L’intelligence artificielle (IA) constitue l’une des évolutions les plus significatives de ces dernières années et n’en est qu’à ses débuts. Est-il trop tard pour y investir ? Bien qu’élevées, les valorisations actuelles des grandes entreprises technologiques liées à l’IA ne sont pas comparables à celles de la fin des années 90.
Diversifiez vos investissements dans les facilitateurs de l’IA et les technologies pures en les complétant par des placements dans d’autres secteurs et régions géographiques, tout en restant sélectif. Les attentes en matière de croissance des bénéfices et les valorisations restent essentielles. Il est crucial de séparer le bon grain de l’ivraie.
7 % de croissance du PIB en plus en 10 ans
Tout comme en 2023, les marchés boursiers sont portés cette année par les géants de la technologie et l’IA. Combien de temps cela va-t-il durer ? On considère généralement que l’intelligence artificielle constitue l’une des évolutions les plus révolutionnaires de l’histoire récente. Elle est donc perçue comme une opportunité d’investissement intéressante pour les années à venir.
L’IA aura un impact profond et durable sur toutes les industries. Selon McKinsey, le marché atteindra 13 000 milliards de dollars d’ici 2030. Goldman Sachs estime même que notre PIB augmentera de 7 % grâce à l’IA. En raison de la nature de cette technologie, qui permet de résoudre des problèmes complexes, son effet multiplicateur est beaucoup plus important que celui des technologies antérieures. Elle peut même créer des modèles économiques entièrement nouveaux.
Nous savons que la croissance potentielle du PIB dépend du capital, du travail et de la productivité. L’IA entraîne non seulement une hausse de la productivité, mais aussi des investissements en capital significatifs et une augmentation de l’emploi. Les innovations technologiques du passé ont en effet prouvé qu’elles créaient plus d’emplois à long terme.
2024 n’est pas 2000
De nombreux investisseurs se souviennent encore de la fin des années 90 et de la folie des dotcom. Explosion des ratios cours/bénéfice, série d’introductions en Bourse de startups Internet prometteuses, entreprises déficitaires dont la valeur s’envolait, … La bulle a éclaté en 2000, entraînant des baisses atteignant 80 % au cours des années suivantes.
Cette fois, c’est différent. En janvier 2000, les cinq plus grandes entreprises technologiques de l’époque (Microsoft, Cisco, Intel, Lucent et IBM) affichaient un ratio cours/bénéfice moyen estimé à 59x. Aujourd’hui, les huit principaux géants de l’IT se négocient à 29x. Les prévisions de bénéfices des analystes pour ces entreprises étaient alors de 30 %, contre plus de 40 % aujourd’hui. Les « gagnants » actuels se caractérisent également par des flux de trésorerie plus stables et une croissance des bénéfices de meilleure qualité.
Ces stars de l’IA sont également moins nombreuses, bien établies depuis des années, et ont prouvé la rentabilité de leur modèle économique. De plus, les startups innovantes dans le domaine de l’IA nécessitent d’énormes quantités de données, une puissance de calcul immense, une infrastructure cloud considérable et un personnel hautement qualifié. Construire un modèle d’IA peut facilement nécessiter un investissement de 10 millions de dollars. En d’autres termes, les barrières à l’entrée sont beaucoup plus élevées que pour les startups dans les années 90.
AI 2.0
Les investisseurs ne peuvent donc plus se permettre de ne pas exposer leur portefeuille au thème de l’IA. Mais comment ? Acheter aujourd’hui des stars comme Nvidia, Microsoft et Meta pour les conserver pendant des années est une possibilité, mais cela nous paraît trop risqué. En effet, cela revient à investir dans un petit groupe de facilitateurs d’IA (coûteux). Une approche plus large et plus équilibrée nous semble plus judicieuse. Nous voyons des opportunités tant dans l’IA 1.0 que dans l’IA 2.0.
Le premier groupe d’entreprises (1.0) se concentre principalement sur l’infrastructure, en particulier les systèmes cloud, les centres de données et les GPU (Graphics Processing Units) c’est-à-dire les semi-conducteurs spécifiques à l’IA. La croissance attendue dans ce secteur reste spectaculaire. Nvidia prévoit une augmentation de la demande de GPU, qui pourrait atteindre 2000 milliards de dollars au cours des prochaines années, dont la moitié proviendra des centres de données. Leurs derniers résultats témoignent d’ailleurs d’une croissance incroyable.
La prochaine phase qui, selon nous, n’est pas encore intégrée dans les cours, concerne les adoptants et les bénéficiaires de l’IA. Rien qu’en 2023, le nombre de mentions de termes liés à l’IA dans la communication générale des entreprises a triplé. Pour les entreprises non technologiques, nous observons presque un doublement. Les startups qui mentionnent l’IA dans leur stratégie attirent 15 à 50 % d’investissements supplémentaires. Il convient cependant de rester vigilant face à l’AI washing, c’est-à-dire les produits et services commercialisés comme étant basés sur l’IA alors que ce n’est pas le cas, ou partiellement seulement.
Les industries axées sur le service client, la finance, la science, les soins de santé et le développement de produits se trouvent à l’aube d’une transformation majeure. La robotique et l’automatisation, la logistique et l’énergie seront également fortement influencées par l’IA. Par ailleurs, nous constatons que le secteur sous-valorisé des services publics a entamé un rallye impressionnant. Les producteurs d’électricité doivent en effet investir dans des capacités énergétiques supplémentaires pour alimenter les centres de données.
Avec le lancement de ChatGPT, le cycle actuel de l’IA est fortement centré sur les États-Unis. En tant qu’investisseur, n’oubliez cependant pas non plus les autres pays émergents dans cette course. L’entreprise technologique chinoise Baidu, par exemple, compte déjà 100 millions d’utilisateurs pour son chatbot IA. L’Inde, Singapour, la Corée du Sud et le Japon sont également des pôles d’innovation en ce qui concerne cette nouvelle technologie. Enfin, il existe en Europe aussi plusieurs leaders du marché capables d’utiliser avec succès l’IA dans leur modèle d’entreprise. Il suffit de penser à l’industrie de la robotique en Allemagne et aux entreprises technologiques spécialisées dans la logistique et la technologie industrielle aux Pays-Bas.
Cependant, ne vous contentez pas d’investir simplement dans tout ce qui est directement ou indirectement lié à l’IA. Soyez sélectif et analysez l’avancement des entreprises dans leur développement et leur mise en œuvre et, surtout, évaluez l’impact sur leur productivité et la croissance de leurs bénéfices. Malgré cette révolution technologique, continuez à investir dans des entreprises concrètes. Certaines entreprises auront plus de succès que d’autres dans la mise en œuvre de l’IA. Ne payez pas trop cher non plus. En effet, votre rendement à long terme sera fortement déterminé par la valorisation au moment de l’achat.
Après avoir travaillé 15 ans chez BlackRock, Stephan Desplancke a fondé Toward Wealth Management. Il écrit également des chroniques pour Investment Officer.