Bert Kramer
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Si le monde, sous la pression du changement climatique, parvient à une transition rapide et réussie vers une économie climatiquement neutre, ceci pourrait entraîner une crise financière mondiale. Les institutions financières peuvent d’ores et déjà se préparer à cette éventualité par une planification de scénarios et une gestion des risques climatiques.

Prévoir les fluctuations sur les marchés financiers mondiaux, c’est un peu comme regarder dans une boule de cristal. Il est, de surcroît, encore plus compliqué de se projeter dans l’avenir et de faire des prévisions si l’on tient compte des effets du changement climatique et de la transition énergétique. Néanmoins, l’une des (nombreuses) issues possibles d’une transition rapide et réussie vers la neutralité climatique mondiale est une crise financière, mondiale elle aussi. 

L’émergence d’une crise financière n’est pas un processus linéaire, mais plutôt la convergence de nombreux facteurs. Une potentielle crise financière provoquée par le changement climatique présenterait également cette caractéristique de simultanéité. 

Les gouvernements, les entreprises et les individus doivent en effet fortement investir dans des activités pour s’adapter au changement climatique, par exemple en passant à l’énergie durable, en bâtissant une infrastructure à l’épreuve du changement climatique et en implémentant des modèles d’entreprise durables. Cependant, à mesure que la crise climatique s’amplifie, les chances que ces initiatives s’avèrent insuffisantes augmentent, non seulement pour la planète, mais aussi pour les investisseurs ; et si c’est effectivement le cas, une instabilité des marchés financiers pourrait en découler, en particulier les propriétaires et gestionnaires d’actifs qui se sont engagés à la neutralité climatique. Ces promesses bien intentionnées pourraient, sans une gestion scrupuleuse, avoir de considérables effets collatéraux.

Les assureurs

La destruction d’infrastructures, locaux commerciaux et logements provoquée par des conditions météorologiques extrêmes de plus en plus fréquentes et intenses alourdit la charge financière de l’adaptation au changement climatique. Ceci vaut non seulement pour les coûts de restauration de ces infrastructures et locaux commerciaux, mais aussi pour l’inéluctable hausse des primes d’assurance au cours des années à venir. Si les assurances deviennent inabordables pour les entreprises et les particuliers, cela pourrait nuire à l’efficacité des assureurs comme tampon vital pour le système financier. 
À mesure que le monde poursuit sa transition vers une économie à faibles émissions de carbone, les investisseurs pourraient se voir contraints d’accélérer leur retrait des carburants fossiles et d’autres entreprises ‘sales’ à haute intensité de carbone. Ce désinvestissement, motivé par des changements politiques, pourrait entraîner la perte de valeur d’actifs, souvent d’importance mondiale.
Dans le même temps, les investisseurs pourraient, dans leur course aux actions climatiquement neutres, se débarrasser des entreprises qui ne respectent pas leurs stratégies durables, avec à la clé de considérables perturbations du marché si le nombre de vendeurs venait à dépasser de beaucoup le nombre d’acheteurs. 

Un rôle crucial

Le fait est qu’il existe une forte corrélation entre chacun de ces scénarios et que nous pourrions ainsi les voir se produire simultanément. La pression croissante exercée sur les trésors nationaux, les ‘prime brokers’ et les banques, combinée aux dépréciations et à une instabilité financière croissante, crée le contexte pour un désastre économique aux conséquences potentiellement plus importantes que la crise financière mondiale de 2008, voire que la Grande Dépression.
Bien que les perspectives paraissent sombres, le monde a bel et bien la capacité d’éviter, ou du moins de limiter les conséquences les plus extrêmes de chocs financiers liés au climat. Les fonds de pension, assureurs, fonds souverains, gestionnaires d’actifs et banques sont les principaux gestionnaires de capitaux et ont, à ce titre, un rôle crucial à jouer.

L’impact sur les portefeuilles

Si les institutions financières veulent guider le système financier mondial à travers ce qui sera probablement un événement environnemental et socio-économique éminemment décisif, il est essentiel qu’elles en évaluent et comprennent pleinement tous les risques et opportunités. Dans quelle mesure un portefeuille est-il capable de résister à une crise de liquidité liée au changement climatique et à la transition ? Il est tout aussi crucial que le changement climatique soit intégré aux cadres de gestion des risques et que l’impact sur les portefeuilles en soit évalué.
L’importance accordée à l’analyse et la modélisation des scénarios climatiques en a fait un outil courant et efficace, dans le secteur des services financiers, pour mieux préparer le système financier à des chocs graves. Le récent lancement du premier exercice à grande échelle de scénarios exploratoires (System-Wide Exploratory Scenario, SWES) par la Bank of England, en collaboration avec la Financial Conduct Authority (FCA), en est la preuve. Le SWES permettra d’en savoir plus sur la façon dont se comportent les banques et autres institutions financières dans des conditions difficiles sur les marchés financiers, avec une attention particulière portée à la liquidité et à ses évolutions potentielles pendant de telles périodes. 

Mieux préparées

Bien qu’il demeure impossible de savoir si, comment et quand se produira une crise financière due au changement climatique, les institutions financières qui investissent davantage de moyens dans la planification des scénarios et la gestion des risques climatiques seront mieux préparées à faire face à une telle éventualité. La force des scénarios climatiques est d’aider à mieux comprendre les risques liés au climat.

Bert Kramer est responsable de la recherche sur le climat et des solutions climatiques et ESG chez Ortec Finance, fournisseur mondial de technologies et de solutions de prise de décisions en matière d’investissement. Ortec Finance est un partenaire de connaissances d’Investment Officer et rédige une contribution mensuelle sur divers thèmes.

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