La poussée inflationniste actuelle est similaire à celle qui a suivi la Seconde Guerre mondiale. Il avait alors fallu deux ans pour que l’inflation ralentisse. Les taux d’intérêt à long terme devraient commencer à augmenter.
C’est ce qui ressort de la conférence Perspectives 2022 organisée en ligne par Candriam. Anton Brender et Florence Pisani, tous deux économistes, ont animé le webinaire.
Après un démarrage lent, la campagne de vaccination s’est considérablement accélérée en Asie. La production industrielle est restée stable au cours des derniers mois. Cependant, les goulets d’étranglement de la chaîne d’approvisionnement subsisteront pendant plusieurs mois. En Chine, la réglementation se renforce partout.
Brender : « Les gouvernements vont durcir leur position contre l’utilisation abusive de prêts commerciaux et à la consommation dans le secteur de l’immobilier et ont restreint davantage le recours au système bancaire parallèle (comme les prêts fiduciaires et les prêts confiés) par les promoteurs. Les administrateurs locaux des villes dans lesquelles le marché de l’immobilier n’est pas suffisamment réglementé et les prix des logements augmentent rapidement sont désormais sur la sellette. »
La construction et l’immobilier représentent 30 % de la demande finale de la Chine : une correction majeure dans ces secteurs pourrait avoir un impact considérable sur l’activité. Les autorités chinoises sont maintenant confrontées à de nombreux défis : si elles ne parviennent pas à équilibrer l’économie, la croissance pourrait sans aucun doute être ‘médiocre’ dans les années à venir. Un ralentissement de la Chine pourrait avoir un impact considérable sur le reste du monde.
Inflation
Pisani : « L’inflation rapide de l’après-guerre avait été principalement causée par des pénuries d’approvisionnement (les stocks avaient été complètement épuisés pendant la guerre et les familles éprouvaient des difficultés à acheter des voitures et des appareils ménagers parce que ceux-ci n’étaient en fait pas disponibles), une demande accrue après le rationnement en temps de guerre et l’abolition du contrôle des prix. Cette période inflationniste a pris fin après deux ans, lorsque les chaînes d’approvisionnement nationales et étrangères se sont normalisées et que la demande des consommateurs a commencé à se stabiliser. »
Pisani : « La période qui a suivi la Seconde Guerre mondiale est peut-être le modèle le plus pertinent pour aujourd’hui. Insuffisance de l’offre, évolution vers la consommation de biens durables, demande accrue de services et importante épargne accumulée sont autant de facteurs qui, ensemble, font grimper les prix. Une différence majeure entre la dynamique inflationniste de la Seconde Guerre mondiale et celle d’aujourd’hui est due au contrôle des prix, qui a gardé le niveau des prix 30 % plus bas qu’il ne l’aurait été autrement. Lorsque les restrictions ont été levées en 1946, les prix ont fortement augmenté. »
Augmentation des taux d’intérêt
Pisani : « Comme la Fed commence à normaliser sa politique, les taux d’intérêt à long terme devraient donc commencer à augmenter. » Sur le plan économique, malgré une reprise généralement forte, la zone euro est toujours en difficulté à cause de la pandémie. Par exemple, les faillites ont fortement augmenté dans certains secteurs de services, notamment en Espagne. Mais dans la plupart des pays de la zone euro, les faillites ont été contenues et les créations d’entreprises ont été plutôt élevées. Les contraintes d’approvisionnement continuent cependant de freiner l’activité industrielle, surtout en Allemagne.
Brender : « Le taux d’épargne financière des entreprises a augmenté et les conditions de financement restent souples. Les investissements dans les biens d’équipement devraient augmenter. »
La hausse des prix de l’énergie ne devrait pas trop freiner les dépenses des ménages. L’excédent d’épargne accumulé et les mesures gouvernementales contribueront à amortir le choc sur le pouvoir d’achat. Pour l’instant, la confiance des consommateurs se maintient donc bien. Les investissements publics soutiendront la croissance en 2022, notamment dans les pays du sud.
BCE plus accommodante
Même si la BCE commence son tapering en mars 2022, elle a de nombreux arguments pour rester accommodante. L’inflation demeura certes ‘plus longtemps plus élevée’, mais elle ne s’accompagne provisoirement pas de hausses salariales. Malgré l’amélioration du marché du travail, la zone euro est encore loin du plein emploi.