M&G vise la neutralité carbone d’ici à 2030, mais le gestionnaire d’actifs britannique souhaite également que les entreprises dans lesquelles il investit accomplissent des progrès durables, et ne recule donc pas devant le dialogue et l’interaction ou l’implication concrète pour y parvenir. Kelly Hebert, Country Head Belux & Global Head of ESG Distribution chez M&G Investments, explique comment procède l’institution financière.
Approche pratique
Selon Hebert, M&G aborde l’engagement ou l’implication dans la gestion quotidienne des entreprises de deux manières. « Tout d’abord, collectivement : nous sommes l’un des fondateurs de l’initiative Climate Action 100+, un collectif d’institutions financières mobilisé pour encourager les plus grands émetteurs de CO2 à lutter contre le changement climatique.
Cette entité travaille avec le management des entreprises, comme BP par exemple, afin de développer leur stratégie zéro émission nette. La deuxième manière consiste à susciter le changement par le biais de discussions individuelles de nos gestionnaires avec le management. Nous avons établi nous-mêmes une liste de 100 entreprises avec lesquelles nous allons engager le dialogue afin d’atteindre la décarbonisation. Nous leur donnons un délai pour atteindre nos objectifs, sans quoi nous désinvestissons. Pour chaque entreprise figurant sur cette liste, nous disposons d’une base de données avec des codes couleur qui nous permet de tout suivre de près. »
La responsable du Belux pour M&G cite un exemple concret. « Au cours des 18 prochains mois, nous allons nous concentrer très fortement sur le charbon. Il y a trois mois, nous avons annoncé que nous allions quitter le secteur.
Nous engageons le dialogue avec des entreprises dans lesquelles nous sommes investis et qui ont une forte exposition au charbon, afin de comprendre leurs plans pour éliminer progressivement l’utilisation du charbon d’ici à 2030 pour les pays développés, et 2040 pour les marchés émergents.
Les entreprises qui ne souscrivent pas à notre position sur le charbon pourront faire l’objet d’un désinvestissement à partir de 2022 sur les marchés développés, et 2024 sur les marchés émergents. En d’autres termes, cela n’exclut pas directement les entreprises en question, car nous voulons leur donner le temps d’opérer la transition, ce que nous essaierons de faire par le biais d’une gestion active. »
Selon Hebert, la réaction des clients est très positive. « Ces dernières années, nous avons beaucoup travaillé sur le G, et voulons maintenant nous consacrer davantage au E et au S », ajoute-t-elle. « Le fait que nous ayons déjà intégré systématiquement l’ESG dans la plupart de nos instruments d’investissement et que nous continuions à développer de nouveaux produits ESG, durables et à impact pour toutes les classes d’actifs indique que nous sommes sur la bonne voie. Et nous avons déjà trois fonds arborant le très strict label belge Febelfin. »
Importance de l’impact
Kelly Hebert explique que les entreprises subissent aujourd’hui des pressions de toutes parts, avec un effet proportionnel sur le cours de l’action, car les entreprises durables attirent beaucoup plus de fonds. « En 2020, les investissements durables en Europe ont attiré la moitié de tous les fonds. Cela fait monter mécaniquement le cours des entreprises vertes et laisse les entreprises non durables sur le carreau.
Nous observons le même phénomène sur les marchés obligataires. Les entreprises qui font des efforts en matière de durabilité pourront à l’avenir lever des fonds et émettre des obligations à un prix plus avantageux que les entreprises qui n’en font pas, grâce aux investisseurs qui y attachent de l’importance, mais aussi grâce au Green Deal européen. »
Hebert souligne que les investisseurs sont aujourd’hui beaucoup plus soucieux de la durabilité de leurs investissements et qu’il y a longtemps que les institutionnels ne sont plus les seuls à l’être. « Le changement de mentalité s’est produit sous l’influence de la pandémie. Comme nous étions tous à la maison, nous avons eu le temps d’observer le monde et d’identifier ce qui comptait vraiment. »
Aujourd’hui, c’est pour les fonds et les stratégies d’impact qu’elle voit le plus grand potentiel. « Ces compartiments, qui constituent aujourd’hui le plus petit segment durable, sont beaucoup plus concrets et clairs pour les petits investisseurs, et l’impact est en outre mesurable. Pour chaque euro que nous investissons par le biais d’une stratégie d’impact, nous pouvons voir exactement à quels Objectifs de développement durable (ODD) l’argent est affecté. »
Elle ajoute que les jeunes investisseurs, surtout, apprécient l’investissement d’impact parce qu’ils attendent généralement une transparence totale, ce que l’impact peut leur offrir.
Kelly Hebert souligne que l’ensemble du processus est très exigeant en termes de travail et ne peut être réalisé avec une gestion passive. « Nous devons trouver des éléments permettant d’analyser l’impact et les intentions des entreprises. En bref, l’entreprise en question doit avoir une certaine valeur ajoutée ou, comme on le dit dans le monde anglo-saxon, une ‘additionality’. »
Elle souligne également que la plupart des entreprises ayant un impact positif mesurable sont mieux gérées, plus transparentes et ont un management très engagé. « Il n’est pas surprenant que les fonds d’impact aient récemment affiché d’excellentes performances », conclut Hebert.