Pieter Slegers
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Pieter Slegers est la force motrice derrière Compounding Quality, une newsletter d’investissement lue par plus d’un million de personnes à travers le monde. Pourquoi a-t-il mené une double vie ? Qu’est-ce qui lui a valu des sueurs froides après avoir reçu un e-mail de l’avocat de Warren Buffett ? Et pourquoi son intuition l’a-t-elle récemment poussé à refuser de créer son propre fonds d’actions ?

 

Pieter Slegers est le fondateur de Compounding Quality, une newsletter d’investissement très populaire. Ce qui a commencé comme un simple compte Twitter anonyme est devenu une plateforme suivie dans le monde entier par des centaines de milliers de personnes et d’abonnés payants. « J’ai eu beaucoup de chance de pouvoir faire de mon hobby mon métier. Aujourd’hui, je m’y consacre à plein temps, entouré d’une petite équipe d’indépendants. Une chose est essentielle pour moi : je fais ce que je dis, et je dis ce que je fais. »

« Rester authentique et fidèle à soi-même, c’est essentiel. Beaucoup s’abonnent à Compounding Quality pour la rigueur des recherches, la profondeur des analyses et la qualité du portefeuille modèle. Mais une autre raison les incite à rester : surtout à une époque où l’intelligence artificielle occupe une place croissante, l’authenticité est plus indispensable que jamais. Je dis toujours que les gens viennent pour les analyses, mais ils restent pour la communauté. »

Pieter Slegers a débuté sa carrière chez un gestionnaire de patrimoine anversois. « J’écrivais parfois pour la Fédération flamande des investisseurs (VFB) et j’aimais commenter l’actualité boursière sur X, mais cela ne plaisait pas vraiment à mon employeur de l’époque. Disons que j’avais un côté obstiné et un brin rebelle. Un soir où je m’ennuyais, j’ai décidé de créer un compte boursier anonyme. Je pouvais dire ce que je voulais, quand je voulais. C’est comme ça que tout a commencé, un vendredi soir, sur un coup de tête. » Aujourd’hui, plus d’un million de followers répartis sur différents canaux sociaux lisent la newsletter, qui compte désormais environ 415 000 abonnés.

Double vie

Lancé en 2022 comme un simple projet, Compounding Quality est devenu un compte X suivi dans le monde entier, avec des followers tels que Bill Ackman, légende de Wall Street, et Jeff Bezos, président d’Amazon. Les spéculations allaient alors bon train sur l’identité de la personne derrière Compounding Quality. Beaucoup citaient des noms bien connus de Wall Street ou de la City. « Je les laissais imaginer ce qu’ils voulaient. J’étais persuadé que tout le monde serait déçu en découvrant que derrière la newsletter et le compte X, il y avait un Flamand de 28 ans. Et donc, je menais une double vie. »

Début 2024, Pieter Slegers a pourtant fini par sortir de l’ombre. « Lorsque j’ai créé mon compte X, j’ai dû télécharger une photo de profil. Sans trop y réfléchir, j’ai choisi une photo de mon idole, Warren Buffett. Mais le compte prenait de l’ampleur et le logo à l’effigie de Warren Buffett gagnait en visibilité, et j’ai reçu un mail du cabinet d’avocats de Warren Buffett. Ils avaient été contactés par des personnes se demandant si Warren Buffett était impliqué dans Compounding Quality, ce qui n’était évidemment pas le cas. Ils m’ont demandé de changer de logo. Ce fut une grande source de stress. J’ai immédiatement réagi et remplacé l’image par une réplique… avec mon propre visage. »

Les pieds sur terre

« J’avais peur, bien sûr. Environ 60 à 70 % de mes followers viennent d’Amérique du Nord et du Canada. Comment allaient-ils percevoir le petit Flamand que j’étais ? Mais la plupart ont été simplement ravis d’enfin savoir qui j’étais, car cela créait aussi un lien plus personnel. Ils étaient impressionnés par ce que j’avais bâti. Ce qui me frappe parfois – ou plutôt, cela me fait sourire –, c’est qu’il y a trois ans, je n’étais que Pieter Slegers, un analyste chez un gestionnaire de patrimoine à qui personne ne prêtait attention. Et aujourd’hui, soudainement, tout le monde veut me parler. Pourtant, je suis toujours la même personne qu’il y a trois ans. Bien sûr, j’ai évolué et appris, et je me suis peut-être amélioré, mais la différence n’est pas si grande. Je pense qu’il est essentiel d’en être conscient. Je veux rester extrêmement vigilant pour garder les pieds sur terre. »

Équilibre

Bien que Pieter Slegers soit un fervent admirateur de Warren Buffett, il n’échangerait pour rien au monde sa vie personnelle contre celle du célèbre investisseur. « Cela me fait mal de le dire, mais Warren Buffett a complètement mis de côté tous les autres aspects de sa vie au profit de l’investissement. Et pour être honnête, c’est précisément ce qui me pose le plus de difficultés actuellement en tant qu’entrepreneur. Je travaille régulièrement seize heures par jour et, une fois rentré chez moi, je n’ai plus l’énergie mentale pour quoi que ce soit d’autre. Cette année, j’espère progresser sur ce point. Je ne veux pas me retrouver à 70 ans avec une immense fortune grâce à Compounding Quality, mais complètement seul. Je ne veux pas que ma relation ait volé en éclats et que mes enfants ne veuillent plus me parler. Mais si je suis totalement honnête avec moi-même, je ne fais pas encore grand-chose pour y remédier. Mon travail continue d’occuper trop de place. »

Fonds d’actions

Quelle est l’ambition ultime de Pieter Slegers ? « Créer mon propre fonds d’actions. Cela arrivera probablement un jour, mais pour l’instant, ce projet est mis de côté. D’un point de vue réglementaire, il n’est pas simple de concilier la gestion d’un fonds avec une newsletter boursière. Et pour le moment, je ne me vois pas abandonner la newsletter. »

Pourtant, il y a quelques semaines seulement, des discussions concrètes étaient en cours. « J’étais sur le point de m’associer à un ancien CEO de Crédit Suisse UK. Nous nous sommes rencontrés à plusieurs reprises et, après quelques hésitations initiales, j’ai décidé de me lancer. Mais au final, mon instinct m’a dit que ce n’était pas la bonne décision. J’ai vite compris que le monde des riches Londoniens n’était pas fait pour moi. De plus, nos attentes étaient trop divergentes. Il comptait sur un rendement moyen de 15 % par an. Or démarrer avec de telles attentes, c’est être voué à l’échec. »

Écoutez l’intégralité du podast Le Miroir (en néerlandais) avec Pieter Slegers et découvrez :

  • Le secret du succès de Compounding Quality
  • Pourquoi Pieter Slegers s’est acheté un vieux Nokia
  • Ses expériences lors de l’assemblée annuelle des actionnaires de Berkshire Hathaway
  • Pourquoi il commence chaque journée en lisant un livre
  • Comment sa double vie lui a parfois causé des ennuis
  • Le problème des finfluenceurs

Écoutez le podcast Le Miroir (De Spiegel) via https://lnkd.in/etcfyvxd, Apple Podcast
(https://lnkd.in/ecRAvg9j) ou Spotify (https://lnkd.in/e5jXtSub).

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