Toutes les banques privées de Belgique sont à la recherche d’un bon deal. La hausse des coûts de conformité et les très coûteux investissements IT rendent les économies d’échelle inéluctables.
« Chaque semaine, je suis contacté par des parties – y compris de l’étranger – à la recherche de portefeuilles de clients ou d’asset deals. Il y a beaucoup d’actionnaires qui recherchent un bon deal », déclare Vincent Piron, associé chez KPMG Belgique et spécialiste du secteur financier. « Surtout chez les petits gestionnaires d’actifs, je m’attends encore à de nombreuses reprises : le coût de la réglementation est tout simplement trop élevé pour les petits acteurs. Le véritable mouvement de consolidation n’a pas encore commencé. »
Quel est actuellement le plus grand défi pour les banques privées ?
« La réglementation constitue incontestablement une priorité absolue. Toute la législation concernant la lutte contre la criminalité financière et les obligations know your customer ont non seulement un impact direct sur le département conformité, mais aussi sur l’entreprise proprement dite. En effet, les banques doivent guider les clients vers la sortie lorsqu’ils ne peuvent pas expliquer l’origine de leurs flux d’argent. Et il ne s’agit pas d’un exercice ponctuel : c’est une analyse que chaque banque doit effectuer périodiquement pour tous ses clients. Avec une portée considérable, car cela demande également un grand investissement en temps. Lorsqu’une proportion croissante du personnel est occupée par des questions réglementaires, il reste moins de temps pour investir dans des projets technologiques ou dans la customer centricity. Pourtant, les banques privées doivent se transformer dans ce domaine également. Autrement dit, beaucoup de choses en même temps. »
Tous ces chantiers différents nécessitent également des investissements importants. Quel est l’impact sur les marges bénéficiaires ?
« Les marges sont sous pression en raison de l’augmentation des coûts de conformité et des indispensables investissements IT. Alors que par le passé, on se basait sur un minimum de 10 milliards d’euros d’actifs sous gestion pour être rentable, ce chiffre tend désormais vers les 15 milliards d’euros pour les banques privées. »
Quel est l’impact sur le modèle de rémunération des banques privées ?
« Ce n’est pas un hasard si de plus en plus de banques privées se concentrent sur la gestion discrétionnaire. Les conseils d’investissement personnalisés pour chaque client sont tout simplement devenus trop chers. Nous évoluons donc vers un modèle différent. Une gestion plus discrétionnaire des portefeuilles d’investissement n’est qu’une partie de l’histoire. En effet, les clients private banking ont besoin de conseils dans différents domaines, comme la planification de la succession, les investissements alternatifs comme l’art, ou les produits de financement spécifiques comme un crédit Lombard. Pour ces questions, je vois le secteur s’orienter davantage vers un modèle d’honoraires, avec un coût lié à chaque conseil spécifique. Le modèle de service va complètement changer dans les années à venir. »
Les clients seront-ils également ouverts à cela ?
« C’est le grand défi, car le client typique d’une banque privée est déjà d’une génération plus âgée. Il n’est pas évident de guider vers la gestion discrétionnaire un client qui a pu compter sur la gestion conseil pendant 20 ans. Mais c’est une question de gestion du changement. Et cela signifiera inévitablement la fin de certaines relations client. Mais dans le même temps, cette transition offre également des opportunités, par exemple en attirant une nouvelle génération de clients, plus jeunes. »
La Belgique est-elle encore un pays attractif pour les banques privées ?
« Certainement. Nous sommes un pays relativement petit, mais l’ensemble des banques représente environ 400 milliards d’euros d’actifs sous gestion. Comme il n’y a pas de taxation des plus-values sur actions dans notre pays, nous sommes également intéressants pour les clients étrangers. De plus, notre système éducatif solide garantit un personnel bien formé. D’un point de vue international, c’est certainement un atout, car la guerre des talents fait rage. »