet indice se base notamment sur le revenu disponible, les prix de l’immobilier, le chômage, le marché boursier et l’inflation (de base). Alors que par le passé, les prévisions et les indices réels évoluaient de manière assez similaire (forte corrélation), nous constatons aujourd’hui un écart important au détriment de la confiance actuelle. 

Le rapport indique clairement qu’il faut faire la distinction entre l’augmentation des prix (= inflation) et le niveau absolu des prix (= niveau des prix restant après le pic d’inflation). Les perspectives moins optimistes pour le président Joe Biden y sont pour beaucoup. Bien que les ménages à faible revenu soient ceux qui ont proportionnellement le plus bénéficié des aides publiques, c’est néanmoins cette classe qui continue de pointer du doigt les prix élevés des denrées alimentaires, de l’énergie et des loyers, en tenant le président actuel pour responsable.

Leçons pour le portefeuille

Les conseillers économiques du président américain écrivent que s’agissant de la croissance économique future, il faut se concentrer principalement sur deux facteurs : la consommation et les investissements. Ils considèrent que l’impact des autres facteurs (importations et exportations, marchés boursiers, gouvernement) sera négligeable dans les années à venir. Ils se réfèrent à ces deux facteurs sous la dénomination de private domestic final purchases (PDFP). Selon eux, ce sont ces indicateurs qui reflètent le mieux le momentum économique et permettent de prédire avec le plus de précision la croissance future, en particulier dans le climat actuel d’incertitude géopolitique et climatique.

Les économistes énumèrent les défis suivants : taux d’intérêt réels élevés, conflits géopolitiques avec leur impact sur les chaînes d’approvisionnement et les marchés, confiance des consommateurs (qui pourrait être plus faible que prévu), avec une attention particulière pour les groupes à faible revenu qui ont bénéficié d’une protection relativement meilleure contre l’inflation l’année dernière grâce au soutien gouvernemental (lequel est progressivement réduit). 

L’appel à la prudence se lit entre les lignes du rapport économique du président. Une position neutre à légèrement sous-pondérée sur les actions américaines me semble appropriée. En effet, le marché boursier américain est aujourd’hui valorisé à la perfection, grâce à la croissance économique et aux taux d’intérêt. Les facteurs mentionnés dans le rapport comme potentiels perturbateurs doivent donc être surveillés de près par les investisseurs.

Jan Vergote est analyste et conseiller financier indépendant

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