Franck Dixmier (Allianz GI) s’attend à une détente monétaire plus rapide aux États-Unis, car l’inflation est désormais largement maîtrisée. L’allocation privilégie le crédit de bonne qualité, la dette émergente et les emprunts souverains sur des échéances courtes.
« Nous n’avons pas fondamentalement changé notre opinion ces dernières semaines : le marché continue d’anticiper trop de baisses de taux pour les prochains mois », estime Franck Dixmier, Global CIO Fixed Income chez Allianz Global Investors. « À l’heure actuelle, il n’y a encore aucune preuve formelle d’un ralentissement de l’inflation dans l’Union européenne ». Il pointe notamment vers les négociations salariales en cours dans de nombreux pays (notamment en Allemagne), dans un contexte où la productivité stagne. « Toute hausse salariale entraîne automatiquement une hausse du coût unitaire du travail, un facteur qui est aujourd’hui étroitement suivi par la BCE, et qui exclut selon moi toute diminution du taux directeur avant le mois de juin ».
Résilience américaine
Au niveau de l’activité économique, Franck Dixmier se base sur un scénario de croissance faible ou de récession légère, tant en Europe qu’aux États-Unis. Cette situation devrait permettre à la Réserve fédérale de commencer à relâcher son taux directeur durant la seconde partie de 2024. « Aux États-Unis, il y a un vrai relâchement de la pression inflationniste, et la Fed a également un double mandat qui intègre le maintien de l’emploi, en plus de la maîtrise de l’inflation. Elle devrait donc se montrer plus agressive dans son mouvement de détente ».
Dans le même temps, la situation économique témoigne toujours de la résilience de la croissance, « avec un consommateur américain qui parvient toujours à nous surprendre favorablement ». En Europe, Franck Dixmier souligne que le ralentissement s’est déjà produit, et que « la croissance des salaires attendue en 2024 va permettre de faire progresser les salaires et le pouvoir d’achat ».
Stratégie d’investissement
Dans ce contexte économique, le positionnement sur la dette souveraine favorise les échéances courtes (2 à 5 ans), afin de profiter pleinement de la pentification attendue de la courbe, principalement aux États-Unis. « Il faut aujourd’hui être exposé pour profiter de ce mouvement, qu’il y ait, ou non, un délai de trois mois par rapport aux attentes du marché. Nous avons également constaté, depuis le début de l’année, une très forte demande pour les émissions primaires dans la zone euro : en termes cumulés, elle atteint plus de 1000 milliards d’euros. Cette demande confirme que le marché est aujourd’hui à la recherche d’opportunités ».
Sur le marché du crédit, Franck Dixmier estime qu’il faut aujourd’hui rester à l’écart du haut rendement (tant en Europe qu’aux États-Unis), dont la valorisation actuelle intègre un taux de défaut d’à peine 1,5% en 2024. « Il s’agit d’un niveau très faible à l’aune historique, et l’investisseur n’est aujourd’hui pas protégé en cas de hausse de la volatilité. Or, nous allons forcément avoir une poursuite des questionnements sur les données économiques qui seront publiées durant les prochains mois ». Il estime qu’il faut en conséquence préférer le crédit de qualité investment grade au niveau européen, qu’il juge valorisé plus raisonnablement.
Refinancement
Si 2024 devrait se révéler bénin au niveau des refinancements, 2025 verra un volume beaucoup plus important de dette arriver à échéance. « Les entreprises sont toutefois en train d’anticiper, et nombreuses sont celles qui ont commencé à vendre les activités jugées non centrales pour accélérer leur désendettement. Aujourd’hui, les agences ont plus tendance à relever qu’à abaisser leurs notations. »
Plus particulièrement, il souligne que le secteur immobilier recèle aujourd’hui de nombreuses opportunités, dans un contexte où certains acteurs ne seront pas en mesure de vendre des actifs à des conditions suffisamment favorables. « Il faut être sélectif, mais les primes de risque sont actuellement très attractives ».
Enfin, il estime qu’il faut surpondérer légèrement la dette des pays émergents, plus particulièrement certains pays noté investment grade, comme le Mexique. « Leur position budgétaire est saine, et ils sont plus avancés dans le cycle de détente monétaire. Les investisseurs occidentaux continuent de manquer d’appétit sur cette classe d’actifs, mais nous estimons que c’est un segment à détenir pour le reste de l’année ».