Si les risques pour l’immobilier européen augmentent, une correction substantielle des prix semble encore lointaine. La hausse des revenus locatifs et les faibles taux d’intérêt constituent une base solide.
Des entretiens avec des experts immobiliers de DWS et Axa Investment Managers révèlent que le soulagement des investisseurs immobiliers est grand maintenant qu’une hausse rapide des taux d’intérêt en Europe - un risque majeur pour l’immobilier - a été évitée. Les banquiers centraux des États-Unis ont également levé le pied et les indices immobiliers ont augmenté. L’indice mondial FTSE Nareit Developed a réalisé un rendement net de 16,6 % au premier trimestre 2019, tandis que la variante européenne affiche un rendement de 13,5 % (en euros).
Matthias Naumann, responsable Stratégie et Immobilier Europe chez DWS : « Maintenant que la BCE a changé de cap en raison des perspectives économiques moins favorables, les investisseurs peuvent à nouveau se concentrer sur des facteurs structurels. »
Naumann : « La sélection des biens immobiliers est désormais principalement axée sur les revenus locatifs sous-jacents. Les revenus locatifs constituent un bon tampon en période d’incertitude et assurent un revenu stable. Nous avons connu une forte croissance des revenus locatifs, parfois même à deux chiffres sur certains marchés. » Naumann explique cette croissance par la rareté de l’offre. « Les promoteurs immobiliers européens ont peu construit entre 2010 et 2017, ce qui aura un impact pendant encore deux ou trois ans au moins. »
Des risques, mais pas de krach
Fréderic Tempel, responsable de la division immobilière cotée de la société française Axa Investment Managers, considère la forte présence d’un financement par emprunt bon marché comme le facteur positif le plus important pour l’immobilier européen. « Ce financement est encore abondamment disponible. C’est vrai, la croissance économique ralentit, mais nous ne nous attendons ni à des corrections de prix importantes, ni à une crise immobilière. Pour que cela se produise, il faudrait d’abord qu’il y ait des signaux d’alarme sur les marchés du crédit. »
Naumann ne s’attend pas non plus à des corrections de prix importantes en Europe. Les taux d’intérêt, les taux d’inoccupation historiquement bas et les revenus locatifs constituent une base solide. « À moins d’un choc économique, nous ne prévoyons pas de baisses des prix significatives au cours des deux ou trois prochaines années », déclare l’investisseur chez DWS.
Selon les deux experts immobiliers, le principal risque est que l’économie continue de s’affaiblir. En fin de compte, cela aura également un impact négatif sur l’immobilier. L’immobilier est vulnérable à ces vents contraires car, après des années de hausse, les prix se situent à des niveaux élevés. Tempel : « Si nous nous inquiétions il y a quelque temps de la surchauffe de l’économie, une récession est aujourd’hui un des risques majeurs. Les risques de défaut de paiement augmenteront, ce qui rendra les bailleurs de fonds nerveux. »
Selon Tempel, il existe des risques spécifiques à l’Europe. Tout d’abord, la Fed dispose actuellement d’une plus grande marge de manœuvre que la BCE pour soutenir le marché en cas de besoin. « En outre, il y a des incertitudes politiques : pas tant sur le Brexit, mais sur l’ensemble du projet européen. Le mécontentement social augmente. »
Enfin, Naumann met en garde les acheteurs immobiliers qui s’attendent à ce que les taux d’intérêt restent très longtemps bas et qui, sur cette base, entrent à des rendements initiaux trop faibles (prix élevés de l’immobilier). « Mais si, contre toute attente, les taux d’intérêt augmentent par la suite, avec un tel modèle d’investissement, toutes les sonnettes d’alarme se déclencheront. »
Taux de dividende attrayant
Les investisseurs immobiliers en Europe ne devront alors pas redouter un krach, car le potentiel de hausse des prix de l’immobilier est faible. Le pouvoir de l’argent bon marché est limité. Tempel : « Les prix de l’immobilier augmenteront en moyenne avec l’inflation, de sorte que les investisseurs peuvent s’attendre à un rendement total d’environ 4 à 5 % cette année. » La contribution la plus importante devra donc provenir du dividende, qui est en fait le revenu locatif sous-jacent.
Tempel : « Ce taux de dividende de 3 à 4 % reste attractif pour les investisseurs à la recherche de nouvelles sources de revenus, surtout si on le compare aux rendements faibles ou négatifs des obligations d’État allemandes. Bien entendu, ce dividende doit cependant être stable. »
Opportunités
Naumann voit actuellement des opportunités en Europe, et en particulier sur les marchés de bureaux urbains, les hôtels et les habitations. De plus, une fois la fumée du Brexit dissipée, l’investisseur immobilier estime que des opportunités d’investissement attrayantes se présenteront sur le vaste et liquide marché immobilier londonien, que l’incertitude entourant le Brexit a pratiquement paralysé. « Les rendements initiaux se situent toujours à 4 %, alors qu’ils ont été plus faibles ailleurs, notamment à Paris, à Amsterdam et en Allemagne, en raison de l’afflux de fonds d’investissement. »
Tempel voit en Europe des opportunités dans la logistique et l’immobilier industriel. « La demande est forte. » Certains marchés de niche offrent également des primes de risque intéressantes. « Il suffit de penser aux logements d’étudiants. Un saut qualitatif est à cet égard nécessaire. L’immobilier lié à la santé, comme les hôpitaux, les cabinets médicaux et les maisons de retraite, offrent également la perspective de rendements plus élevés. »
L’investisseur d’Axa considère également la durabilité comme une tendance importante. « À cet égard, ce ne sont pas les règlements, mais les locataires eux-mêmes qui sont la force motrice. Ce sont surtout les grandes entreprises qui l’exigent, or un tel client est roi. » Les propriétaires immobiliers devront investir beaucoup d’argent pour rendre leurs biens plus durables, mais ils auront par la suite davantage de chances de trouver des locataires qui paient bien.