« Si l’économie et les marchés boursiers se sont montrés résilients au premier semestre, nos prévisions tablent sur un affaiblissement au second. Les investissements ESG sont une valeur sûre, mais font toujours face à quelques défis », déclare Mahmood Pradhan, Global Head of Macro chez Amundi Asset Management.
L’économie a remarquablement bien tenu au premier semestre. « L’économie a réagi de façon plutôt résiliente au resserrement monétaire. Cela s’est répercuté sur les marchés boursiers, qui ont continué à fournir de bonnes performances. »
Interrogé à ce sujet, l’économiste voit plusieurs raisons en Europe et aux États-Unis. « Pour commencer, l’Europe a eu la chance de voir de nouveau baisser les prix de l’énergie après la flambée initiale causée par la guerre en Ukraine. Cela s’explique en partie par un hiver doux et une constitution rapide de réserves de gaz. Deuxièmement, les gouvernements ont pris des mesures pour soutenir les ménages et les entreprises. Si ces mesures varient d’un pays à l’autre, elles ont représenté, dans l’ensemble, près de 2 pour cent du PIB en 2022. »
Pradhan note que la situation aux États-Unis est différente à deux égards. « La crise énergique n’y a pas eu la même ampleur. En Europe, les prix ont augmenté en moyenne de 80 pour cent ou plus. Aux États-Unis, cette hausse n’a été que de 30 pour cent, et les prix sont ensuite retombés. De plus, la demande économique a été davantage stimulée aux États-Unis. Pendant la période du COVID, les mesures de relance budgétaire y ont été plus fortes, permettant aux entreprises et aux ménages de mieux tenir le coup. »
Des perspectives faibles
« Nous tablons sur des perspectives économiques faibles. Selon notre scénario de base, l’Europe parviendra à éviter une récession. Nous y attendons cependant une croissance économique particulièrement plate et limitée. La BCE prévoit une croissance de 0,9 pour cent en 2023, ce qui nous paraît un peu trop optimiste. Nous prévoyons également une suppression progressive des aides fiscales. Le resserrement monétaire est plutôt prononcé, et je pense que l’on sentira son impact avec un certain retard. »
À terme, l’économiste prévoit une baisse de l’inflation. « La BCE est proche du point culminant de ses taux d’intérêt, et l’inflation va entamer une diminution avec un peu de retard. Il faut bien admettre qu’elle s’est montrée plutôt persistante, et cela prendra donc un certain temps. Nous partons du principe que les taux directeurs resteront élevés encore longtemps. »
« Aux États-Unis, nous nous attendons à un ralentissement économique, que je qualifierais d’ailleurs de légère récession. L’inflation y a déjà baissé un peu plus qu’attendu, mais elle demeure encore supérieure aux objectifs. Nous prévoyons également que les taux d’intérêt y resteront élevés encore longtemps. »
Concernant les investissements, Pradhan prévoit un affaiblissement des bénéfices et, par conséquent, un affaiblissement des marchés. « Nous n’anticipons cependant aucune baisse importante, ni des bénéfices, ni sur les marchés. Les investisseurs rechercheront la qualité de façon plus consciente et se focaliseront davantage sur les valorisations. Ces dernières sont encore attrayantes en Europe à l’heure actuelle, et l’on pourrait en dire de même pour la Chine. »
Les défis des ESG
L’économiste fait mention de certains défis majeurs au sein de l’univers ESG. « La question de savoir ce que sont aujourd’hui précisément les ESG et comment les interpréter demeure importante. La réglementation fait encore débat, comme on le voit avec la taxonomie européenne pour les investissements durables. Mais il existe déjà une bonne base ; il s’agit surtout d’ajustements marginaux. Les autorités doivent en outre jouer un rôle plus important. Il faut des initiatives gouvernementales pour encourager les investissements ESG et dans les solutions pour le climat. »
Enfin, Pradhan souligne le déséquilibre entre l’offre et la demande d’investissements durables. « L’offre d’actifs ESG reste limitée, tandis que la demande ne fait qu’augmenter. C’est particulièrement le cas sur les marchés obligataires. Cela explique en partie pourquoi les investissements ESG ont tant eu le vent en poupe ces deux ou trois dernières années. La demande était considérable pour une offre limitée, ce qui a créé un déséquilibre. L’offre va cependant augmenter au cours des prochaines années, et les investissements ESG offriront alors des rendements plus normaux. »