Le prix de l’or est en difficulté depuis le début de l’année et cote sous les 1700 dollars l’once, une tendance résolument baissière. « Tant que les taux d’intérêt américains réels augmentent, je reste maintenant tactiquement sous-pondéré en or. »
C’est ce qu’affirme Jan Longeval (photo), consultant indépendant, Senior advisor chez Eurinvest Partners et auteur de ‹Heavy Metal›, un livre consacré aux métaux précieux et à la politique monétaire, lors d’un entretien avec Investment Officer Belgique.
Longeval cite les taux d’intérêt réels positifs aux États-Unis comme l’une des principales raisons de la correction du métal jaune. « Au cours des 150 dernières années, la corrélation entre le prix de l’or et les taux d’intérêt réels aux États-Unis a été de -0,82. Il y a donc une forte relation inverse entre les deux. »
Dans le contexte d’une année médiocre à mauvaise pour les actifs financiers tels que les actions, les obligations et l’immobilier, Longeval met en avant un atout essentiel pour l’or : l’absence de tout risque de contrepartie. « L’or ne peut pas faire faillite et est donc considéré comme une valeur refuge, tout comme les obligations d’État américaines. Étant donné que les États-Unis sont non seulement un pays puissant sur le plan économique et militaire, mais aussi un pays monétairement souverain dont la dette n’est constituée que de dollars souverains, ils ne peuvent pas non plus faire faillite, à moins qu’ils ne le veuillent. Ils détiennent en effet le ‘Power of the Purse’, ou pouvoir du portefeuille. »
Un pays monétairement souverain peut fondamentalement créer autant d’argent qu’il le souhaite par l’intermédiaire de sa banque centrale et n’a pas besoin de lever des impôts ou de s’endetter au préalable. Ce pouvoir magique est appelé le ‘Power of the Purse’. Les pays qui ont renoncé à leur souveraineté monétaire, comme tous les pays de la zone euro, ont donc également renoncé au pouvoir du portefeuille.
Ils ne disposent plus de leur propre monnaie et ne peuvent donc pas créer de l’argent comme bon leur semble. Ils sont monétairement complètement dépendants de la Banque centrale européenne, qui a une marge de manœuvre monétaire plus limitée que la Fed. »
L’or, qui était sur la défensive depuis cinq semaines en réaction à l’inflation américaine obstinément élevée qui a fait grimper le dollar et les rendements des obligations d’État américaines, est tombé en dessous du support qui devient maintenant une résistance à 1680 dollars, lorsque le marché a été submergé par le momentum et la vente technique liés au risque d’un relèvement des taux d’intérêt de 1 % aux États-Unis la semaine prochaine.
De plus, le marché a continué à augmenter ses attentes quant à l’ampleur de du relèvement du taux des Fed Funds dans les mois à venir.
Ole Hansen, Responsable de la stratégie matières premières chez Saxo Bank, a mentionné dans un document de recherche que les raisons de détenir de l’or contre le risque d’une erreur politique n’ont fait que se renforcer avec les récents développements.
Le risque que le FOMC plonge l’économie américaine dans une récession avant de maîtriser l’inflation augmente et, une fois que cela se produira, le dollar sera susceptible de chuter fortement, ce qui soutiendra une nouvelle demande de métaux précieux. Avant cela, l’or pourrait cependant souffrir davantage des perspectives techniques affaiblies, avec une clôture hebdomadaire en dessous de 1680 dollars, ce qui pourrait amener le marché à viser le retracement du rallye 2018-2020 de 50 % à 1618 dollars. »
À son plus bas niveau depuis près de 2 ans et demi, l’or peine à trouver une défense contre le ton hawkish du FOMC et, à l’instar d’autres métaux d’investissement, tels que l’argent et, dans une moindre mesure, le platine, pourrait continuer à lutter jusqu’à ce que certains moteurs haussiers se réaffirment.
L’accent reste mis sur les relèvements des taux d’intérêt par le FOMC plutôt que sur les conséquences économiques de plus en plus inévitables - un risque mis en évidence cette semaine par FedEx et les fortes baisses du coût d’expédition des marchandises dans le monde. Selon nous, les derniers chiffres de l’IPC peuvent indiquer des difficultés à ramener l’inflation américaine en dessous de 5-6 %. Si le marché arrive à la même conclusion, il est probable que nous assistions à une forte correction à la hausse (et favorable à l’or), les swaps d’inflation à terme prévoyant encore une chute à environ 3 %.
Dollars
Le Trésor américain peut donc imprimer des dollars à tout moment pour rembourser ses dettes en cours. En d’autres termes, le gouvernement américain ne peut faire faillite que s’il le veut. « Le plancher des taux d’intérêt réels à long terme aux États-Unis a été atteint en août 2021, à -1,19 %. Il coïncide parfaitement avec le pic du prix de l’or de l’époque, autour de 2000 dollars l’once troy. »
Dans l’intervalle, le paysage financier tel qu’il a été modifié a considérablement changé : la Russie a envahi l’Ukraine, les taux d’intérêt réels américains ont continué à augmenter et se situent aujourd’hui au-dessus de la barre confortable de 1 %. « Le dollar a augmenté de 13 % par rapport à l’euro depuis le début de l’année, ce qui constitue également un vent contraire pour le prix de l’or, du moins libellé en dollars. »
Pas négatif
Dans l’allocation tactique des clients qu’il conseille, Longeval recommande actuellement de sous-pondérer l’or, mais pas trop non plus. « En effet, l’or est et demeure une police d’assurance contre les calamités et, comme déjà évoqué plus haut, ne présente aucun risque de contrepartie sous forme physique. »
Avec le risque de récession qui augmente chaque jour, Poutine qui devient un chat acculé capable de faire des bonds étranges, et la menace du bruit des bottes à Taïwan, le risque de chaos et de troubles militaires augmente. « Le passé a montré que la guerre et une récession économique sont favorables à la performance de l’or », affirme Longeval.
Philippe Gijsels, Chief Strategy Officer chez BNP Paribas Fortis, a également déclaré lors d’un récent entretien qu’il reste un ‘orpailleur’ et continue de croire aux avantages de l’or à long terme, mais que le métal jaune pourrait perdre de son éclat à court terme.