La technologie est un nouveau moteur potentiel de consolidation dans le secteur de la gestion d’actifs. C’est du moins ce que semble indiquer un débat entre les CEO de cinq grands gestionnaires d’actifs lors d’une conférence de l’European Fund and Asset Management Association (Efama) à Bruxelles.
Karin van Baardwijk, CEO de Robeco, a notamment affirmé voir un potentiel de consolidation. Elle note l’intérêt des gestionnaires d’actifs traditionnels désireux d’étendre leurs services en dehors de leurs domaines clés, par exemple par de nouvelles solutions de marché pour les actifs privés.
« On vise une certaine évolutivité afin de réaliser les ambitions de croissance des gestionnaires d’actifs traditionnels », explique Karin Van Baardwijk. La technologie joue un rôle dans cette quête, notamment pour les entreprises qui consacrent peu de ressources à son développement. « Certains d’entre nous hésitent à implémenter l’intelligence artificielle (IA) eux-mêmes et recherchent peut-être des fintechs débutantes de plus petite envergure afin de les aider à relever des défis spécifiques liés à l’IA ou aux données. L’autre aspect que j’observe est la conquête des marchés de la distribution. »
Évolutivité
Hamish Forsyth, président Europe & Asia chez Capital Group, considère lui aussi le potentiel croissant de l’IA pour la gestion d’actifs comme un facteur de consolidation.
« Nous sommes très heureux d’être dans une position qui nous permet de rester fidèles à nos projets de croissance organique. L’évolutivité nous y aide, mais il y a beaucoup d’autres choses. C’est très compliqué. On parle de règlementation, mais je pense simplement à l’IA, aux projets que nous avons élaborés, des projets que nous n’aurions pas même crus possibles il y a encore un an », confie Hamish Forsyth.
« Que des acheteurs, pas de vendeurs »
La forte rentabilité des gestionnaires d’actifs est devenue un obstacle pour les acquisitions. « Nous attendons une consolidation dans ce secteur depuis plus de dix ans », affirme Philippe Setbon, CEO d’Ostrum Asset Management, anciennement Natixis. « Pourquoi ? Nous travaillons au sein d’un environnement aux marges opérationnelles relativement élevées et soutenu, depuis plus de dix ans, par la politique des banques centrales. Nous n’avons que des acheteurs, et pas suffisamment de vendeurs. »
À l’échelle mondiale, presque quatre gestionnaires d’actifs sur cinq réfléchissent à leurs options de partenariats, fusions ou acquisitions, selon un rapport de PwC publié au mois de juillet. « S’adapter au nouveau concept ou échouer », affirme le rapport. Le secteur « est aux prises avec plusieurs défis existentiels qui surpassent les défis des périodes précédentes », concluent les consultants.
Karin Van Baardwijk de Robeco, qui a cédé, plus tôt dans l’année, sa branche détail à Kempen Van Lanschot, note l’intérêt des gestionnaires d’actifs traditionnels désireux d’étendre leurs services au-delà des actions classiques, par exemple par de nouvelles solutions de marché pour les actifs privés.
La façon dont une acquisition potentielle peut renforcer l’efficacité d’un gestionnaire d’actifs est, à cet égard, vouée à jouer un rôle de plus en plus important. « C’est aussi une question de multiples ; les objectifs demeurent assez élevés », dit-elle.
Une transformation fondamentale
Philippe Setbon d’Ostrum et Johan Lema, CEO chez KBC Asset Management, soulignent également le rôle croissant de l’IA dans l’allocation d’actifs et la gestion d’investissements. « Je travaille dans ce secteur depuis plus de 34 an, confie Philippe Setbon, et j’ai pour la première fois l’impression que la technologie transforme la façon dont nous gérons nos activités. »
Johan Lema cite, pour illustrer l’influence croissante de l’IA, le succès rencontré par KBC Asset Management avec son fonds Optimum Enhanced Intelligence Fund, premier fonds de Belgique géré par l’IA. Ce « modèle ne tient pas vraiment compte du market timing, mais il est là. Nous voyons comment il fonctionne, mais sa valeur ne se révèlera clairement qu’au fil du temps », précise-t-il.
Fossé générationnel
Plus important encore, l’IA peut également aider à combler le fossé générationnel existant en matière de connaissances, explique Johan Lema. Les entreprises comme KBC craignent que le vieillissement de la population active mette en péril des connaissances en matière de gestion d’actifs acquises sur des dizaines d’années. Toute une génération d’experts seniors disparaît peu à peu, laissant majoritairement la place à des experts en données et technologie sans expérience notable en gestion d’actifs.
« Nous devons être en mesure de convaincre les gestionnaires d’actifs seniors de transmettre leur savoir afin qu’il intègre les modèles - et c’est là que nous avons besoin de collaborateurs techniques - et que nous ayons ainsi la garantie de le conserver », poursuit Johan Lema. « C’est difficile, c’est culturel. Nous traversons un véritable changement de culture. »
« Il est par ailleurs extrêmement important de veiller à avoir une culture d’entreprise adéquate », conclut Karin Van Baardwijk. « On doit disposer du bon état d’esprit, axé sur la croissance, pour adopter cette intelligence et voir comment elle peut créer de la cohésion au sein de l’organisation. »