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Si vous êtes convaincus que 2020 est l’année de l’éclatement de la « bulle obligataire » c’est que de nombreuses tendances à très long terme seront selon vous sur le point de prendre fin simultanément. Penchons-nous sur ce que j’appelle les « sept tendances séculaires » selon Jim Leaviss, Head of M&G Wholesale Fixed Income for M&G’s mutual fund range.

1. La démographie
Au fur et à mesure que les baby-boomers ont vu leurs revenus augmenter, leur désir d’épargner et d’investir n’a fait que croître. La demande de revenus et d’actifs sûrs a augmenté de façon spectaculaire et, ce faisant, a favorisé la baisse des rendements obligataires.

2. L’impact de la technologie sur l’inflation
Pourquoi ne parvenons-nous pas à générer une hausse des prix à la consommation ou à la production dans les économies développées en dépit de taux d’intérêt nuls ou négatifs, de « l’impression de monnaie » et des périodes de croissance et de faible chômage au cours de la dernière décennie qui, historiquement, auraient pu parvenir à générer un IPC d’au moins deux fois les objectifs d’inflation courants actuels de 2 % ? La déflation spectaculaire des biens de consommation est l’une des réponses et  a été en grande partie favorisée par l’effondrement du prix de la technologie. Internet permet de dénicher le prix le plus bas lors de tous nos achats.  

3. Des banques centrales indépendantes
Lorsque Paul Volker a été nommé président de la Réserve fédérale américaine en 1979, une culture de « banque centrale en lutte contre l’inflation » s’est instaurée. Les banquiers centraux se sont assurément attribué une grande part du mérite de l’environnement favorable aux obligations dans lequel nous nous trouvons depuis une vingtaine d’années, mais il est clair que cette séparation entre leurs pouvoirs et ceux des politiciens élus a coïncidé avec des tendances peut-être plus puissantes.

4. Le capitalisme
Dans la mesure où la main-d’œuvre est devenue moins puissante depuis l’entrée des baby-boomers dans l’économie, le capital a pris le dessus et s’est arrogé la plus grande part des bénéfices et de la croissance dans les économies développées depuis des années maintenant. Les gouvernements ont déréglementé les marchés financiers et les marchés du travail et l’émergence des nouveaux géants technologiques s’est traduite par une concurrence accrue dans certains domaines et par la création de monopoles dans d’autres. Le capitalisme a ainsi maintenu la croissance des salaires à un faible niveau et a favorisé la croissance d’une économie reposant sur le travail précaire.

5. La mondialisation
La libéralisation des barrières commerciales et des droits de douane, ainsi que l’amélioration de la logistique et des coûts de la conteneurisation et de l’expédition, ont entraîné le déplacement des emplois manufacturiers en Orient et l’envoi des marchandises bon marché en Occident.

6. Le mème de l’austérité
Nous avons vu une décennie d’austérité dans de nombreuses économies les plus durement touchées par la crise financière mondiale. Aujourd’hui, la relation entre les emprunts des États, l’émission d’obligations et les rendements obligataires est étonnamment faible.  Il est possible que cette période d’émissions d’obligations relativement faibles à une époque de croissance anémique ait entraîné des rendements obligataires inférieurs à ceux que nous aurions normalement dû avoir.

7. L’assouplissement quantitatif
La Fed a connu 3 programmes d’assouplissement quantitatif (« QE ») depuis la crise financière mondiale. Le « QE » a-t-il pour effet de faire baisser les rendements obligataires ? Oui. Même si l’inflation demeure inférieure à l’objectif dans la plupart des économies développées, il est toutefois peu probable que les obligations détenues au sein des bilans des banques centrales soient liquidées. En fait, certains d’entre nous pensent que ces obligations ne seront jamais remises en circulation et qu’elles arriveront à échéance dans l’obscurité des coffres de ces autorités monétaires.

Alors, certaines de ces tendances séculaires sont-elles menacées ?
Oui. Beaucoup d’entre elles semblent moins puissantes qu’elles ne l’étaient à leur apogée. Nous nous trouvons ainsi à l’aube de la nouvelle année 2020 dans un contexte moins propice à la baisse des rendements obligataires, en particulier en raison d’un facteur - celui du mème de l’austérité - qui est probablement désormais devenu défavorable et marqué par la perspective d’augmentations potentiellement importantes des emprunts des États. Il est également important de noter que les valorisations initiales des actifs « sans risque » sont peu attractives dans la mesure où la plupart des emprunts d’État des pays développés offrent des rendements réels négatifs. Je ne pense pas qu’un rendement réel négatif soit en lui-même une aberration et nous devrions en venir à considérer les rendements réels élevés des années 80 comme l’exception plutôt que comme la règle (vous pouviez bénéficier d’un rendement supérieur de 4 % à l’IPD en investissant dans des gilts indexés sur l’inflation pendant un certain temps), mais les emprunts d’État sont clairement chers d’un point de vue historique.

Tout cela signifie que je terminerai moi aussi l’année 2019 en sous-pondérant les emprunts d’État en prévision d’une hausse des rendements l’année prochaine. Mais, si les rendements obligataires venaient à sensiblement augmenter, je ne manquerais alors pas de racheter mes emprunts d’État britanniques, allemands, américains et japonais, dans la mesure où nombre des sept tendances séculaires demeurent puissantes. De plus, il existe clairement d’importantes fragilités économiques et sociales dans le système mondial susceptibles d’entraîner de nouvelles mesures monétaires des banques centrales - tant traditionnelles (baisse des taux) qu’extraordinaires (abaissement des taux sous 0 %, davantage de « QE ») - et un nouveau mouvement de fuite vers la qualité. Les répercussions de la crise financière mondiale se font encore ressentir et compte tenu d’un système mondial davantage endetté qu’en 2007, la hausse des rendements obligataires pourrait elle-même provoquer la prochaine grande récession.

Enfin, n’oublions pas que le marché international des emprunts d’État fixe le taux « sans risque » qui est le principal facteur de valorisation de tous les prix des actifs, qu’il s’agisse des obligations d’entreprises, des actions ou des actifs immobiliers. Donc, si vous vous attendez à un bain de sang obligataire, l’impact sur les autres classes d’actifs pourrait bien être encore plus sévère…
 

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