Le troisième trimestre a été difficile pour de nombreux actifs risqués, mais c’est surtout hors d’Europe et des États-Unis que les marchés ont le plus souffert. Dans la sphère émergente, les actions n’ont pas été les seules à dévisser : les obligations en devise locale ont aussi déçu.
Thomas De Fauw, analyste chez Morningstar, constate que les investisseurs européens et américains s’inquiètent de plus en plus du ralentissement de la croissance économique et de la hausse de l’inflation, alors que les banques centrales évoquent souvent un resserrement de la politique monétaire. Mais ces craintes semblent insignifiantes par rapport aux tracas des investisseurs sur les marchés émergents, attirés par le potentiel de croissance de ces derniers.
L’indice JP Morgan GBI EM Global Diversified a terminé le troisième trimestre en retrait de 0,9 % en euros, après avoir progressé de 2,6 % au 2e trimestre 2021, grâce au recul du taux américain à 10 ans. Entre le 1er janvier et le 30 septembre 2021, l’indice des obligations en devise locale a reculé de 1,2 % en euros, alors que l’indice JP Morgan EMBI Global Diversified, baromètre des obligations des marchés émergents en devise forte, gagnait 4,1 %.
Les facteurs monétaires
Les inquiétudes qui taraudent les investisseurs ne sont pas seulement liées au ralentissement de la croissance, au fait que le taux de vaccination soit moins élevé que dans la sphère occidentale et au creusement des déficits budgétaires dans de nombreux pays émergents ; les facteurs monétaires jouent aussi un rôle crucial. Plus que jamais, les investisseurs actifs sur les marchés émergents suivent avec attention les déclarations de la Réserve fédérale américaine afin d’essayer de deviner quelle attitude les gendarmes monétaires vont adopter face à l’inflation.
Un scénario de hausse brutale des prix n’aurait pas seulement des conséquences négatives pour les cours obligataires dans les économies développées : il pourrait aussi inciter les banques centrales des marchés émergents à relever les taux. En outre, la récente explosion des prix énergétiques explique en large partie la hausse des indices des prix à la consommation locaux dans les pays émergents. Lorsque les taux d’intérêt corrigés de l’inflation sont négatifs, les devises locales se retrouvent sous pression et les investisseurs exigent un rendement plus élevé.
Rouble et lire
Ainsi, depuis le début de l’année, la Russie, notamment, a augmenté son taux directeur, de 4,25 % à 6,75 %. Et cette approche a été fructueuse, car en dépit de la hausse des cours énergétiques, le rouble s’est apprécié de 2,2 % face au dollar depuis le début de l’année. Toutefois, les marchés émergents couvrent des réalités très hétéroclites, comme nous montre l’exemple de la lire turque. La banque centrale turque a ainsi surpris les marchés, cette année, en abaissant les taux malgré l’inflation élevée. Depuis le début de l’année, la lire a par conséquent plongé de plus de 20 %. Recep Tayyip Erdoğan est un fervent défenseur des hausses de taux, et les banquiers trop critiques sont systématiquement limogés par le président turc.
Il est clair que la période est difficile pour cette catégorie d’actifs, et que les rendements devraient être plus attrayants à la fin du cycle de resserrement. Mais désormais, les pays qui ont réagi lentement à l’inflation (Turquie, par exemple) pourraient être davantage sanctionnés pour leur politique monétaire que ceux qui l’ont anticipée, comme la Russie. Les chiffres de l’Institute of International Finance (IIF) montrent que 4 % environ de la dette souveraine turque en devise locale est aux mains d’investisseurs étrangers, contre près de 25 % en 2013. Les obligations turques libellées en dollars sont en revanche de nouveau prisées.
Le top 5
Pour le top 5 de cette semaine, Thomas De Fauw passe en revue les fonds investissant dans des obligations des marchés émergents en devise locale et identifie les meilleures performances sur les neuf premiers mois de 2021.
La première place du classement revient à un ETF de PIMCO géré par Ismael Orenstein, Michael Davidson et Pramol Dhawan, qui pilotent aussi le fonds PIMCO GIS Emerging Local Bond, noté Neutral par les analystes de Morningstar. Thomas De Fauw nous rappelle que « Pramol Dhawan dirige l’équipe en charge de la dette émergente depuis 2019, lorsque Michael Gomez a quitté la maison. Quant à Ismael Orenstein, avant d’intégrer PIMCO en 2012, il était gérant chez Santander Asset Management au Brésil. Enfin, Michael Davidson se consacre à la région EMOA depuis Londres.
Il a auparavant été trader chez HSBC et Barclays. L’ETF vise un rendement proche du rendement total de l’indice PIMCO Emerging Markets Advantage Local Currency Bond, avant déduction des commissions et frais. Il est intéressant de noter qu’il s’agit d’un indice pondéré sur la base du PIB, c’est-à-dire qu’il cible les pays affichant un PIB plus élevé, plutôt qu’un endettement important. Le fonds investit uniquement dans des pays dont la notation minimale est BB-, avec une exposition maximale de 15 % à chaque pays. »
Le Templeton Emerging Markets Bond figure également toujours dans la liste. Ses gérants sont Michael Hasenstab et Calvin Ho. Thomas De Fauw explique que « le fonds est piloté depuis juin 2002 par Michael Hasenstab, CIO de Templeton Global Macro, et donc, à ce titre, responsable notamment des analyses pays ; il a ensuite été rejoint par Calvin Ho. Les deux gérants peuvent s’appuyer sur cinq analystes expérimentés. Mais au vu de l’évolution de la charge de travail et de la structure de l’équipe, Morningstar a estimé qu’il était nécessaire d’abaisser la notation People Pillar de High à Above Average en septembre 2021.
« Si le processus d’investissement se base sur une analyse minutieuse visant à identifier les pays affichant des fondamentaux sains ou en amélioration, les fortes convictions de Michael Hasenstab et son style d’investissement à contre-courant sont, selon nous, moins efficaces lorsqu’ils sont appliqués à un univers de placement plus réduit, tel que la dette émergente. Étant donné la grande concentration du portefeuille, les performances relatives peuvent grandement varier en peu de temps. L’actif sous gestion du fonds, en diminution, s’élève aujourd’hui à 3,9 milliards d’euros. Le fonds est noté Neutral par les analystes Morningstar. »