Les obligations d’entreprises libellées en euros offrent un potentiel intéressant. Ce sont en particulier les émetteurs considérés comme des étoiles montantes, autrement dit les entreprises qui passeront du segment du haut rendement à celui de l’investment grade, qui offrent des opportunités.
C’est ce qu’affirme Tim Winstone (photo), corporate credit portfolio manager chez Janus Henderson.
Obligations Euro IG : sélectivement intéressantes
D’emblée, le gérant souligne que bien que les rendements ne soient historiquement parlant pas élevés, les obligations d’entreprises IG libellées en euros sont assez intéressantes comparées aux alternatives sur le marché européen du crédit. « Aujourd’hui, ces obligations offrent un rendement de 60 points de base en moyenne. La récente hausse des taux d’intérêt a clairement fait grimper le rendement, car l’été dernier, la moyenne était de 13 points de base et 45 % de ce marché affichait un rendement inférieur à 0 %. Aujourd’hui, il est encore d’environ 18 %. »
Il souligne que les obligations d’État allemandes et françaises à 5 ans enregistrent désormais des rendements négatifs. « Et avec un rendement de 0,48 %, seules les obligations d’État italiennes à 5 ans se rapprochent du rendement des obligations d’entreprise IG. L’Italie, par contre, est confrontée à une dette publique massive ainsi qu’à une croissance limitée, tandis que la perspective des élections pourrait créer des vents contraires à court terme. »
Winstone souligne que l’un des aspects techniques qu’il examine est l’offre du marché, qui est importante dans le segment Euro IG. JP Morgan s’attend à ce qu’un montant brut de près de 650 milliards d’euros soit mis sur le marché en 2022, soit environ 300 milliards d’euros nets, dont 230 milliards d’euros resteront après que la BCE aura effectué ses achats. « C’est presque trois fois plus qu’en 2021.
D’une part, les produits financiers représenteront la moitié de l’offre brute, en particulier dans le segment dit ‘senior preferred’. D’autre part, d’autres entreprises continueront à profiter des faibles taux d’intérêt pour améliorer leur bilan et, surtout, pour permettre des fusions et acquisitions. De nombreuses entreprises vont se concentrer sur la création de valeur pour les actionnaires, alors qu’au plus fort de la pandémie, elles pensaient plutôt au renforcement de leur bilan et aux détenteurs d’obligations. Étant donné l’offre énorme, elles seront plutôt sélectives sur ce segment. »
Étoiles montantes
En outre, le gérant souligne que la recherche de rendement a conduit de nombreux investisseurs vers le segment de marché du haut rendement. « Aujourd’hui, les obligations HY libellées en euros affichent un rendement moyen de 2,8 %, soit 4 à 4,5 fois le rendement du segment Euro IG et beaucoup plus que le rendement des obligations d’État européennes. Sur le marché européen du crédit au sens large, c’est assez intéressant. De plus, l’offre restera gérable en 2022 : selon la Deutsche Bank, sur le segment HY européen, elle sera d’environ 95 milliards d’euros en 2022. »
Winstone estime que les fondamentaux semblent solides au niveau des entreprises et que le taux de défaut est et restera extrêmement faible. « La couverture des intérêts (ratio EBIT/charges d’intérêts) est à son point le plus haut depuis plus de 50 ans, tandis que l’effet de levier moyen dans le secteur du haut rendement est presque revenu aux niveaux d’avant la pandémie. Si des défauts de paiement se produisent malgré tout, ils seront plus que probablement idiosyncratiques ou spécifiques à une entreprise. Cela ne se produira pas de manière générale dans certains secteurs ou marchés. »
Winstone voit un autre point positif. « Le ratio upgrade/downgrade sur le marché HY atteint également de nouveaux sommets et indique que la qualité globale du crédit s’améliore : pour chaque entreprise downgradée, 3,5 sont upgradées. Les spreads pourraient donc se réduire encore davantage. » Dans le même temps, il souligne qu’une comparaison avec les spreads d’il y a quelques années a de moins en moins de sens, car la qualité de l’indice de référence sous-jacent s’est améliorée au fil des ans. « En 2009, les obligations d’émetteurs notés BB représentaient au niveau mondial 42 % de l’indice de référence, contre 55 % aujourd’hui. Les obligations CCC sont passées de 25 % à seulement 10 % aujourd’hui.
Ce phénomène peut également être observé en Europe mais, historiquement parlant, le marché européen du HY a toujours été de meilleure qualité. Par conséquent, si l’on tient compte de l’injection de qualité de ces dernières années, les spreads étroits d’aujourd’hui sont moins étroits en termes absolus qu’on pourrait le penser. »
Et puis le gérant de Janus Henderson arrive à son sweetpot sur le marché d’aujourd’hui. « Le rendement des obligations notées BB semble attrayant par rapport aux obligations BBB et, surtout en euros, l’écart se situe à des niveaux historiquement élevés. Et nous recherchons surtout les ‘étoiles montantes’ pour générer de l’alpha. » Selon Winstone, les étoiles montantes sont des entreprises qui migreront du haut rendement à l’investment grade. Les analystes estiment qu’au niveau mondial, pas moins de 277 milliards de dollars d’obligations se verront attribuer une qualité de crédit supérieure entre septembre 2021 et mars 2023, en supposant qu’il n’y ait pas de nouveau choc économique. « Et cela inclut également beaucoup d’obligations libellées en euros. »