Ron Temple (Lazard Asset Management) table sur une inflation américaine qui restera élevée en 2022, un environnement défavorable aux investissements obligataires, et qui deviendra progressivement dangereux pour les parties les plus spéculatives des marchés boursiers.
« Pour 2022, les perspectives de croissance économique restent particulièrement soutenues, avec une croissance réelle (corrigée de l’inflation) qui devrait atteindre 4% tant en Europe qu’aux Etats-Unis », soulignait récemment Ron Temple (Co-responsable de la gestion multi-actifs chez Lazard Asset Management) à l’occasion de la présentation de ses perspectives économiques et financières pour l’année 2022. « Et les chiffres américains pourraient surprendre à la hausse en fonction des mesures de relance que la présidence américaine sera en mesure de passer durant les prochains mois. La croissance de l’emploi qui va rester forte durant le premier semestre 2022.».
Inflation maîtrisée
« L’inflation devrait également rester soutenue en 2022, et même au début de l’année 2023, avec des pénuries qui vont continuer de peser dans différents domaines d’activité, plus particulièrement dans le domaine des semi-conducteurs ». La hausse des coûts pour le transport de biens devrait toutefois se normaliser progressivement dans le courant de l’année prochaine.
Cet optimisme est également soutenu par la guerre contre le coronavirus, qui devrait progressivement passer au second plan. « Je pense que nous sommes en train de voir la fin de l’épidémie, avec des vaccins très efficaces et des populations qui sont largement vaccinées dans de nombreux pays. Et même si vous n’êtes pas vaccinés, il existe désormais des antiviraux efficaces qui ont permis de réduire très fortement le taux de mortalité. Durant les prochaines années, il est même envisageable que le coronavirus devienne moins dangereux que la grippe ».
La grande interrogation pour les prochains mois concerne bien entendu l’inflation américaine. « Je pense que la Fed va se montrer aussi prudente que ce que les marchés s’attendent. Je ne m’attends pour ma part pas à une hausse du taux directeur avant le début 2023. Elle n’aime généralement pas bouger son taux d’intérêt durant une année où des élections importantes se tiennent ».
Pression salariale
Pour l’Europe, Ron Temple souligne que l’attention se portera essentiellement sur l’environnement politique, avec une nouvelle coalition allemande qui pourrait s’avérer moins fiscalement conservatrice, une élection en France et des réformes structurelles en Italie qui pourraient augmenter le potentiel de croissance de cette économie. « Je m’attends à ce que la BCE reste accommodante durant les prochains trimestres », même si elle devrait progressivement réduire son soutien durant les prochains trimestres.
La hausse de l’inflation a toutefois pour conséquence un recul du pouvoir d’achat des travailleurs européens, et Ron Temple s’attend à des pressions à la hausse pour les salaires durant les 12 à 24 prochains mois. « Je ne m’attends toutefois pas à ce qu’elles restent soutenues à plus long terme ».
Ralentissement chinois
Pour la Chine, il estime à l’inverse que le marché surestime la croissance de son économie en 2022. « Je pense que ce pays est à un point d’inflexion, avec un accent qui va être désormais mis davantage sur la qualité de la croissance, avec une volonté de limiter la hausse des prix pour les candidats à la propriété et réduire le coût pour éduquer les enfants. Le pays fait face à une crise démographique majeure, et a besoin de soutenir la croissance de sa population à long terme ».
Dans un pays avec une main d’œuvre en déclin rapide, maintenir un taux de croissance à 8% est une tâche impossible, et Ron Temple s’attend dès lors à un tassement plus marqué qu’attendu de la croissance chinoise vers 4% par an durant les cinq prochains exercices. D’autant que la transition climatique va également être de nature à modifier en profondeur une économie qui reste encore très largement dépendante du charbon.
Positif pour actions
Dans un climat où le niveau de l’inflation va être significativement plus élevé durant les prochaines années, Ron Temple estime que les marchés obligataires vont continuer de faire face à des défis importants, avec notamment une hausse attendue du taux à 10 ans américain entre 2,5 et 3% d’ici la fin 2022, soit une perte en capital de 9% pour une classe d’actifs réputée sûre. « La gestion de la duration va constituer un défi critique pour un grand nombre de gestionnaires obligataires, qui devrait davantage se tourner vers la dette d’entreprise avec des maturités courtes ou vers la dette émergente ».
Dans le même temps, les marchés boursiers pourraient comparativement mieux s’en sortir. « Une croissance nominale plus forte a pour conséquence une progression plus rapide des chiffres d’affaires et des résultats ». Il souligne également que la hausse des taux va entraîner une modification fondamentale dans la manière dont le marché valorise les entreprises déficitaires à forte croissance, sur la promesse qu’elles seront éventuellement profitables d’ici cinq à dix ans. « Si le taux d’actualisation se normalise, les investisseurs ne seront plus prêts à payer aussi cher ».
« Si je suis optimiste quant à la capacité des actions à encore progresser, je pense que la hausse viendra désormais de sources différentes. Les actions de haute qualité, qui disposent de flux de trésorerie importants et durables, constituent la meilleure option pour les 18 prochains mois. Ceci inclut certaines valeurs technologiques, mais pas les parties les plus spéculatives de ce secteur. De même, certaines actions cycliques ou value pourraient également constituer des options intéressantes dans ce scénario ».