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Le marché de l’immobilier commercial aux États-Unis n’est pas le seul à être confronté à des prix historiquement bas en raison de la hausse des taux d’intérêt et de la généralisation du télétravail. L’Europe fait face aux mêmes difficultés. Les acteurs fortement exposés à ce secteur sont durement touchés, tandis que les baisses de taux d’intérêt se font attendre. 

L’inquiétude concernant les éventuelles difficultés des acteurs financiers de l’immobilier commercial aux États-Unis s’est intensifiée la semaine dernière, lorsque New York Community Bancorp a décidé d’augmenter ses provisions afin de faire face à d’éventuelles pertes de crédit sur des prêts immobiliers commerciaux aux États-Unis. La réaction du marché a été brutale : l’action a dévissé de 10,6 % lundi, perdant près de la moitié de sa valeur depuis l’annonce de cette nouvelle. 

D’autres banques américaines devraient prendre des mesures similaires, ainsi qu’en témoigne la chute de 10 % de l’indice KBW Nasdaq Regional Banking depuis la semaine dernière. En effet, les banques régionales et les banques de petite taille (qui ne font pas partie du top 25 sur la base de leurs actifs nationaux) sont, avec une exposition 4,8 fois plus importante, plus vulnérables aux baisses de prix dans le secteur de l’immobilier commercial que Wall Street.

La combinaison de taux d’intérêt élevés et d’une demande réduite en matière d’espaces de bureaux complique le financement de la dette des promoteurs. La solution – à savoir une baisse des taux d’intérêt – a été une fois de plus différée par la Réserve fédérale et la Banque centrale européenne en janvier, à la grande frustration des investisseurs.

Crise existentielle

Barry Stuart Sternlicht, CEO de Starwood Capital Group, affirme que le marché américain des bureaux traverse une crise existentielle. « La classe d’actifs valait autrefois 3000 milliards de dollars, mais n’en vaut probablement plus que 1800 aujourd’hui. La perte de valeur s’élève à 1200 milliards de dollars, et il est difficile de déterminer exactement où se situent ces pertes », déclarait Barry Stuart Sternlicht lors de la Global Alts Conference, qui s’est tenue à Miami la semaine dernière. 
Cependant, Barry Stuart Sternlicht perçoit également un aspect positif : selon lui, la situation sur le marché des bureaux semble être un phénomène propre aux États-Unis. « À Munich, les loyers ont augmenté de 15 % et le taux d’inoccupation n’est que de 2 %. À Séoul, il est de 1 % et à Tokyo, de 4 % », ajoute-t-il.

Avec une moyenne estimée à 6,9 %, les taux d’inoccupation des bureaux en Europe sont effectivement inférieurs à ceux des États-Unis. Cependant, les chercheurs du FMI affirment désormais que les risques associés au secteur de l’immobilier commercial sont bel et bien pertinents pour l’Europe, car les mêmes facteurs y sont à l’œuvre.

Selon Andrea Deghi, expert du secteur financier et l’un des chercheurs du FMI, l’immobilier commercial en Europe va connaître une hausse des défauts de paiement, provoquée par la baisse rapide des prix de l’immobilier, l’arrivée à échéance des dettes et les normes de prêt plus strictes imposées par les banques. Dans le dernier Rapport sur la stabilité financière dans le monde du FMI, Andrea Deghi écrit : « les réserves de trésorerie des entreprises et des sociétés commencent à s’éroder, étant donné que les ratios de couverture des intérêts diminuent et que les bénéfices attendus devraient diminuer. »

Prêts non performants 

En Europe, où la dette liée à l’immobilier commercial représente 12 % du PIB (contre 18 % aux États-Unis), les banques font état d’une augmentation des prêts non performants, en particulier pour les prêts liés à des immeubles de bureaux anciens ou mal situés, rapporte le FMI. Au premier trimestre 2023, les prêts immobiliers commerciaux représentaient environ 30 % de l’ensemble des prêts non performants en Europe.

