Pimco ne s’inquiète pas trop du ralentissement économique et de la hausse de l’inflation, car ils sont en grande partie liés à une disruption temporaire. Les opportunités sur les marchés du crédit et des obligations sont devenues plus rares et les trouver nécessite beaucoup d’efforts.
C’est ce qui ressort d’un entretien avec Eve Tournier, responsable European Credit Portfolio Management chez Pimco et gestionnaire du GIS Euro Credit Fund, entre autres.
Banques centrales : ne pas surréagir
La gestionnaire de Pimco n’est pas trop inquiète du récent ralentissement économique. « Il est normal que l’économie européenne se relâche un peu après le fort rebond de ces derniers mois. Et malgré les problèmes actuels dans les chaînes d’approvisionnement et la hausse des prix de l’énergie, nous prévoyons que la croissance se poursuivra, même si c’est à un rythme plus modéré. Nous sommes toujours dans la phase de rattrapage post-pandémie. » Et selon elle, une grande partie de ce que nous observons en termes d’inflation est lié à la réouverture de l’économie et à la disruption au niveau de la main-d’œuvre et de la production. « Ces problèmes sont plus difficiles à résoudre que prévu, mais ils devraient s’atténuer à moyen terme. »
Eve Tournier souligne que les banques centrales ne veulent pas surréagir à des phénomènes temporaires et continueront à se concentrer sur les anticipations d’inflation à plus long terme qui, pour le moment, se rapprochent de l’objectif de 2 %. « Et tant que ce sera le cas, nous ne pensons pas que les banques centrales interviendront rapidement. À court terme, il y a une pression inflationniste haussière, mais à plus long terme, on observe des tendances qui réduisent l’inflation et ne disparaîtront pas directement. » Tournier s’attend également à ce que la Banque centrale européenne mette progressivement fin à son programme d’achat d’obligations.
Elle ne réduira pas pour autant son bilan : les obligations achetées restent au bilan et la monnaie-papier arrivant à échéance sera réinvestie. Mieux elle informera le marché de la manière dont elle réduira son programme, plus il lui sera facile de se retirer du marché. Elle l’a déjà fait dans le passé. » Tournier conclut qu’avec une telle quantité de dette publique dans le système, les banques centrales n’auront pas la possibilité d’augmenter beaucoup les taux d’intérêt.
Des opportunités en dehors des sentiers battus
Dans un contexte de taux d’intérêt ultra bas, il est difficile de générer des rendements, déclare Tournier. « Les investisseurs prennent généralement moins de risques liés à la duration, et un peu plus de risques liés au crédit. Un nouveau rétrécissement des spreads de crédit est peu probable car ils sont revenus au niveau pré-pandémie. » Mais comment peut-elle générer des rendements pour ses fonds ?
Tout d’abord, elle recherche des opportunités ou histoires dites idiosyncratiques. « Il s’agit d’entreprises dont la note a été abaissée pendant la pandémie et qui sont à nouveau mieux notées par les agences de notation. Ces entreprises voient alors leur propre spread de crédit diminuer. Nous recherchons en particulier ces entreprises, que l’on appelle aussi ‘étoiles montantes’. Il existe des opportunités, car le rapport entre les hausses et les baisses de notation a récemment fortement augmenté », explique Tournier, tout en ajoutant que cela nécessite beaucoup de recherche bottom-up.
La gestionnaire du fonds souligne également qu’elle est surpondérée en papier-monnaie, notamment en dette bancaire senior. « Il y a beaucoup de fusions et acquisitions dans le secteur bancaire, ce qui peut créer des opportunités. » Elle voit également des opportunités sur le marché immobilier, un secteur relativement nouveau sur le marché européen du crédit.
« Le marché de l’immobilier connaît actuellement une certaine volatilité, mais certains segments, comme le résidentiel, la logistique et les centres de données, continuent de se porter à merveille. « Il s’agit de trouver des obligations d’émetteurs dont les biens immobiliers se portent bien sur le marché. » Tournier estime également qu’on peut trouver de bons substituts au crédit dans d’autres classes d’actifs, et qu’ils offrent une bonne diversification.
« Certaines CLO (Collateralised Loan Obligations) notées AAA ont des spreads aussi élevés que des obligations d’entreprise notées BBB. Le rendement supplémentaire est une prime de liquidité au lieu d’une prime de défaut. Les prêts hypothécaires danois, également un actif AAA, constituent une autre opportunité. Bien qu’ils se soient moins bien comportés sur le marché ces derniers mois en raison de l’allongement de la duration, leur valorisation est aujourd’hui attrayante. Au total, nous augmentons ainsi la qualité moyenne du portefeuille et générons des primes de liquidité supplémentaires. »