Ces cinq dernières années, la performance des actions américaines à faible capitalisation a été constamment à la traîne par rapport à celle des grandes capitalisations. À une exception près : les quatre mois qui ont suivi la victoire électorale de Donald Trump en 2016. Un nouveau mandat pour le président est-il donc le meilleur scénario pour les investisseurs dans les petites capitalisations américaines ?
La raison de la hausse des actions à faible capitalisation dans les mois qui ont suivi l’élection de Trump était la réduction de l’impôt sur les bénéfices, qui est passé de 35 à 21 %. Comme les entreprises à petite capitalisation, qui sont d’une manière générale davantage axées sur le marché national, paient plus d’impôts aux États-Unis que les grandes multinationales, ce sont elles qui ont relativement parlant le plus bénéficié de la mesure. Joe Biden a déjà annoncé qu’il relèverait à nouveau l’impôt sur les bénéfices s’il était élu.
« Si la réduction de l’impôt sur les bénéfices est annulée, les investisseurs voudront en effet réévaluer les perspectives à long terme des entreprises », déclare Nicolas Janvier (photo), gérant du Threadneedle (Lux) American Smaller Companies Fund. Mais il nuance directement : « En fin de compte, l’impact à long terme des élections présidentielles sur le marché boursier américain s’avère toujours limité. »
En effet, la poussée d’adrénaline dont les petites capitalisations ont bénéficié grâce aux réductions d’impôts après l’entrée en fonction de Trump s’est rapidement atténuée. Après seulement quatre mois de surperformance des petites capitalisations, les grandes capitalisations ont retrouvé leur position de leader sur le marché dès mars 2017. Janvier : « En fin de compte, c’est la mesure dans laquelle une entreprise est capable d’augmenter son chiffre d’affaires et ses bénéfices et de générer un flux de trésorerie disponible qui détermine si vous voulez investir dans cette entreprise. Une modification des taux d’imposition n’apporte que peu de changement à cet égard. »
Cela n’enlève rien au fait qu’il y a bien sûr des entreprises sur lesquelles le résultat des élections présidentielles aura également un impact à long terme. « Par exemple, les entreprises de services publics bénéficieront de la victoire de Biden, car les démocrates veulent investir dans l’énergie propre. L’inverse est vrai pour les entreprises d’énergie fossile. » Mais ces deux secteurs ne représentent que quelques pour-cent de l’indice Russell 2500 pour les petites capitalisations.
Hôpitaux
Avec des pondérations de respectivement 15,8 et 15,3 %, les valeurs financières et les soins de santé, deux autres secteurs sensibles à la réglementation de Washington, sont beaucoup plus fortement représentés dans cet indice. Les banques seront à nouveau confrontées à une réglementation plus stricte sous Biden et un Sénat démocrate, et la victoire des démocrates n’est pas une bonne nouvelle pour les pharmaciens non plus, estime Janvier. Les hôpitaux cotés en bourse, qui existent également aux États-Unis, doivent par contre espérer une victoire démocrate. « Si l’Obamacare est supprimé, c’est une très mauvaise nouvelle pour les hôpitaux. En conséquence, ils se retrouveront avec des dettes irrécouvrables de patients qui ne sont pas en mesure de payer leurs factures. »
« Mais en fin de compte, ce genre de choses n’aura un impact que sur les marges », poursuit Janvier. Les élections présidentielles ne changeront donc pas la donne pour les petites capitalisations. Mais qu’est-ce qui peut alors conduire à une surperformance durable des petites capitalisations ?
En ce qui concerne Janvier, il attend surtout une reprise durable de l’économie américaine, car les petites capitalisations sont en effet une catégorie d’investissement davantage axée sur la macroéconomie. « Comme les petites capitalisations affichent traditionnellement une surperformance lorsque l’économie se redresse fortement, un tel scénario serait donc favorable », déclare Janvier. « Une autre possibilité est une courbe de rendement plus raide. Celle-ci est favorable à la valeur par rapport à la croissance, et devrait donc relativement parlant bénéficier aux petites capitalisations. »
Une hausse des taux d’intérêt à long terme pourrait également amener les marchés à accorder de nouveau davantage de valeur aux valorisations. « Cela pourrait être bénéfique pour les petites capitalisations, car elles sont beaucoup moins chères que les grandes. » Et enfin, il y a la possibilité d’une hausse de la valeur du dollar : cela serait relativement favorable aux petites capitalisations, car elles sont moins dépendantes du marché étranger que les grandes. »
Mais pour l’instant, il semble y avoir peu de signes d’un retour durable des petites capitalisations. La Fed s’est engagée à maintenir des taux d’intérêt bas dans les années à venir et le consensus sur le marché est que la récente correction des valeurs technologiques était de nature technique seulement.
L’exposition aux valeurs technologiques reste de loin la différence la plus importante entre les indices des petites et des grandes capitalisations. Alors que les actions technologiques représentent plus d’un tiers de l’indice S&P 500, ce chiffre n’est que de 17 % pour l’indice Russell 2500.
« Les modèles d’entreprise asset-light et axés sur la technologie sont en effet les plus populaires auprès des investisseurs actuellement », déclare Janvier, qui insiste néanmoins sur une allocation sectorielle neutre. « Nous essayons d’atteindre l’alpha en choisissant les bons titres, sur la base des recherches de nos analystes, et non en surpondérant certains secteurs particuliers. »
Success stories de la tech
Il est de toute façon difficile pour les investisseurs dans les petites capitalisations d’investir dans les grandes success stories technologiques, comme le service de vidéo en ligne Zoom et, récemment, le fournisseur de cloud computing Snowflake. Ces entreprises valent souvent déjà plus de 20 milliards de dollars au moment de leur introduction en bourse, soit la capitalisation boursière maximale pour les entreprises du fonds de Janvier. La part du lion des actifs de son fonds se trouve d’ailleurs dans des entreprises dont la capitalisation boursière est inférieure à 5 milliards de dollars.
Mais Janvier relativise l’importance de pouvoir investir dans ce type de ‘hot stocks’. En tant qu’investisseur, il ne faut pas vouloir chercher la prochaine Tesla ou Google, car ces entreprises sont vraiment très peu nombreuses. Et réfléchissez : si vous passez d’une capitalisation boursière de 1 à 10 milliards de dollars, vous avez déjà un rendement de 1000 %, mais vous êtes encore loin d’être une grande capitalisation. Or un tel rendement n’est pas mal du tout, n’est-ce pas ?
Le Threadneedle (Lux) American Smaller Companies Fund affiche cette année une augmentation de 3,2 %, et fait donc beaucoup mieux que l’indice de référence, le Russell 2500. Le fonds, qui est coté trois étoiles Morningstar et surpasse largement son indice de référence sur un et trois ans, a atteint cet alpha, notamment à la suite du krach du coronavirus. « Nous avons connu un deuxième trimestre phénoménal, au cours duquel nous avons pu tirer parti de la volatilité en entrant dans des entreprises dotées de modèles économiques durables à des prix attractifs. »