Les gestionnaires et distributeurs de fonds sont actuellement activement occupés à positionner leurs fonds dans le cadre de la directive MiFID II en ce qui concerne les préférences des investisseurs en matière de durabilité. Chacun doit être prêt pour le 2 août. Et trouver des stratégies durables sans filtre croissance (agressif) plus raisonnablement valorisées n’est pas une sinécure.
C’est ce qu’affirme Levi Sarens (photo), responsable de la gestion et de la sélection de fonds chez Nagelmackers. Selon lui, cela est dû à un manque de données sur certains critères, comme la Taxonomie. Être 10 % conforme à la Taxonomie, c’est déjà beaucoup à l’heure actuelle. Plus généralement, pour ce qui est d’être durable sur la base des critères du règlement SFDR, 75 ou 80 % constituent actuellement déjà un score très élevé.
Ce qui est pervers, c’est que nous avons besoin de ces informations de la part des sociétés de fonds afin de pouvoir remplir nos obligations envers les clients en tant que distributeur. Il existe un modèle EET (European ESG Template), une variante du modèle EMT (European MiFID Template) pour la MiFID II afin d’évaluer l’adéquation en termes de durabilité. Eh bien, on constate actuellement beaucoup de champs vides dans ce modèle, et chacun regarde un peu tout le monde. C’est un engagement auquel on se conforme afin de mettre en avant un certain pourcentage de durabilité, mais comment peut-on le faire sans données adéquates ? La MiFID II prend en fait de l’avance, car de nombreuses données ne seront pas disponibles avant le 1er janvier. »
Défis supplémentaires
Le véritable défi consistera à expliquer au client ou à l’investisseur ce que signifient exactement la Taxonomie, les Principal Adverse Impacts et autres. Un exercice au sein de la MiFID II qui, à mon avis, pourrait passer partiellement à côté de son objectif. On ne peut qu’applaudir la transparence, bien sûr, mais la question est de savoir si, à long terme, tout cela ne deviendra pas trop lourd et trop complexe pour les investisseurs, avec un effet dissuasif à la clé.
À cet égard, j’ai plus ou moins le même sentiment aujourd’hui qu’au moment de la mise en œuvre des coûts et charges : l’objectif en termes de transparence et de communication à ce sujet est fantastique, mais l’administration qui va de pair ainsi que la documentation et les explications nécessaires pour rendre le tout un tant soit peu compréhensible n’ont pas été une mince affaire. »
Styles
En tant que sélectionneur de fonds, Sarens constate que les stratégies valeur ont pris le dessus au cours des six derniers mois, ce qui est dû selon lui en grande partie à la guerre en Ukraine. L’énergie, les télécommunications et les matières premières se sont particulièrement bien comportées. « Cela s’est fait au détriment du style high growth. C’est pourquoi, dans le cadre de notre offre durable, nous avons recherché des stratégies ayant un filtre croissance moins agressif. C’est un défi, car beaucoup de stratégies classiques de durabilité et d’impact se retrouvent dans les mêmes entreprises. Nous sommes donc à la recherche d’une alternative crédible, avec une valorisation raisonnable. »
Sarens souligne cependant que, dans sa quête d’une valorisation plus modérée, Nagelmackers ne veut en aucun cas abandonner ses principes d’investissement durable. Mais en se concentrant également davantage sur la valorisation, il y a davantage de décorrélation entre les différentes stratégies de durabilité et la dépendance à la croissance (parfois agressive) se trouve réduite.
« Le choc de l’inflation nous a également incités à nous intéresser aux obligations à taux variable, qui peuvent également constituer une diversification dans un environnement de taux d’intérêt plus élevés. » Sarens confirme que la sélection de Nagelmackers a été ajustée suite à ce pic d’inflation, et que la duration moyenne du volet obligataire a également été réduite à un maximum de 2-3 ans. « En limitant cette sensibilité aux taux d’intérêt, nous avons également limité notre perte de rendement », explique Sarens.
« Nous avons aussi investi dans un ETF qui supprime la composante obligataire et inclut uniquement la composante inflation. Les CTA nous ont également permis d’anticiper notamment les taux d’intérêt, mais aussi les tendances des actions et des devises. Nous avons donc dû nous écarter quelque peu des chemins classiques. »
Flux
Sarens note que moins d’argent afflue vers les profils d’investissement conservateurs. « Les investisseurs sont moins enclins à opter pour des stratégies comportant 50 à 70 % d’obligations. Ils passent donc à un profil de risque plus élevé, ou retirent de l’argent des profils conservateurs. Nous sommes conscients des risques d’un profil aussi conservateur, c’est pourquoi nous avons choisi de maintenir la duration dans certaines limites, mais vous courez bien sûr toujours un certain risque de taux d’intérêt », déclare Sarens.
Thématique
Le paysage de l’investissement a radicalement changé au cours des six à sept derniers mois. Un Nouvel ordre mondial, en quelque sorte. « En ce qui concerne la partie thématique, nous savons que ces dernières années, beaucoup d’argent a afflué vers l’investissement d’impact. Les cryptos sont pour ainsi dire à l’arrêt, tout comme les stratégies de croissance agressives.
Nous constatons qu’il existe toujours une tendance à privilégier la dette privée et le capital-investissement, et que ces stratégies sont même rendues plus accessibles aux investisseurs particuliers. Il est désormais possible de souscrire pour des montants plus limités. La liquidité est ce qu’elle est (en d’autres termes, toujours limitée), et la fréquence de la valorisation est donc plus faible, mais les barrières à l’entrée ont été fortement réduites. »