Philippe Gijsels, BNP Paribas Fortis
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L’intelligence artificielle se prépare aujourd’hui à une véritable percée. Les marchés boursiers devraient continuer à bien se porter cette année.

C’est ce qu’affirme Philippe Gijsels (photo), stratégiste en chef chez BNP Paribas Fortis, car l’inflation a dépassé son pic, tout comme les taux d’intérêt.

Mais à moyen terme, une nouvelle inflation galopante se profile de nouveau à l’horizon en raison de la transition énergétique. Il voit donc d’un bon œil l’avenir des matières premières industrielles et des métaux précieux. Il exprime également son opinion sur l’intelligence artificielle, qu’il ne considère pas comme un phénomène de mode. 

Opportunités à court terme

Philippe Gijsels est optimiste pour le reste de l’année. « Nous avons dépassé la première vague, ce qui entraîne un recul de l’inflation et une baisse des taux d’intérêt. Quoi qu’il en soit, il s’agit d’un environnement favorable pour les marchés actions et nous voyons des opportunités. Historiquement, les marchés boursiers sont beaucoup plus corrélés au cycle des taux d’intérêt qu’au cycle économique. Si les taux d’intérêt baissent, même si cela s’accompagne d’une légère récession, c’est une bonne nouvelle pour les actifs comme les actions. »  

Il souligne également que le rallye boursier de cette année n’était pas généralisé, car il était soutenu par les sept plus grandes actions du Nasdaq 100 (Microsoft, Apple, Alphabet, Amazon, Nvidia, Meta et Tesla), qui représentent d’ailleurs 50 % de cet indice Nasdaq. « Jusqu’à présent, nous n’avions encore jamais connu de situation aussi extrême. C’est aussi partiellement le cas en Europe. Si vous retirez par exemple Hermès et LVMH de l’indice CAC40, il ne reste plus beaucoup de rendement depuis le début de l’année. » Le fait que d’autres actions ont récemment commencé à participer au rallye et augmentent ainsi le soutien renforce l’optimisme du stratégiste en chef. « Nous en avons besoin afin de poursuivre le rallye. Et selon nous, c’est ce qui se produira. » À cet égard, il ajoute également : « Si vous n’avez pas investi dans l’indice ou si vous avez un fonds actif qui n’investit pas dans ces 7 actions, en tant que gestionnaire, vous êtes désespérément à la traîne depuis le début de l’année. Aujourd’hui, tous les gestionnaires actifs du monde entier sont en difficulté. » 

Pourtant, BNP Paribas Fortis reste à ce jour officiellement neutre sur les actions. « D’une part, c’est assez technique parce que nous nous situons vraiment à la limite entre neutralité et surpondération. D’autre part, nous continuons néanmoins à faire preuve d’une certaine prudence en raison de la crise de liquidité dans le secteur bancaire américain et de la récession imminente dans ce pays. Il ne s’agit peut-être pas d’une crise du crédit, mais les États-Unis comptent encore quelque 4000 banques dont les portefeuilles de crédit sont souvent très concentrés et qui ne sont pas toujours aussi bien réglementées et soumises à des tests de résistance qu’en Europe. »

Risque d’inflation dû à une vague de demande

Le stratégiste en chef de BNP Paribas Fortis est moins optimiste à moyen terme, en référence aux années 70. « Le monde des 40 dernières années, avec une inflation en baisse constante et de faibles taux d’intérêt, est révolu. Et comme l’inflation arrive par vagues, nous pourrions nous retrouver dans la même situation que dans les années 70, comme le montre le graphique. Il n’est pas écrit dans les étoiles qu’il y aura immanquablement trois vagues, mais cela pourrait en tout cas constituer une feuille de route indiquant ce à quoi les prochaines années pourraient ressembler. » 

 

