Bien que ce ne soit pas le scénario de base, JP Morgan Asset Management n’exclut pas une forte hausse de l’inflation. Les actifs réels tels que les infrastructures et l’immobilier permettent de s’en protéger, tout en offrant des perspectives de rendements élevés, déclare Vincent Juvyns, Global Market Strategist chez JP Morgan AM.
Malgré des mesures de relance budgétaire et monétaire sans précédent, le gestionnaire d’actifs américain table sur une inflation légèrement inférieure à 2 % par an au cours des 10 à 15 prochaines années pour les économies développées. « Nous nous attendons à une très grande volatilité à court terme, avec une inflation qui pourrait dépasser temporairement les objectifs des banques centrales. Mais à moyen terme, nous retrouverons les tendances structurelles d’avant la pandémie », déclare Juvyns lors d’un entretien avec Fondsnieuws.
Selon lui, la crise a peu contribué à modifier les anticipations d’inflation. Ainsi, le baby-boom annoncé se fait encore attendre. Les taux de natalité sont encore beaucoup trop bas dans de nombreux pays. « Cela aggravera encore le problème démographique dans les années à venir. Les salaires augmenteront probablement dans un nombre limité de secteurs où la demande de main-d’œuvre est élevée. Mais dans l’ensemble, je ne m’attends pas à une pression haussière sur les salaires. »
Il n’observe pas non plus de signes de ralentissement de la mondialisation, comme le prévoient certains analystes du marché. « Au contraire, les importations en provenance de Chine et d’autres pays ont fortement augmenté l’année dernière. La mondialisation garde le vent en poupe et continuera à peser sur l’inflation. »
Prix de l’énergie
D’autre part, il est possible que la productivité augmente, ce qui aura un effet positif sur la croissance économique et l’inflation. « La technologie est bien sûr en plein essor depuis des années, mais avec la crise du coronavirus, nous assistons aujourd’hui à une large adoption par la société. L’utilisation de la technologie est positive pour les chiffres de productivité et peut stimuler l’inflation. »
Cependant, la technologie peut également être de nature déflationniste. Dans l’ensemble, la pandémie n’a pas modifié les tendances structurelles qui maintiennent l’inflation à un faible niveau, estime Juvyns. Reste l’impact de la politique monétaire sur l’inflation. « Avant le coronavirus, la politique était déjà très accommodante et n’a pas stimulé l’inflation. Mais maintenant, il y a une politique fiscale beaucoup plus agressive aux États-Unis et en Europe », ajoute Juvyns.
« À cet égard, les investissements se font principalement dans la transition énergétique, notamment dans le but de faire baisser le prix des énergies durables. Il reste donc à voir si ces investissements auront un impact inflationniste. Cela créera beaucoup d’incertitude au cours des deux prochaines années, mais d’ici cinq à dix ans, l’environnement inflationniste sera le même qu’avant la crise du coronavirus. »
Seuil de tolérance des taux d’intérêt
Selon JP Morgan AM, les marchés actions des pays développés pourraient dans ce scénario rapporter 3,5 % par an en euros (ou 4,6 % en monnaie locale). « En principe, les actions constituent une très bonne couverture contre l’inflation. Même les entreprises dont le pouvoir de fixation des prix est moindre sont généralement en mesure d’augmenter les prix en fonction de l’inflation. Dans le passé, les marchés actions progressaient également lorsque les taux d’intérêt augmentaient, même si certains secteurs y sont naturellement plus sensibles que d’autres. Cela ne devient un problème que si l’inflation est hors de contrôle et que les taux d’intérêt doivent être relevés rapidement. »
JP Morgan AM a réalisé une étude à ce sujet. Au cours de la période 1965-2009, dès que le taux d’intérêt américain à dix ans dépassait 4,5 %, le marché actions se retrouvait sous pression. Grâce aux mesures des banques centrales, ce seuil est désormais nettement plus bas. Depuis la crise du crédit en 2009 jusqu’à maintenant, ce niveau de taux d’intérêt critique était de 3,6 %. « Nous sommes encore très loin de ces seuils de tolérance et ne voyons pas ces niveaux de taux d’intérêt revenir pour le moment », déclare Juvyns.
Transporteurs de GNL
Malgré toutes les mesures de relance fiscale et monétaire dans le monde, il y a peu de chances que l’inflation augmente fortement dans les années à venir, estime JP Morgan AM. Qu’est-ce que cela signifie pour les taux d’intérêt ? « C’est actuellement le principal sujet de discussion avec nos clients ‘pension’. En effet, la valeur de leurs portefeuilles d’obligations et celle des actifs à risque tels que les actions chuteront en même temps », prévient Juvyns.
« Mais si nous avons raison et que l’inflation augmente très lentement, ce sera également un problème pour les fonds de pension. En effet, les taux d’intérêt augmenteront légèrement, mais ils resteront bas plus longtemps, et nettement en dessous des niveaux d’avant la crise du crédit. Il sera donc difficile pour les fonds de pension de remplir leurs obligations. »
Dans les deux scénarios, ils devront chercher des solutions pour continuer à générer du rendement, poursuit Juvyns. « Nous croyons fermement aux actifs réels, avec une légère préférence pour les infrastructures par rapport à l’immobilier. Les infrastructures offrent la possibilité de profiter des investissements publics supplémentaires en préparation. Ces deux types d’actifs réels ont dans leurs contrats la possibilité d’augmenter leurs prix en fonction de l’inflation, mais avec un certain retard. Il n’y a donc pas de relation parfaite à court terme, mais à long terme, ils offrent une bonne protection contre l’inflation. »
Ainsi, JP Morgan AM investit dans la dernière génération de transporteurs de GNL, qu’elle louera à des tiers. « Du fait que les gouvernements veulent rendre leur économie plus durable, il y a plus de demande de gaz dans le monde, ce qui nous donne un pouvoir de fixation des prix. » Dans le domaine de l’immobilier, JP Morgan AM croit fermement à la logistique et aux centres de données pour le cloud computing, deux secteurs fortement corrélés à l’e-commerce.
JP Morgan AM recommande de financer l’allocation aux actifs réels en réduisant la pondération des obligations, car les titres à revenu fixe sont les plus vulnérables à l’inflation. « En raison de l’augmentation des valorisations, nous avons revu à la baisse les rendements à long terme attendus pour toutes les catégories d’actifs, à l’exception des actifs réels. » Pour l’infrastructure mondiale et l’immobilier européen (hors Royaume-Uni), JP Morgan AM table pour les 10 à 15 prochaines années sur un rendement total moyen de respectivement 4,7 % et 5 %, en euros et par an.