Le marché du crédit Investment Grade est soutenu par l’environnement macroéconomique et le soutien des banques centrales, mais il est important de rester vigilant quant à une nouvelle hausse de l’inflation. Dans le même temps, le marché des obligations vertes suscite un énorme intérêt de la part des investisseurs, car cette catégorie d’actifs a un impact direct et clairement mesurable.
C’est ce qui ressort d’un entretien avec Emmanuel Petit (photo), Head of Fixed Income chez Rothschild & Co Asset Management Europe, et Nicolas Racaud, gestionnaire du fonds R-Co 4 Change Green Bonds.
Avec des primes de risque historiquement basses et des taux de défaut implicites contenus malgré la crise, les niveaux du marché reflètent les taux de défaut attendus. De plus, nous constatons que l’environnement macroéconomique reste favorable grâce à des niveaux de croissance élevés ainsi qu’au soutien de la politique monétaire et en particulier, le Corporate Sector Purchase Program de la BCE, qui soutient le marché du crédit Investment Grade.
Aussi bien aux États-Unis qu’en Europe, il existe cependant des tensions sur les taux d’intérêt, les États-Unis étant en avance sur le cycle. « Grâce à sa communication, la FED a réussi à maintenir les taux d’intérêt réels à un niveau bas, ce qui soutient désormais clairement les actifs plus risqués. Nous constatons cependant que l’atmosphère a changé depuis le dernier comité du FOMC. Aux États-Unis, la hausse des taux réels pourrait continuer à pousser les taux d’intérêt nominaux à la hausse, même si l’essentiel du mouvement est derrière nous et que l’on constate un aplatissement de la courbe des taux d’intérêt. »
Tout comme aux États-Unis, les pressions inflationnistes en Europe pourraient se poursuivre encore un certain temps. « Néanmoins, la BCE maintient le même discours. Elle ne réagira pas directement à une hausse de l’inflation et pourrait la laisser dépasser l’objectif de 2 %. Nous restons vigilants quant à une nouvelle hausse de l’inflation et à l’hypothèse qu’elle puisse dérailler davantage, ce qui pourrait peser sur la consommation et donc, la croissance. Cela influencera davantage la politique des banques centrales ainsi que l’évolution des taux d’intérêt réels. »
Crédit Investment Grade
Du côté du crédit IG, Emmanuel Petit affirme que la classe d’actifs reste bien soutenue par l’environnement macroéconomique. « Au niveau microéconomique, les entreprises continuent de dégager des marges bénéficiaires, mais nous constatons également une gestion de plus en plus agressive : davantage de paiements de dividendes, de rachats d’actions propres et de fusions et acquisitions. Tout cela est bénéfique pour les actionnaires, mais pas pour les détenteurs d’obligations. Bien que les flux entrants dans le segment Investment Grade restent stables, il est difficile d’y trouver des rendements attrayants et nous essayons de nous positionner sur la courbe des rendements qui devient plus raide. »
Haut rendement
Pour le haut rendement, le spécialiste est prudent : « Dans notre plus grand fonds obligataire, R-co Conviction Credit Euro, nous avons pris des couvertures via des CDS après une bonne année. Nous restons investis, mais percevons clairement une pression sur les spreads à haut rendement. Par conséquent, nous vendons un beta plus élevé et nous concentrons sur les entreprises qui ont la capacité de réduire leur dette et ont un modèle économique solide, comme les ‘étoiles montantes’, qui offrent le potentiel d’une réduction significative de la prime de risque si elles sont promues Investment Grade. Dans l’ensemble, nos portefeuilles restent défensifs avec une duration modifiée de 3,8 %. »
Pour Emmanuel Petit, les obligations financières émises par les institutions bancaires et d’assurance européennes semblent également intéressantes. Leurs tampons de solvabilité sont confortables et résistent aux paiements de dividendes, aux réglementations plus strictes ainsi qu’à d’éventuelles défaillances. « Plus spécifiquement, nous préférons les investissements dans les dettes subordonnées, qui sont mieux à même d’augmenter leurs marges d’intérêt en cas de hausse des taux d’intérêt. Par conséquent, ces titres sont susceptibles de mieux résister que les obligations d’entreprises (Investment Grade). »
Obligations vertes
Depuis 2011, Rothschild & Co a franchi plusieurs étapes en matière d’investissement durable avec la signature des Principes pour l’investissement responsable (PRI) des Nations unies, le Carbon Disclosure Project et la création d’une équipe spécialisée dans l’investissement durable qui se consacre spécifiquement aux questions ESG.
Cela a conduit en 2019 à la création d’une gamme de fonds spécifique qui regroupe les fonds durables ‘vert foncé’ dans la gamme 4Change et comprend dix fonds tous labellisés. Pour la notation ESG des fonds/entreprises, Rothschild & Co travaille délibérément avec l’un des plus grands fournisseurs externes, MSCI ESG Research, afin d’être aussi transparent que possible envers les clients.
R-co 4Change Green Bonds est géré par Nicolas Racaud et est un fonds Article 9 sous SFDR qui a reçu le label belge Towards Sustainability. « Nous optons délibérément pour un fonds qui investit à 100 % dans des obligations d’entreprises durables du monde entier. Il intéresse clairement les investisseurs institutionnels qui souhaitent diversifier leurs portefeuilles et recherchent un impact direct, puisqu’en un an de temps, le fonds compte déjà 122 millions d’euros sous gestion. »
Une obligation verte comporte le même risque financier qu’une obligation traditionnelle, mais l’émetteur offre avant tout la transparence aux investisseurs en s’engageant à utiliser les capitaux levés pour des projets favorisant la transition écologique. De plus, les projets effectivement financés et leurs principaux effets font l’objet d’un rapport.
« Afin d’éviter le risque de greenwashing, nous analysons les projets financés par cette classe d’actifs », explique Nicolas Racaud. En outre, ce risque peut être contré par un cadre de surveillance volontaire solide, notamment les ICMA Green Bond Principles. De nombreux documents sont publiés pendant la durée de vie des obligations vertes, ce qui permet un suivi approfondi des projets (notamment le programme des obligations vertes, le rapport périodique de l’émetteur sur la durabilité).
Il s’agit de la seule classe d’actifs liquides et cotés dont l’impact est donc clairement mesurable, ce qui attire de nombreux investisseurs grâce à l’attention accrue portée à l’ESG. Les obligations vertes et sociales représentent actuellement un marché en forte croissance de 1500 milliards de dollars, dont 700 à 800 milliards ont été émis à la fin septembre 2021. « Bien que les obligations vertes restent le cœur du marché, les obligations sociales ont également le vent en poupe, mais l’accent est mis sur les obligations d’État, ce qui est moins intéressant pour nous qui nous concentrons principalement sur les obligations d’entreprise », conclut le gestionnaire.