Couvrir le risque du dollar coûte cher actuellement, reconnaît Alfred Murata de Pimco. Pour le manager du plus gros fonds activement géré d’Europe, cependant, ce n’est pas une raison pour modifier sa stratégie. « Si vous ne couvrez pas le plus gros risque de change, les évolutions du marché des devises constitueront vraisemblablement le principal facteur de risque du portefeuille. »
Le gestionnaire de fonds du grand Pimco Income Fund de 110 milliards de dollars veut éviter que les évolutions du marché des devises aient une plus grande influence sur les prestations de son fonds d’obligations que le positionnement du portefeuille même et les évolutions des marchés à taux fixe.
« Les investisseurs ayant d’autres préférences en matière de risque ou une plus forte opinion quant aux évolutions du marché des devises peuvent également employer d’autres stratégies », précise-t-il, même si le gestionnaire de fonds a bien une position sur certaines devises. « Mais nous sommes conscients du fait que les taux de change peuvent être très volatiles. Nous nous efforçons cependant de limiter la volatilité du portefeuille. »
Murata fait ces déclarations à un moment où le dollar reste faible. Depuis le début de l’année, l’euro se positionne 2,5 pour cent au-dessus de son homologue américain, et le dollar spot index – qui mesure la force du dollar contre un panier des dix principales devises – se situe à ce jour à moins 2,3 pour cent.
Pourquoi le dollar est faible
Murata considère la croissance économique hors États-Unis, plus forte que prévu, comme raison principale de la faiblesse du dollar. « Bien que l’économie américaine ait été florissante ces derniers temps et que le marché attende encore une persistance de cette croissance économique, il est important de garder à l’esprit que la force ou la faiblesse du dollar américain est calculée par rapport à d’autres devises. »
Il ne compte cependant pas sur un nouvel affaiblissement de la monnaie américaine. Pour Murata, le dollar va rester dans la fourchette actuelle. « Quoiqu’avec une certaine volatilité. »
Murata : « De plus, nos prévisions diffèrent selon les régions : nous nous attendons à ce que le dollar devienne plus fort que certaines devises de pays développés, mais plus faible par rapport à un panier de devises sélectionnées de pays émergents. De manière générale, nous avons un biais long pour le dollar américain par rapport au devises développées comme le yen japonais, le dollar australien et le dollar néo-zélandais, et ce à cause de nos attentes en matière de croissance relative et d’évolution des taux d’intérêt. Notre positionnement met un peu plus l’accent sur des devises sélectionnées de marchés émergents, car nos prévisions macro‑économiques sont positives pour ce secteur. »
Le risque pour les investisseurs en obligations
Alors que la faiblesse du dollar est perçue par beaucoup d’investisseurs comme un risque pour les investissements en obligations, Murata préfère insister sur les risques inhérents à une augmentation significative des taux d’intérêt ainsi qu’à une augmentation considérable des marges sur les prêts aux entreprises. Quoique Pimco compte sur l’idée que les grandes économies vont poursuivre une croissance modérée au cours de l’année à venir et que le gestionnaire de fond ne prévoie pas de vague de vente substantielle sur le marché des prêts aux entreprises, il perçoit tout de même ces phénomènes comme présentant un plus grand risque qu’une vague de vente sur le marché des obligations d’État.
« Les marges sur les prêts aux entreprises étant historiquement faibles, nous estimons que les avantages des scénarios optimistes sont bien inférieurs aux inconvénients des scénarios pessimistes. Ce qui nous inquiète en outre, dans un scénario économique négatif, c’est la possibilité d’une dépréciation significative et permanente du capital en titres de créance. C’est ce que nous essayons d’éviter. »
Obligations hypothécaires
Murata trouve attrayantes les obligations hypothécaires sans garantie hypothécaire (non-agency MBS). « Ces obligations couvertes par des prêts immobiliers doivent être en mesure d’offrir un rendement intéressant dans beaucoup de scénarios différents », estime Murata, qui dit cependant s’attendre à ce que les macro-circonstances mondiales restent stables. « Nous continuons tout de même à chercher des opportunités qui présenteraient un profil de rendement stable dans toutes sortes de scénarios différents, de sorte à pouvoir réaliser nos objectifs de rendement même si nos prévisions macro-économiques s’avéraient erronées. »
Et bien que cela ne soit pas une option pour sa propre stratégie, Murata admet que, dans le climat actuel, des alternatives peuvent aussi jouer un rôle significatif. « Les facteurs de risque avec lesquels les investisseurs continuent à générer du rendement – taux d’intérêt, actions, marges sur les prêts aux entreprises – étant négociés à des niveaux relativement élevés, de nombreux investisseurs se mettent à la recherche de nouvelles sources de rendement. »