Neil Dwane, global chief strategist, Allianz GI
Schermafbeelding 2018-11-21 om 15.08.09.png

Le train de la mondialisation bringuebale et se retrouvera bientôt à l’arrêt. Cela aura des conséquences majeures pour les investisseurs, selon Neil Dwane, stratégiste monde chez Allianz Global Investors, qui estime aussi qu’il est grand temps de revoir la politique de rémunération des dirigeants d’entreprises, dans tous les secteurs de l’économie.

Dwane : « La sphère économique occidentale compte aujourd’hui plus de perdants que de vainqueurs. Les investisseurs doivent oser réfléchir au rôle qu’ils veulent jouer face à la multiplication des inégalités et aux conséquences de ces écarts de richesse sur le long terme. »

Si l’arrivée au pouvoir de Ronald Reagan aux États-Unis et de Margaret Thatcher au Royaume-Uni, dans les années 80, marque le véritable début de la mondialisation, le phénomène s’est réellement établi dans les années 90, lorsque la Chine a ouvert ses portes aux entreprises occidentales en quête de main-d’œuvre bon marché.

Un échange équitable

« Le consommateur occidental a en échange bénéficié d’un afflux massif de produits à des prix très bas. L’arrivée de Donald Trump et le choix fait par le Royaume-Uni de quitter l’Union européenne ne sont que quelques signes témoignant du grippage de ce marché dont tiraient profit tant les entreprises que les consommateurs. Diverses économies occidentales connaissent actuellement une friction des classes, un phénomène inquiétant dans la mesure où il menace la justice sociale. »

Pour Neil Dwane, la politique monétaire menée après la crise financière a fortement contribué à ces inégalités croissantes. L’assouplissement quantitatif a rendu les valorisations des obligations et des actions excessives et les taux bas ont fait fondre les petites épargnes, alors même que les salaires augmentaient à peine. En outre, les employés délocalisés à l’Est n’ont pas été remplacés.

Place à la démondialisation

En Europe en particulier, « les emplois sûrs du passé laissent de plus en plus la place à des petits boulots « ubérisés », qui contribuent à creuser encore davantage le fossé entre riches et pauvres. Les insatisfactions découlant de cet état de fait font le lit des populistes, qui jouent à leur tour sur le sentiment anti-immigration », affirme-t-il. La vague de mondialisation qui a déferlé sur le monde à partir des années 1970 pourrait se briser prochainement. 

« Nous nous trouvons probablement à l’aube de plusieurs décennies de démondialisation, qui auront des répercussions importantes sur le plan social et économique. Le phénomène n’est pas nouveau. Après la Première Guerre mondiale, les États-Unis ont connu un repli isolationniste tandis que l’Allemagne se retrouvait accablée par le poids des réparations, offrant un terreau fertile au national-socialisme. Le sentiment anti-immigration actuel et l’avènement du populisme pointent vers une instabilité future – ce que n’aiment pas les investisseurs. »

Capitalisme 2.0

Pour Neil Dwane, les sociétés inégales ont un caractère malsain et sont toujours source d’instabilité. En sa qualité de stratège, il considère qu’il a pour mission de réfléchir au rôle du monde financier dans la survenue et la persistance de ces inégalités croissantes. 

« Dans ce débat, les services financiers sont plutôt considérés comme une partie du problème que comme une solution. Il nous incombe de convaincre les gens du contraire. C’est pourquoi les investisseurs doivent unir leurs forces avec les clients, les entreprises, le monde politique, les autorités de surveillance et les médias pour débattre d’un capitalisme européen 2.0, un modèle dans lequel la prospérité ne sera plus l’apanage d’une petite élite. »

Un partage équitable

Et pour donner le bon exemple, le secteur financier doit, selon Neil Dwane, revoir sa politique de rémunération. Dans le même temps, les gérants doivent exiger que les entreprises dans lesquelles ils investissent s’engagent à redistribuer plus équitablement leurs bénéfices aux employés. 

« Les entreprises doivent réfléchir davantage à leur contribution à la société, car sans cette même société, il n’y aurait pas d’entreprise bénéficiaire. » Parallèlement à cela, nous devons balayer devant notre porte. Au cours de la décennie qui vient de s’écouler, le scénario Boucles d’or, l’assouplissement monétaire et la politique de taux zéro des banques centrales ont beaucoup enrichi les dirigeants du secteur financier, puisque les cours des actions ont augmenté. Mais les employés ont à peine profité de ces « florissantes » années boursières. J’y vois la mort du rêve américain : travailler dur ne permet plus forcément de s’enrichir. »

Augmentations salariales

Selon Neil Dwane, les entreprises doivent relever les salaires et armer leurs collaborateurs, par le biais de formations, face à l’arrivée de technologies disruptives telles que l’intelligence artificielle. Sinon, elles courent le risque d’être victimes d’hommes politiques qui « n’ont absolument aucune idée de ce qu’ils font. »

« Pour éviter la surréglementation, les investisseurs doivent dès maintenant prendre les rênes. Les banques sont désormais surréglementées… Et c’est leur faute. Après la crise financière, elles n’aspiraient qu’à une chose : revenir à l’âge d’or, pour pouvoir empocher leurs millions de bonus. J’aimerais que les gestionnaires d’actifs adoptent une approche plus responsable et redistribuent la valeur des investissements réalisés pour les clients. »

Author(s)
Categories
Access
Limited
Article type
Article
FD Article
No