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« Qui décide si une entreprise progresse suffisamment vite dans son plan de transition climatique ? Une institution financière ou le gouvernement ? Les banques se trouvent dans une position quelque peu inconfortable. Et qui veille à l’aspect social, pour garantir que la transition soit équitable pour tous ? »

Tom Van den Berghe, Director Sustainable Finance chez Febelfin, la fédération belge du secteur financier, énumère quelques questions difficiles pour les banques lors de la mise en œuvre de la directive européenne Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) et des directives de l’Autorité bancaire européenne (ABE) sur les plans de transition prudentiels des banques. Ces dernières précisent comment les banques doivent intégrer les risques liés au développement durable dans leur gestion des risques.

Le Conseil fédéral du développement durable a récemment organisé un séminaire sur la  Corporate Sustainability Due Diligence Directive (CSDDD), qui oblige les entreprises à élaborer et à mettre en œuvre un plan de transition climatique. Tom Van den Berghe a présenté le cadre juridique pour les banques, en mettant l’accent sur les exigences relatives aux plans de transition et à la gestion des risques.

Les entreprises relevant de la CSRD, comme les banques, sont déjà tenues de publier des informations détaillées sur ces plans, y compris, le cas échéant, les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour 2030 et 2050. 

Ces nouvelles obligations concrétisent la contribution des entreprises à la lutte contre le changement climatique. Les informations publiées peuvent influencer les relations commerciales et l’accès au financement public ou privé.

Non sans heurts

Les institutions financières, comme les banques, devront fournir l’année prochaine des informations détaillées sur leurs performances en matière de durabilité en 2024. Cela inclut des données sur l’environnement, la responsabilité sociale et la bonne gouvernance (ESG). Elles doivent également fournir ces informations sur les prêts qu’elles accordent ainsi que sur leurs investissements.

« La Banque centrale européenne (BCE) campe sur ses positions et rappelle chaque année aux banques que les progrès sont trop lents et que les risques ESG ne sont pas suffisamment cartographiés », explique Tom Van den Berghe. Selon lui, tant les petites que les grandes banques fournissent les efforts nécessaires pour se mettre en règle. « Les banques prennent leurs responsabilités. Elles allouent beaucoup de ressources à la durabilité et au reporting. Par exemple, tous les exercices relatifs à l’analyse de la double matérialité sont quasiment terminés. » 

Cela ne se fait pas sans heurts. L’échange de données comporte de nombreux défis, observe Tom Van den Berghe : « Les banques dépendent des données sur les performances ESG des biens immobiliers et des entreprises de leur portefeuille. Si ces informations sont absentes ou incomplètes, cela devient difficile. Comment pouvez-vous cartographier l’efficacité énergétique de votre portefeuille immobilier si vous ne disposez d’aucune information sur l’efficacité énergétique de ces biens ? Les banques ne peuvent pas se permettre de faire des estimations approximatives. Nous voulons travailler en partenariat et en dialogue avec les entreprises. Nous devons le faire ensemble. Il s’agit d’une problématique multidisciplinaire qui transcende tous les secteurs. »

Plans de transition

La nouvelle législation européenne sur la durabilité a également un impact sur les plans de transition et la politique climatique des banques. Les banques doivent se poser de nombreuses questions, affirme Tom Van den Berghe. « Quelles sont les émissions des entreprises que je finance ? Quelle est l’efficacité énergétique de mon portefeuille immobilier ? Combien de revenus d’intérêts sont issus du financement d’entreprises dans des secteurs à haut risque ? » 

Ces entreprises à haut risque sont plus vulnérables ; en phase de transition, cela peut avoir un impact considérable sur le modèle de revenus de la banque. Plusieurs indicateurs de performance doivent être obligatoirement inclus dans un tel plan de transition. Ce plan doit être intégré dans une gestion des risques plus large. Il doit être placé sous la supervision du conseil d’administration, faire l’objet d’un rapport annuel et être régulièrement mis à jour en fonction de l’évolution du contexte. »

Politique de financement 

La législation sur la durabilité a également des répercussions sur la politique de financement des banques, ce qui soulève également de nombreuses questions, estime Tom Van den Berghe. « La banque finance des pouvoirs publics, des entreprises et des citoyens. Elle peut rendre le financement plus attractif, plus coûteux ou plus sélectif. Que vont financer les banques et que ne financeront-elles plus ? Les entreprises qui ignorent complètement les considérations climatiques le ressentiront de plus en plus dans leurs conditions de financement. »

Pour Tom Van den Berghe, « il convient de se demander jusqu’où étendre la responsabilité et le rôle du secteur financier dans ce domaine. Qui doit décider si une entreprise progresse suffisamment rapidement dans sa transition ? Cette mission incombe-t-elle à une institution financière ou au gouvernement ? En tant que banques, nous nous trouvons dans une position quelque peu inconfortable. » 

Dialogue

Le partage des responsabilités entre le secteur financier et le gouvernement doit se faire dans le cadre d’un dialogue constructif, estime Tom Van den Berghe. « Nous devons mener une transition climatique tout en veillant à ne pas perdre de vue la composante sociale. Cette réflexion doit toujours être intégrée dans les nouvelles réglementations et la surveillance ».

Nous voulons rendre les entreprises durables plus attrayantes et pointer du doigt les entreprises non durables. D’un autre côté, nous ne voulons pas non plus laisser les entreprises et les citoyens de côté parce qu’ils ne progressent pas suffisamment rapidement dans leur transition. D’ici 2050, nous devons obtenir le certificat CPE A pour les habitations afin de répondre aux ambitions de neutralité climatique en Belgique. Cela nécessitera 400 milliards d’euros, soit un investissement moyen de 80 000 euros par logement. De nombreuses familles ne pourront jamais se le permettre. Que ferons-nous alors ? Allons-nous dire aux gens qu’ils ne peuvent plus obtenir de crédit pour une maison qui n’est pas suffisamment écoénergétique ? »

Champ de tension

Selon Tom Van den Berghe, il existe un champ de tension dans le rôle sociétal du secteur financier lorsqu’il s’agit de stimuler la transition climatique tout en conservant son caractère inclusif. « Il existe une tension entre la composante environnementale et la composante sociale. Les banques se trouvent dans une situation difficile. On leur demande de fixer des objectifs très concrets et de progresser rapidement en matière de transition écologique. Cependant, cette transition aura un impact social et des répercussions sociales importantes pour des groupes de population tels que les familles modestes et les petites entreprises comme les PME. Ces dernières ne disposent bien souvent pas des moyens, des ressources, du personnel ou de l’expertise nécessaires pour opérer cette transition à la même vitesse. ».

« Nous devons veiller à ce que ce groupe, qui a besoin de plus de temps, ne soit pas laissé pour compte. On parle de la valeur ajoutée de la diversité dans le tissu économique, avec des grandes et des petites entreprises. Si nous accordons autant d’importance à cette diversité, nous devons également veiller à soutenir ces PME dans leur transition. »

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