Nous commençons à voir de plus en plus de fusions et acquisitions (M&A) sur les marchés financiers. Dans le domaine des fusions, citons par exemple Veolia, qui lance une offre publique d’achat audacieuse (et refusée) sur Suez en France, et Bankia et Caixa Bank, dans le secteur bancaire espagnol, qui cherchent à se rapprocher. Gilead acquiert Immunomedics pour pas moins de 21 milliards de dollars. Cela indique-t-il que nous nous trouvons plutôt à la fin d’un cycle boursier, comme cela s’est déjà produit par le passé ?
Dans le climat actuel, les acquisitions sont particulièrement intéressantes. Les cours des actions sont en effet particulièrement élevés dans de nombreux secteurs qui ont bénéficié du coronavirus. Les actions peuvent donc être utilisées comme monnaie d’échange pour les transactions. Si on souhaite contracter une dette bancaire pour financer des transactions, on peut profiter du taux d’intérêt ultra bas pour emprunter de l’argent. Souvent, des fonds sont même levés sur le marché à des taux obligataires très bas sans qu’il y ait un réel besoin. En d’autres termes, juste pour en disposer.
Cycle
Selon certains observateurs, la forte reprise des activités de fusions-acquisitions est de mauvais augure pour les marchés. C’est ce qu’écrit Mark Hulbert, observateur du marché, dans une récente analyse. Les fusions et acquisitions se succèdent par vagues, et les vagues précédentes se sont toutes mal terminées pour les performances des actions, déclare-t-il.
Hulbert fait spécifiquement référence aux SPACS, ou Special purpose acquisition company, en tant qu’éléments déclencheurs de ces vagues. Ces sociétés d’acquisition à vocation spécifique sont en réalité des boîtes vides, en ce sens qu’elles n’ont pas d’activité opérationnelle. Elles ont été créées uniquement pour collecter des fonds en vue d’acquérir d’autres sociétés déjà existantes.
Hulbert souligne qu’au 3 septembre dernier, 84 SPACS avaient déjà collecté 33,9 milliards de dollars. En 2019, elles n’étaient que 59 à avoir levé des fonds, pour un total de 13,6 milliards de dollars ‘seulement’.
Mais les SPACS sont actuellement très populaires. Cela rappelle un peu certaines entreprises totalement inconnues qui étaient entrées en bourse pendant la bulle Internet, mais n’avaient pas non plus d’activités opérationnelles. Avoir un ‘dotcom’ dans le nom suffisait.
Actions
Comme nous l’avons écrit dans l’introduction, les actions chères sont souvent utilisées comme monnaie d’échange pour ces transactions. Les cours élevés sont bien sûr plus attrayants que les cours bas, car les actionnaires sont ainsi moins dilués. Selon Hulbert, Dealogics a calculé que pas moins de 23 % des activités de fusions-acquisitions (en volume de dollars) ont été réalisés en actions, soit presque deux fois plus que pour la même période en 2017.
CFO
Ces transactions sont bien sûr préparées par les CEO des entreprises. Dans le passé, il est apparu que ces CFO sentaient parfaitement quand les actions de leur entreprise étaient surévaluées et quand le ‘moment’ était venu d’imposer un accord. En combinaison avec la faiblesse des taux d’intérêt, cela donne un cocktail particulièrement puissant.
Dans le passé, ces vagues ont donc été un signe avant-coureur auquel les investisseurs devaient veiller. Pourtant, établir des parallèles historiques n’a jamais été simple. La correction boursière de mars a été déclenchée par un facteur exogène, le coronavirus. À ce moment-là, l’économie n’avait pas de problème. En 2000, nous sortions d’une très longue expansion ; aujourd’hui, nous sortons d’une récession/dépression. À l’époque, les taux d’intérêt étaient systématiquement augmentés, alors qu’aujourd’hui, ils sont extrêmement bas.
De plus, on a depuis lors injecté tellement d’argent dans le système qu’il doit bien aller quelque part. Il faut s’attendre à ce que l’indispensable ‘correction’ des actions technologiques se fasse par stagnation/consolidation plutôt que par le biais d’une forte correction. Les valeurs industrielles du Dow Jones ainsi que d’autres actions plus ‘classiques’ devraient maintenant commencer à rattraper leur retard. Les actions de valeur pourraient ainsi connaître une surperformance (à court terme ?). Une vague de fusions et acquisitions ne doit donc pas nécessairement se terminer par une catastrophe. Et n’oubliez pas qu’en ces temps, il faut avoir des actifs réels.
Han Dieperink l’exprime ainsi dans sa dernière newsletter : « Il est presque certainement question d’une bulle, mais d’une bulle qui peut gonfler encore bien davantage. Les bulles précédentes étaient généralement percées par la banque centrale. La probabilité que cela se produise dans les années à venir est faible. De plus, au cours des six derniers mois, le monde a changé à jamais en faveur de la technologie. Il y aura encore plus de liquidités : le Cares 2-Act sera probablement approuvé (1,5 à 2000 milliards) en septembre. Outre l’économie américaine, l’économie mondiale se redresse maintenant plus rapidement que prévu… »