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Depuis 2021, les gestionnaires d’actifs de la planète n’ont guère avancé dans la réalisation de leurs objectifs de durabilité. Aux États-Unis surtout, les acteurs sectoriels sont de moins en moins disposés à convaincre les entreprises de leur portefeuille d’abandonner les combustibles fossiles. 

Une étude menée par le thinktank InfluenceMap sur les portefeuilles d’actions des 45 plus grands gestionnaires d’actifs au monde, représentant un actif sous gestion total de 16 400 milliards de dollars, a conclu que 95 % de ces portefeuilles ne sont pas conformes à l’Accord de Paris sur le climat. En effet, les gestionnaires d’actifs investissent encore quelque 880 milliards de dollars dans des entreprises produisant des combustibles fossiles, tandis que les investissements verts ne représentent que 309 milliards de dollars au total.

Les États-Unis et le Japon à la traîne

Aux États-Unis, en particulier, les gestionnaires d’actifs sont de moins en moins disposés à investir de manière plus durable, malgré un léger regain d’enthousiasme en 2022, qui s’est depuis de nouveau émoussé. Les États américains sont de plus en plus nombreux à voter des lois anti-ESG, qui interdisent aux fonds d’investir sur la base de critères ESG. Ce phénomène est notamment source de frustrations chez les grands investisseurs néerlandais, qui constatent que plusieurs gestionnaires d’actifs anglo-saxons privilégient actuellement le rendement financier à la transition énergétique, comme en témoigne leurs prises de positions dans les sociétés pétrolières et gazières.

Pour InfluenceMap, les gestionnaires d’actifs européens de moindre envergure, tels que Natixis et Schroders, sont en revanche plus vertueux.  Schroders, mais aussi BNP Parisbas Asset Management, ont presque trois fois plus d’investissements verts en portefeuille que la moyenne des gestionnaires d’actifs. À l’autre extrémité du spectre figurent des grands acteurs japonais et américains, tels que Mitsubishi Financial et BNY Mellon. Goldman Sachs et State Street sont eux aussi fortement exposés aux combustibles fossiles.

Actionnaires

Les grands investisseurs sont également moins enclins à soutenir les plans climatiques des entreprises lors des assemblées générales. Alors qu’ils avaient en moyenne approuvé 61 % des résolutions durables en 2021, ce chiffre est tombé à 50 % l’année dernière. Là encore, les cancres sont les entreprises américaines : en moyenne, elles n’ont approuvé que 36 % des points à l’ordre du jour portant sur la durabilité, contre 50 % en 2021.

Début 2023, dans une étude sur le vote des dix plus importants gestionnaires mondiaux lors des assemblées générales, Morningstar est parvenu à la même conclusion. « Le langage «vert» dans les lettres aux actionnaires des gestionnaires d’actifs a fait place à un discours plus nuancé », déclarait Anne Lafarre, chercheuse à l’université de Tilburg, dans une interview accordée à Investment Officer.

En janvier, l’ONG Share Action affirmait dans son rapport Voting Matters que le soutien moindre des actionnaires s’expliquait notamment par les bénéfices records des entreprises énergétiques du fait de la guerre en Ukraine, qui ont permis à ces dernières de verser des dividendes plus généreux et de multiplier les rachats d’actions.

« Notre étude montre que le vote des grands gestionnaires d’actifs ne correspond pas aux promesses qu’ils font au public en matière de climat », ont constaté les auteurs du rapport de Share Action. « De plus, le vote de ces gestionnaires n’est pas en ligne avec les engagements climatiques de nombreux clients des fonds de pension, ce qui a lieu d’inquiéter les bénéficiaires de ces régimes de pension. »

Le constat d’InfluenceMap sur le moindre engagement des actionnaires lorsqu’il s’agit de soutenir activement les entreprises dans leur transition durable n’a donc rien de surprenant.

« De plus en plus, l’écart se creuse entre les promesses toujours plus nombreuses de neutralité carbone de la part des principaux gestionnaires d’actifs mondiaux, et leur réticence à agir à court terme, affirme InfluenceMap. Ces derniers doivent revoir leur propre politique d’investissement et soutenir activement les entreprises pour la transition énergétique. »

« Il ne suffit pas de demander aux entreprises de réduire leurs émissions ou de mettre en place des stratégies pour atteindre cet objectif, a pour sa part déclaré Christina Herman, directrice de l’Interfaith Center on Corporate Responsibility. Si les grands investisseurs pensent vraiment que les entreprises doivent devenir plus durables, ils doivent également apporter leur pierre à l’édifice. »

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