Frédéric Rollin (Pictet AM) estime prématuré de revenir sur les actions même si la valorisation de certaines parties du marché peut sembler attractive. La volatilité va rester élevée tant que les attentes sur la croissance économique globale ne se seront pas stabilisées.
« Il est actuellement difficile de faire des prévisions précises quant à l’impact économique de cette pandémie. L’épisode historique le plus similaire est celui de la grippe asiatique à la fin des années 50 », constate Frédéric Rollin (Pictet Asset Management). « Nous tablons actuellement sur une croissance mondiale qui pourrait être légèrement négative pour l’ensemble de l’année, avec un ralentissement plus marqué dans les pays développés (autour de -2%) ».
Risque américain
Par rapport à la crise de 2008, il souligne la réaction rapide des gouvernements et des banquiers centraux, qui ont compris qu’il fallait agir rapidement sans se soucier d’un éventuel impact inflationniste. « L’intervention publique sera le double par rapport à la crise de 2008, et nous pensons que la Chine annoncera également un plan d’investissements lorsque le ralentissement global deviendra trop marqué ».
Dans ce contexte, les marchés se sont ajustés très rapidement à la baisse avec les répercussions attendues sur les résultats des entreprises. Frédéric Rollin estime toutefois qu’il est trop tôt pour revenir franchement sur les marchés même si les valorisations peuvent être considérées comme attractives, en raison d’une volatilité qui va rester importante durant les prochains mois. « A long terme, cette baisse permet toutefois d’envisager des performances qui vont remonter vers 5 à 6% par an, mais il ne faut pas se précipiter sur ce qui n’est pas cher ».
« Le principal risque à l’heure actuelle est la capacité des Etats-Unis à prendre les bonnes décisions avec une administration fédérale réticente à prendre des mesures drastiques à l’approche des élections ». En outre, il souligne que les entreprises américaines sont entrées dans la crise avec un niveau d’endettement particulièrement élevé, avec certains segments qui vont être fortement touchés comme la production pétrolière. Il reste dès lors relativement prudent à court terme sur le marché américain, et privilégie plutôt les actions chinoises.
Visibilité
Dans ce contexte, il estime que les investisseurs vont continuer d’apprécier les sociétés avec une croissance visible de leurs résultats par rapport à celles qui ont un profil plus cyclique et volatil. Parmi les secteurs vainqueurs, Frédéric Rollin pointe notamment la cybersécurité, les jeux vidéo, le commerce en ligne, l’infrastructure réseau ou la santé.
« Au niveau obligataire, la dette d’entreprise à court terme a été fortement décotée au pire de la crise, avec des marchés qui semblaient anticiper un taux de défaut historiquement élevé de 15% et des rendements qui sont redevenus intéressants pour les investisseurs à la recherche de rendement ».
Il souligne également que l’or n’a pas joué son rôle de valeur refuge lors de la correction, notamment en raison des ventes forcées en provenance des fonds spéculatifs. « Une fois passé ce mouvement de baisse, les investisseurs vont revenir sur cette classe d’actifs avec des taux obligataires qui restent au plancher ».
Enfin, il souligne que le dollar a bénéficié de l’aversion au risque, mais que la devise américaine a vu sa survalorisation encore augmenter suite à la disparition du différentiel de taux qui existait avec la zone euro. « Nous pensons qu’il devrait s’orienter à la baisse dans le futur ».