Cela a été confirmé dans la pratique la semaine dernière lorsque Julius Bär, le gestionnaire de patrimoine suisse, a fait état d’une perte sur crédit nette de 701 millions de dollars en raison de son exposition au groupe immobilier autrichien Signa Holding, propriétaire notamment du Chrysler Building à New York. Julius Bär a déclaré augmenter ses provisions pour risques de pertes de crédit sur cette exposition, mais les pertes finales ont dépassé les attentes du marché. Le CEO Philipp Rickenbacher a annoncé son départ ainsi que la suppression de 250 postes.

Les problèmes de refinancement des prêts immobiliers en Europe ont affecté non seulement Signa, mais aussi le promoteur immobilier allemand Aroundtown ainsi que les sociétés suédoises Castellum, SBB et Pandox. Deutsche Bank AG a dû quadrupler ses provisions pour pertes immobilières, en l’occurrence liées à une exposition à l’immobilier américain. 

47 % de transactions en moins

La Banque centrale européenne signale une baisse de 47 % sur un an des transactions sur l’immobilier commercial européen au premier semestre 2023. Une analyse suggère que la récente hausse des coûts de financement pourrait doubler la part des entreprises déficitaires dans le portefeuille de prêts, pour la porter à 26 %.

Comme le souligne également le FMI, la banque met en évidence « d’importantes vulnérabilités » au sein de ces portefeuilles, notamment en raison de la hausse persistante des coûts de financement et de la baisse de la rentabilité. Selon la BCE, ces problèmes devraient « persister pendant plusieurs années ».

La baisse exacte des prix de l’immobilier n’est pas encore connue, mais les données de la BCE révèlent que les plus grands propriétaires immobiliers cotés en Bourse se négocient actuellement avec une décote de plus de 30 % par rapport à la valeur nette de leurs actifs. Il s’agit de la plus forte décote depuis la crise financière de 2008, marquant ainsi un point bas depuis le début de la pandémie de Covid-19 en 2020.

Selon Peter Papadakos, responsable de la recherche européenne chez Green Street, un cabinet de recherche indépendant spécialisé dans l’immobilier, les propriétaires d’immeubles de bureaux pourraient ne récupérer que 75 cents pour chaque euro emprunté en 2020, en raison de la faiblesse des fondamentaux du marché des bureaux et de la croissance limitée des loyers.

Le capital-investissement saisit l’opportunité

Entre-temps, certains acteurs américains saisissent l’opportunité de racheter des biens immobiliers en difficulté à des prix considérablement réduits. Ainsi, RXR, un promoteur immobilier de premier plan à New York, a annoncé en janvier lancer en partenariat avec la société de capital-investissement Ares Management un fonds d’un milliard de dollars axé sur l’investissement dans des immeubles de bureaux en difficulté de la ville.

Les partenaires sont optimistes et estiment que la stagnation du marché des bureaux, causée par l’incertitude quant aux taux d’intérêt et l’impact du télétravail, est en train de s’atténuer. Ils s’attendent à ce que de nombreuses parties soient disposées à subir des pertes lors de la vente ou de la restructuration de leurs biens immobiliers.

« Nous disposons désormais d’une vision claire concernant les taux d’intérêt, l’avenir des espaces de bureau, ainsi que les immeubles qui maintiendront leur compétitivité. Une capitulation est en train de se produire, une reconnaissance du fait que les valeurs ne se rétabliront pas aussi facilement qu’en 2008 », a déclaré Scott Rechler, CEO de RXR, au Financial Times.

Par ailleurs, Northwind Group, une société de capital-investissement basée à Manhattan, a déjà accordé environ 300 millions de dollars de prêts immobiliers commerciaux au cours du premier mois de l’année 2024, soit deux fois plus qu’en janvier de l’année dernière, rapporte MarketWatch. Northwind Group prévoit d’accorder entre 1,5 et 2 milliards de dollars de prêts au cours de cette année.

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