Les émetteurs des pays émergents veulent émettre des obligations vertes afin de financer leur transition énergétique, mais ne peuvent tout simplement pas se permettre une transition rapide aux énergies renouvelables. Risqué pour les investisseurs, écrit Magdalena Polan de Legal & General IM dans un article pour notre platforme néerlandais Fondsnieuws.
Grâce à une croissance supérieure, des taux d’intérêt plus élevés, une meilleure qualité des politiques et une mondialisation croissante, le flux de capitaux vers les marchés émergents a été énorme au cours des dernières décennies. Cependant, il est en train de perdre de son élan.
Le différentiel de croissance entre les ‘anciens’ marchés émergents et les marchés développés se réduit et, malgré une inflation à la traîne, les banques centrales des marchés développés ne prévoient pas encore de grande vague d’assouplissement quantitatif. La Chine voit sa croissance se ralentir et l’impact de la guerre commerciale sur les marchés émergents continue de susciter des inquiétudes.
Obligations vertes des marchés émergents
Dans ce contexte, il est intéressant de constater que les marchés émergents sont de plus en plus sensibilisés aux questions environnementales et sociales, ce qui se traduit par des grèves climatiques, un activisme environnemental accru et une vague de protestations sociales. Ce qui est positif pour les investisseurs ESG ou ‘verts’.
Mieux encore, de plus en plus d’obligations vertes des marchés émergents arrivent sur le marché. Bien que les investisseurs en obligations d’État tiennent compte depuis longtemps déjà des questions sociales et des indicateurs de gouvernance, l’intérêt pour les questions environnementales est encore récent. La Pologne a été la première à émettre une obligation d’État verte, suivie récemment par d’autres gouvernements comme le Chili, l’Indonésie et la Lituanie.
Le Green Bond Index a doublé au cours des deux dernières années pour atteindre 32 milliards de dollars. Toutefois, cela représente encore moins de 10 % de la valeur totale de l’indice, qui a atteint 405 milliards de dollars début 2020, contre 173 milliards de dollars en 2018.
Angle mort
Bonne nouvelle, mais attention à ne pas se focaliser aveuglément sur les critères ESG lors d’un investissement sur les marchés émergents. En effet, cela pourrait nuire aux prêts provenant de ces marchés. De nombreux marchés émergents tels que le Mexique, le Brésil ou la Colombie dépendent encore des exportations de matières premières ou de combustibles fossiles pour financer le développement d’autres secteurs.
De plus, de nombreux marchés émergents comme l’Indonésie, la Mongolie, l’Afrique du Sud ou l’Inde ne peuvent tout simplement pas se permettre une transition rapide aux énergies renouvelables. Ils veulent émettre des obligations vertes pour financer la transition sans nuire à la croissance et aux revenus d’une grande partie de leur population et sans se retrouver coincés avec des actifs échoués ou des ressources naturelles inutilisables.
Par conséquent, les investissements ESG sur les marchés émergents doivent être examinés avec le plus grand soin, y compris la question cruciale de savoir s’ils sont réalisables. Toutefois, d’une manière plus générale, la focalisation accrue des investisseurs et des émetteurs d’obligations sur la durabilité et la transition énergétique devrait contribuer à créer l’élan nécessaire. Et à sensibiliser aux défis qui vont de pair.
Magdalena Polan est global EM economist chez Legal & General Investment Management.