Marktpraat - Guenter Gijsels Goldwasser
Marktpraat - Guenter Gijsels Goldwasser

Peu de pays influencent autant les marchés que les États-Unis. Ces derniers mois, les investisseurs sont devenus plus sceptiques à l’égard de la longue tradition d’exceptionnalisme américain. Notre question du mois pour notre panel Parlons marché est donc : êtes-vous sur- ou sous-exposé aux actions américaines ? 

Philippe Gijsels, stratège en chef BNP Paribas Fortis : « Une palette d’opportunités plus riche »

« S’il y a bien une tendance qui ressort cette année, parmi toute la volatilité et les tweets du président Trump, c’est que l’argent afflue un peu moins en direction des États-Unis. Pour la première fois depuis une quinzaine d’années, le Vieux Continent fait mieux que son homologue américain. En d’autres termes : l’exceptionnalisme américain est mis sous pression. »

« Depuis la crise financière, les actions américaines, et en particulier les Sept Magnifiques, ont surperformé tous les autres actifs de la planète. C’est devenu une prophétie auto-réalisatrice, car le marché boursier américain a automatiquement attiré des capitaux du monde entier. Les allocataires d’actifs n’ont eu d’autre choix que de rechercher cette performance. Conséquence non négligeable, ces flux d’argent ont également fait grimper le dollar. »

« Mais tout a basculé au début de l’année. Les actions de Donald Trump ont conduit les investisseurs du monde entier à remettre en question leurs importantes positions dans les obligations d’État et les actions américaines. Très lentement, les flux s’inversent, comme le montre la sous-performance des actifs américains et du dollar. »

« Comment devons-nous réagir en tant qu’investisseurs ? Il faut tout d’abord prendre conscience de ce qui se passe, d’autant plus que les géants américains de la technologie ne sont plus la seule option possible. Cela ouvre un monde de possibilités pour la diversification. C’est un peu comme un enfant dans un magasin de bonbons, qui jusqu’à présent n’a pu goûter qu’aux Apple, Microsofts et Nvidia de ce monde. Diverses friandises alléchantes peuvent aujourd’hui être achetées, notamment les matières premières, les actions européennes, les petites capitalisations, le marché britannique et les marchés émergents. Cela offre une palette d’opportunités beaucoup plus vaste et garantira également le retour de la gestion active. »

« D’autre part, l’exceptionnalisme n’est pas binaire. Ce n’est pas 0 ou 1, mais une valeur intermédiaire. En d’autres termes, il ne serait pas judicieux non plus d’ignorer entièrement le secteur des valeurs technologiques – avec tous les développements en matière d’IA, d’informatique quantique, de cybersécurité et de robotique. Et qui dit technologie dit, encore et toujours, les États-Unis. Pour l’instant, nous sommes donc plutôt neutres en ce qui concerne les actions américaines, partagés entre deux positions : d’une part, continuer à saisir les énormes opportunités offertes par les valeurs technologiques et d’autre part, être en mesure de rechercher à nouveau des thèmes, des idées et des opportunités en dehors des États-Unis. »

Alexandre Goldwasser, directeur de la société boursière Goldwasser Exchange : « La récession ou l’escalade en Ukraine pourrait nous rapprocher des États-Unis »

« Depuis le quatrième trimestre 2024, nous avons progressivement réduit notre exposition aux actions américaines au profit des actions européennes. Alors que l’indice MSCI World est encore composé à près de 70 % d’actions américaines, notre allocation actuelle aux actions américaines n’est que de 25 %. Le reste est principalement investi en actions européennes. Cette stratégie reflète notre conviction relative quant à la valorisation des marchés européens, considérés comme moins chers. En outre, la politique monétaire actuelle de la BCE est nettement plus favorable aux actions que celle des États-Unis. »

« En cas de récession mondiale, nous prévoyons d’augmenter notre allocation aux actions américaines, qui sont historiquement plus résistantes à un environnement économique affaibli. Même si le conflit entre la Russie et l’Ukraine devait s’aggraver ou s’étendre à d’autres pays, nous réduirions notre exposition aux actions européennes au profit d’une position plus importante sur les marchés américains. »

Thomas Guenter, fondateur du fonds Finhouse : « L’allocation tactique n’a pas été modifiée »

« Je suis surexposé aux actions américaines, tant dans mes allocations cotées que non cotées. Au sein du fonds Finhouse, dont je suis le gérant et l’actionnaire, nous visons à terme une répartition d’environ 45 % aux États-Unis, 45 % en Europe et 10 % dans le reste du monde – en capital-investissement et en capital-risque. Sur le marché boursier, mon exposition aux États-Unis est actuellement d’environ 70 %. »

« Cela semble élevé, mais ceux qui investissent aujourd’hui à l’échelle mondiale par le biais d’ETF pondérés en fonction du marché et basés sur l’indice MSCI, tels que le SPPW de State Street ou l’IWDA de BlackRock, investissent automatiquement 68 % dans des actions américaines. Ce n’est pas une coïncidence : en effet, les entreprises les plus grandes et les plus innovantes se trouvent aux États-Unis : citons ainsi Apple, Microsoft, Amazon et Alphabet. Si vous êtes Belge, il y a de fortes chances que vous utilisiez les produits ou les services d’une de ces entreprises. De nombreuses entreprises américaines sont en fait des entreprises mondiales. »

« D’un point de vue tactique, je n’ai pas modifié mon allocation au cours des 12 derniers mois. La sous-évaluation des actions européennes est attrayante, mais des facteurs structurels tels que la démographie et la capacité d’innovation continuent de plaider en faveur des États-Unis. À court terme, en raison des politiques erratiques de Donald Trump, je continue de m’attendre à de la volatilité sur les marchés boursiers américains. Nous avons fini par nous y habituer. À long terme, je reste optimiste sur les actions américaines. » 

« Les États-Unis restent un pays de croissance dans un monde en stagnation. Il est logique que les entreprises évoluant dans un tel environnement économique soient cotées à des multiples plus élevés et cela justifie une surpondération structurelle dans mon portefeuille. En tant qu’investisseur passif, en détenant des ETF pondérés par le marché, vous vous engagez automatiquement dans une stratégie d’investissement de momentum, une stratégie éprouvée. En effet, les entreprises qui enregistrent de bons résultats année après année représentent une part plus importante de votre mix, en l’occurrence les entreprises américaines. »

Investment Officer Belgique examine chaque mois la manière dont des personnalités sectorielles traitent les questions d’allocation d’actifs. Avez-vous une question à poser à notre panel Parlons marché ? Envoyez un e-mail à redactie@investmentofficer.be. Votre question sera peut-être choisie le mois prochain.

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