Très prisées dans les années 80, les actions japonaises sont ensuite tombées en disgrâce. Elles n’ont plus jamais renoué avec leur sommet de 1989. Les investisseurs entretiennent une relation très ambiguë à leur égard. Ces dernières années, ils ont surtout boudé les fonds nippons axés sur la valeur. Or, ces derniers ont fait relativement belle figure en 2021, et encore plus sur les deux premiers mois de 2022.
La Bourse japonaise a connu son apogée dans les années 1980. Alors que son indice phare, le Nikkei 225, fluctuait autour de 6500 points au début de la décennie, il a atteint un sommet historique neuf ans plus tard, à 38 957 points. La capitalisation boursière totale des actions japonaises représentait alors 45 % environ du total mondial. Les actions japonaises valaient davantage que leurs homologues américaines, notamment.
Cette hausse de 500 % en dix ans a fait grimper les valorisations, formant une bulle qui a éclaté par la suite. En 2002 et 2008, l’indice est même descendu largement sous les 10.000 points. Le baromètre japonais s’établit désormais tout juste au-dessus des 27.000 points. Après ces montagnes russes, les investisseurs ont noué une relation ambivalente avec le pays du Soleil levant.
Ainsi, les fonds de la catégorie Morningstar des actions japonaises de grandes capitalisations ont enregistré une collecte nette de 10 milliards d’euros environ entre 2013 et 2015, mais ont ensuite connu une décollecte. La désaffection a surtout concerné les fonds investissant dans des titres valeur.
Le désaveu de la valeur
Sur les 300 fonds en actions japonaises encore disponibles en Europe, seuls 24 sont axés sur la valeur, selon la Morningstar Style Box. En outre, la moitié de ces fonds ont un encours de moins de 100 millions d’euros, un montant que l’on considère généralement comme le seuil de viabilité.
Ces chiffres n’étonnent pas, dans un contexte d’aversion pour le style valeur, boudé dans toutes les régions du monde. Les investisseurs sont surtout séduits par les actions de croissance, qui ont affiché d’excellentes performances et devancé, de loin, les titres axés sur la valeur. Et pourtant, la sous-performance des titres valeur est moins marquée au Japon que dans d’autres parties du monde.
Sur les cinq dernières années, le MSCI Japan Value a accusé un retard de 3,19 % par an sur le MSCI Japan Growth. La surperformance est notable, mais bien moins importante que dans d’autres pays. Ainsi, le MSCI World Value accusait un retard de 8,60 % sur base annuelle par rapport au MSCI World Growth, un écart qui s’explique surtout par la sous-performance des actions de valeur américaines, à la traîne de 11,23 % par rapport aux actions de croissance.
Si la sous-performance des actions de valeur japonaises est légère sur les cinq dernières années, c’est surtout parce que ces actions ont fait très belle figure en 2021, et surtout sur les deux premiers mois de l’année. Elles ont en effet devancé les actions de croissance de 8,80 % l’an dernier, et la tendance s’accentue encore depuis début janvier, avec une surperformance de près de 16 %. Dans aucune autre région du monde, les actions de valeur ne brillent autant. L’on peut donc se demander si les investisseurs n’ont pas boudé de manière trop précoce ces titres.
Le top 5
Le top 5 de la semaine reprend les fonds de la catégorie Morningstar des actions japonaises de grandes capitalisations, sur la base de leurs performances entre début mars 2021 et fin février 2022.
La première place revient au Man GLG Japan CoreAlpha Equity, plus importante stratégie d’actions japonaises de valeur ; il est noté Neutral par les analystes de Morningstar. En 2020, plusieurs membres de l’équipe de gestion ont pris leur pension ; le gérant principal, Stephen Harker, a ainsi été remplacé par Jeff Atherton, très expérimenté. Sa nomination a entraîné des changements subtils dans le processus contrarien axé sur la valeur. Il accorde ainsi davantage d’importance aux catalyseurs susceptibles d’exacerber l’effet de la sous-valorisation.
Ces modifications apportées au processus n’ont toutefois pas modifié l’orientation valeur du portefeuille, qui compte une cinquantaine de positions. Inpex et Nikon figurent parmi leurs actions ayant affiché les meilleures performances sur les douze derniers mois.
Le deuxième fonds, l’Eastspring Investments Japan Dynamic, est également noté Neutral. Le gérant principal, Dean Cashman, est très réputé. Il passera le relais à Ivailo Dikov en avril 2022. Même si le nouveau gérant peut se targuer de 16 années d’expérience et qu’il fait partie de l’équipe depuis 2013, le départ de Dean Cashman sera une grosse perte pour l’équipe.
Dans le cadre de la stratégie axée sur la valeur, le gérant investit dans des entreprises affichant un écart type sur la base du ratio cours/bénéfice, cours/valeur comptable ou rendement du dividende, par rapport au passé et au marché. Il examine aussi le sentiment des courtiers et les révisions de bénéfices, pour aider à identifier les idées contrariennes. Mitsui Q.S.K. Lines a ainsi fait partie des fleurons du portefeuille, suivi, à distance, par Ricoh.