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Selon Gijsels, ces vagues des années 70 étaient liées aux matières premières : en effet, le prix du pétrole était passé à l’époque de 3 USD à plus de 30 USD le baril. « Cette fois-ci, il ne s’agira pas de chocs pétroliers, mais de chocs liés aux métaux. En effet, la demande de métaux va exploser dans les années à venir, surtout si nous voulons réaliser la révolution électrique (voir graphique). » Il souligne également la faiblesse de l’offre. « Nous constatons que les investissements dans l’extraction des matières premières et l’exploitation minière sont à leur plus bas niveau depuis 19 ans. Si nous voulons par exemple répondre à la demande de cuivre, nous avons besoin de 200 nouvelles mines de cuivre, mais nous ne les avons pas. » Gijsels souligne que ce déséquilibre imminent n’est pas un cygne noir qui va nous surprendre soudainement. « Nous savons à peu près ce dont nous aurons besoin du côté de la demande, mais il n’y a pas d’offre. En d’autres termes, les prix ne peuvent qu’augmenter. » Il voit donc d’énormes opportunités d’investissement tant dans le recyclage que dans les nouvelles technologies. « Le nouvel Apple sera probablement une entreprise de batteries, une entreprise qui peut par exemple transporter l’énergie de manière plus efficace », ajoute le stratégiste.

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Compte tenu d’un possible scénario de dérapage de l’inflation, il est également positif à moyen terme concernant le prix de l’or et de l’argent. Il considère qu’un prix de l’or compris entre 3000 et 4000 USD n’est pas impossible à long terme et que le prix de l’argent devrait faire encore mieux en termes de pourcentage. D’ailleurs, les banques centrales ont été assez agressives dans leurs achats d’or ces derniers mois. Aujourd’hui, l’or ne représente qu’un peu plus de 15 % de leurs réserves d’or, alors que la moyenne historique est de 40 % », précise-t-il encore.

L’intelligence artificielle se prépare à une percée

Aujourd’hui, personne ne peut ignorer l’intelligence artificielle (IA) et Philippe Gijsels affirme y être lui-même confronté quotidiennement. « Aujourd’hui, les entreprises se bousculent pour indiquer qu’elles travaillent sur l’IA. C’est peut-être la troisième ou quatrième vague d’IA, mais à notre avis, c’est maintenant la bonne parce que tous les éléments nécessaires à une percée sont réunis et que le public peut aujourd’hui l’expérimenter abondamment. Selon le meilleur livre jamais écrit sur les innovations, intitulé ‘Where good ideas come from’ (D’où viennent les bonnes idées) de Steven Johnson, tous les ingrédients nécessaires à la percée de l’IA sont aujourd’hui présents, à savoir une puissance de calcul considérable et le big data. Et selon le concept du possible adjacent (principe selon lequel les inventions ne peuvent se produire que dans un certain ordre, NDLR), tout se trouve actuellement dans le bon ordre et les inventions se produisent presque automatiquement. La machine à vapeur, par exemple, a été inventée dans un court laps de temps et de manière totalement indépendante à trois endroits différents, précisément parce que tout était présent. »

Et comment compte-t-il investir dans ce secteur aujourd’hui ? « Actuellement, le marché semble convaincu que les grandes entreprises mentionnées plus haut, qui ont été à l’origine de la quasi-totalité des bénéfices boursiers de cette année, seront les grandes gagnantes de l’IA. Cela n’est pas surprenant, car elles sont présentes dans tous les secteurs et ont déjà investi massivement dans l’IA. Si nécessaire, elles peuvent acquérir elles-mêmes de petites entreprises d’IA attractives. Aujourd’hui, nous investissons principalement dans le thème de l’IA via des trackers, mais dans l’intervalle, nous faisons nos devoirs et recherchons des actions de plus petits acteurs prometteurs dans le domaine de l’IA. Nous procédons ainsi car, ainsi que nous l’avons indiqué précédemment, nous pensons que ce thème n’est pas une mode passagère. »

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