Philippe Gijsels, BNP Paribas Fortis
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Nous connaissons actuellement un cycle des matières premières, caractérisé par une forte augmentation des prix dans l’ensemble du complexe des matières premières. Cette fois-ci, ce n’est pas seulement la demande qui reprend fortement, car l’offre est également particulièrement serrée en raison des sous-investissements.

C’est ce qu’a déclaré Philippe Gijsels (photo), stratégiste en chef chez BNP Paribas Fortis, lors d’un entretien exclusif avec Investment Officer. « Le côté demande de l’économie se redresse très fortement, d’environ 6 % aux États-Unis. La Chine freine un peu, mais continue à se développer solidement. Avec les plans d’infrastructure en projet dans le monde entier et l’énorme boom des voitures électriques, il existe une forte demande de cuivre, de zinc et de nickel, pour ne citer que quelques exemples. On ne peut pas transporter de l’électricité sans cuivre, et ces matières premières sont indispensables dans les batteries. Les stocks de cuivre sont à un niveau historiquement bas. Mais il y a une certaine spéculation sur ce marché, ce qui est normal, car les momentum traders prennent maintenant eux aussi le train en marche. »

Sous-investissements

Gijsels souligne que ce n’est pas seulement la demande qui augmente fortement, car l’offre est également particulièrement serrée. « Les investissements sont beaucoup trop faibles. Le graphite, par exemple, est massivement nécessaire pour fabriquer des cathodes et des anodes, et il est également utilisé pour la fusion électrique de l’acier. 

Dans ce contexte, il est nécessaire de garantir un approvisionnement sûr en matières premières. Il suffit de penser aux déclarations d’Elon Musk, qui a déclaré qu’il devait absolument avoir du lithium. Il faut disposer d’un approvisionnement suffisant, et l’emplacement de ces ressources est important. Prenez l’uranium, par exemple, dont l’approvisionnement provient à 50 % du Kazakhstan. Les États-Unis n’ont même pas assez d’uranium pour garder une centrale nucléaire ouverte pendant un an. L’uranium devient une ressource de plus en plus stratégique. »

Durabilité

L’un des principaux obstacles à l’investissement dans les matières premières est l’aspect ESG, qui gagne bien sûr en importance dans les portefeuilles institutionnels. Gijsels nuance : « Ces matières premières sont maintenant indispensables pour les voitures électriques, nul ne peut l’ignorer. J’ai récemment participé à la conférence minière en ligne à Vancouver. Jamais je n’avais autant entendu parler d’énergie verte et de durabilité. Et ce ne sont pas seulement des mots, mais aussi des actes. Il est très difficile d’obtenir des permis en tant qu’acteur du secteur minier.

On mise également sur la sismographie et le big data pour déterminer où se trouvent les gisements. D’ici dix à quinze ans, une quantité énorme de robotique sera utilisée dans ce secteur, qui sera dès lors méconnaissable. 

Le marché fera aussi de plus en plus la distinction entre les acteurs ESG et les autres. Les acteurs de la durabilité seront mieux notés.

Et troisièmement, il y a bien sûr l’économie circulaire : il ne s’agit pas seulement d’exploiter de nouvelles ressources, mais aussi de recycler les ressources existantes. »

CRB

Leçon d’histoire

Gijsels examine l’indice CRB (l’indice des prix des matières premières) et constate que le CRB a doublé entre 2001 et 2008. « Au cours de cette période, l’indice est passé de 150 à 450 points. La Chine est également devenue membre de l’Organisation mondiale du commerce et a ainsi entamé un mouvement de rattrapage à grande échelle.

À l’époque, le pays connaissait une énorme demande de matières premières, mais l’offre était suffisante. 

La dernière fois qu’il y a eu à la fois une forte demande et une pénurie d’approvisionnement, c’était en 1973-1974. Ensuite, le CRB a été multiplié par 10. 

Nous pourrions bien être connaître une nouvelle période similaire. Du moins, c’est ce que je pense, c’est pourquoi je déclare également que nous nous trouvons dans la ‘première reprise’.

À mon avis, les sociétés minières vont encore considérablement augmenter. Peu d’argent a afflué dans le secteur minier et nous constaterons également une vague de consolidation dans ce secteur. L’uranium a fait x20 lors du dernier marché haussier, et il est tout à fait possible que cela se reproduise maintenant. »

Opportunités d’investissement

Gijsels conseille à ses clients institutionnels de ne pas investir directement dans les matières premières : « Vous avez souvent un problème de conformité. De plus, de nombreuses matières premières sont cotées en contango, de sorte qu’il faut constamment renouveler les contrats. Ce roll yield pèse lourdement sur le rendement. De nombreux portefeuilles institutionnels sont fortement sous-pondérés dans les entreprises de matières premières, notamment parce qu’il s’agit principalement d’entreprises de valeur, bien sûr, alors que dans la période précédente, seule la croissance comptait. 

Je suis particulièrement optimiste en ce qui concerne le nickel et le cuivre. Le cobalt est également intéressant. Cependant, il est difficile de trouver des ‘pure players’, c’est pourquoi j’opterais pour un investissement diversifié dans un fonds spécialisé ou un tracker qui accorde également une attention suffisante aux caractéristiques de durabilité. Toutes les grandes sociétés proposent ce type de fonds ou de trackers. »

 

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