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Les investisseurs actifs se focalisent souvent beaucoup trop sur l’indice de référence. Ce « benchmarkisme » a des conséquences considérables. « La réflexion stratégique est compromise. »

Interrogé par Investment Officer, Pim Van Vliet, de chez Robeco, déplore que l’indice de référence est progressivement passé d’instrument de mesure à carcan, où les écarts doivent être justifiés. 

« Il est difficile pour les investisseurs actifs de surpasser la moyenne, nous ne pouvons pas tous y parvenir », affirme l’expert de Robeco. « L’être humain a tendance à se comparer aux autres. Quelle que soit notre richesse, être plus riche que le voisin reste important pour beaucoup. C’est pourquoi nous sommes si enclins à nous focaliser autant sur l’indice de référence. Il s’agit d’un phénomène plus large, qui ne se manifeste pas uniquement dans le monde de l’investissement, mais aussi sur les réseaux sociaux, par exemple. »

Le pouvoir des promoteurs d’indices

Pim Van Vliet constate que les promoteurs d’indices deviennent de ce fait très puissants, y compris sur le plan politique. « Il arrive que le Premier ministre du Pérou se rende à New York pour convaincre MSCI d’inclure son pays dans leur indice. Nous l’avons également constaté dans le débat sur la pertinence d’inclure les actions chinoises dans les indices des marchés émergents. Les promoteurs d’indices effectuent des choix qui devraient en réalité revenir aux investisseurs finaux. Ces décisions ont des implications majeures en termes de capitaux et entravent la réflexion stratégique. »

Dans ce contexte, Pim Van Vliet attire également l’attention sur les obligations d’entreprises initialement émises avec une notation investment grade, mais rétrogradées à haut rendement par les agences de notation. « Un déclassement peut à lui seul contraindre certains investisseurs à vendre. »

L’Australie offre un bel exemple de l’obsession excessive pour les indices de référence, affirme Pim Van Vliet. Dans ce pays, la loi Your Future, Your Super stipule que si un fonds de pension sous-performe l’indice de référence pendant trois ans, les clients reçoivent automatiquement une lettre les invitant à chercher un autre fonds de pension, en raison de la sous-performance de leur propre fonds de pension. « Et par sous-performance, on entend que le fonds sous-performe l’indice de référence. Peu importe que le rendement ait pu être réalisé avec des risques moindres », déclare l’expert de Robeco. 

Renversement du concept de risque

Selon Pim Van Vliet, le benchmarkisme conduit à un « renversement » du concept de risque. Il illustre son propos en prenant le cas des actions à faible volatilité et à faible profil de risque, qui augmentent de 8 % par an. « Un indice est volatil et peut augmenter de 20 % en un an, par exemple, soit beaucoup plus que les 8 % de cette action défensive. Pour un gestionnaire actif qui s’accroche à l’indice de référence, ces actions à faible profil de risque deviennent soudain un investissement dangereux, car elles entraînent une sous-performance significative qu’il doit justifier auprès de ses clients. On ne considère plus la probabilité de perdre de l’argent, mais celle de sous-performer, avec des conséquences majeures sur l’allocation des capitaux dans le monde, qui se voit donc dictée par les indices de référence. » 

Selon Pim Van Vliet, cela peut conduire à la formation de bulles spéculatives. « Les investisseurs actifs qui cherchent à battre l’indice de référence évitent la partie un peu plus défensive du marché. Les actions qui rapportent 40 % attirent plus de capitaux que celles qui augmentent de 10 %. Cela incite les dirigeants des entreprises à prendre plus de risques, car plus c’est risqué, plus c’est attrayant. Sinon, l’entreprise est considérée comme trop ennuyeuse et n’attire pas de capitaux. Il s’agit là d’effets secondaires involontaires d’un indice de référence qui peut devenir très dominant dans le processus d’investissement. Il n’est pas surprenant qu’il y ait beaucoup de sorties de capitaux dans les stratégies défensives. » 

Opportunités

Selon Pim Van Vliet, le benchmarkisme n’apporte pas seulement des dangers, mais aussi des opportunités, en particulier pour les actions qui ne font pas encore partie d’un indice de référence, comme les petites capitalisations, ou qui sont actuellement un peu moins risquées, comme les actions défensives. « D’un point de vue historique, ces secteurs se négocient actuellement à des valorisations très faibles par rapport au reste du marché. »

L’expert de Robeco affirme que l’investissement durable remet quelque peu en question le benchmarkisme. « Un gestionnaire axé sur la durabilité ne peut pas déclarer à son client qu’il investit dans Philip Morris pour 20 points de base simplement parce que cette action fait partie de l’indice de référence. Il ne peut plus s’en sortir ainsi et doit donc faire ses propres choix. »

Cependant, Pim Van Vliet constate que les choses commencent à prendre une mauvaise tournure. « MSCI a bien mené son lobbying à Bruxelles. Tout ce qui se trouve dans les indices MSCI Climate alignés sur l’Accord de Paris relève automatiquement de l’Article 9. Les propriétaires d’actifs désireux d’investir durablement sont donc à nouveau tentés de choisir un indice de référence au lieu de sélectionner eux-mêmes leurs actions. »

Comment contrer le benchmarkisme ? « Il est important que les gestionnaires conservent un esprit critique dans le choix de leurs indices de référence. Ils peuvent vérifier chaque année si les indices de référence choisis sont toujours appropriés, et dans quelle mesure ils sont restrictifs pour les gestionnaires. »

Pim Van Vliet n’est pas opposé à l’utilisation d’indices de référence. « Nous vivons en effet dans un monde où il faut rendre des comptes. Mais il faut utiliser l’indice de référence pour ce à quoi il est destiné, à savoir évaluer la performance d’un gestionnaire par rapport à la moyenne. Le problème survient lorsque l’outil devient une fin en soi, car les choses peuvent alors mal tourner et le client final est oublié. Pour ce dernier, le plus important est que son patrimoine croisse et soit protégé. Il est important que les gestionnaires ne l’oublient pas. »

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