Comment expliquer les performances boursières pendant cette pandémie ? Nous pouvons répondre à cette question de deux manières différentes. Tout d’abord, en examinant une période de l’histoire (récente) durant laquelle la même chose s’est produite : la grippe espagnole de 1918.
Deuxièmement, en élargissant notre vision en nous focalisant sur d’autres groupes d’actifs : les futures sur dividende.
Histoire
La grippe espagnole est souvent assimilée à la pandémie actuelle de Covid-19. Différents chercheurs ont étudié ce lien au cours des derniers mois. François Velde a par exemple montré qu’il y avait eu une forte diminution des dépenses de détail après l’épidémie au Kansas en mars 1918, mais que celle-ci avait été suivie par une reprise rapide.
Le graphique compare la bourse américaine et un indice pondéré de manière égale de sept compagnies d’assurance vie. 1918 est le point de référence. Source : Did the 1918-19 Influenza Pandemic Kill the US Life Insurance Industry (Cortes & Verdickt, 2020).
Robert Barro confirme cette conclusion et affirme que l’imposition de mesures de confinement telles que la fermeture d’écoles, la quarantaine ou l’interdiction d’événements n’a pas contribué à la diminution de la surmortalité. Ma propre étude menée avec Gustavo S. Cortes montre que la bourse américaine a connu une reprise rapide. Les compagnies d’assurance vie, qui sont probablement les plus touchées en cas de pandémie, n’ont elles aussi pratiquement pas été touchées par la grippe espagnole.
Comment expliquer cela ? Tout d’abord, la fin de la Première Guerre mondiale a boosté l’économie américaine, de sorte que l’impact à long terme de la grippe est resté limité jusqu’à la récession de 1920. De plus, l’épidémie de grippe a fait que la population américaine s’est mise à dépenser beaucoup d’argent. Pour les compagnies d’assurance vie, cela s’est traduit par une forte croissance des nouveaux contrats. Si l’on compare cet effet à la situation actuelle, on remarque que la croissance des dépenses de détail a chuté de près de 20 % en avril, mais qu’elle a augmenté de juillet à septembre. Une forte augmentation des contrats d’assurance vie est également un signal très positif. Les compagnies d’assurance vie occupent une importance croissante sur le marché boursier, aussi bien en tant qu’actions pour les investisseurs qu’en tant que bailleur de fonds pour de nouvelles entreprises.
Futures sur dividendes
La deuxième approche pour examiner les récentes remontées boursières est celle des futures sur dividendes. Comme le prix d’une action est la valeur actuelle de tous les flux de trésorerie futurs (ou dividendes), le cours d’une action évolue pour deux raisons : une modification de ces flux de trésorerie futurs ou le taux d’actualisation. L’impact significatif du taux d’actualisation (également appelé ‘rendement attendu’) a déjà été démontré dans un précédent article (voir lien).
Les futures sur dividendes donnent cependant un aperçu direct des attentes en matière de flux de trésorerie futurs. Que démontre le groupe d’actifs ? La forte baisse de mars a eu un impact plus important sur les flux de trésorerie à court terme et n’a provoqué pratiquement aucun mouvement pour un terme de deux ans ou plus. Il est également intéressant de noter que les futures sur dividendes ont un impact à court terme plus important que pendant la crise financière de 2007. Ceci apporte deux éclairages importants.
Tout d’abord, les investisseurs s’attendent à ce que l’impact du Covid-19 sur l’économie soit de courte durée. Bien que les futures sur dividendes indiquent une baisse du PIB de 2 % aux États-Unis et au Japon et de 3 % dans l’Union européenne, cet impact se produira selon les investisseurs principalement au cours de l’année. Bien que la crise du Covid-19 ait des conséquences très importantes sur le plan humain, l’impact sur les marchés boursiers est faible car les flux de trésorerie des actions sont principalement à plus long terme.
Deuxièmement, la baisse a lieu principalement à court terme, ce qui explique la surperformance des actions de croissance par rapport aux actions de valeur. Les actions de croissance sont des actions dont les flux de trésorerie sont justement très éloignés dans le futur. Le fait que des actions comme Google, Tesla et Facebook aient connu une bonne année ne surprendra donc personne. La remontée boursière à partir de mars 2020 souligne que les actions de croissance sont principalement (mais certainement pas exclusivement) des entreprises du secteur technologique.
Les graphiques montrent l’évolution de la croissance attendue des dividendes entre le 31 juillet et le 31 novembre 2008. La ligne rouge indique les dividendes réalisés après la crise financière de 2008. La ligne jaune indique la croissance attendue du dividende entre le 1er janvier et le 8 juin 2020. Ces graphiques montrent que les changements à long terme sont stables et liés aux fondamentaux de l’économie.
Gertjan Verdickt est docteur en économie financière et enseigne à l’université Monash de Melbourne, en Australie. Il est chroniqueur pour Investment Officer et écrit notamment des articles concernant les corrélations et les rendements historiques.