Selon l’investisseur en technologiques Richard Clode, de Janus Henderson, les entreprises émergentes du secteur de la technologie sont souvent largement surestimées. « Être cynique est un art », déclare-t-il. Mais il est frappant de constater qu’il voit également des opportunités dans les entreprises des marchés émergents qui doivent encore faire le pas d’une introduction en bourse.
« L’investissement dans la technologie est une compétence douce », explique Richard Clode, gestionnaire de portefeuille chez Janus Henderson Global Tech Leaders Fund. Il faut « sentir » les opportunités du marché. Ce n’est pas le résultat d’une règle mathématique. Bien entendu, l’investisseur en technologiques a recours aux modèles financiers classiques, mais l’investissement nécessite avant tout une approche humaine. »
Au cours de l’entretien, il se remémore sa rencontre, en 2007, avec Jack Ma, dont la société Alibaba a été introduite en bourse en 2014. « Nous avons écouté son histoire pendant sept ans. Lorsque l’entreprise a été proposée par les banques d’investissement dans un prospectus en 2014, nous avions déjà étudié la culture d’entreprise et le style de gestion de Ma depuis des années.
Selon Clode, les paramètres financiers durs, classiques, ne suffisent pas à gérer correctement un fonds technologique. « Ma tâche consiste à vérifier le caractère plausible de l’histoire d’un jeune Chinois de 23 ans, qui vient de quitter l’école et déclare qu’il veut, et peut, créer le nouvel Apple.
« Les décisions ne se prennent pas à partir de fichiers Excel et de modèles. Il existe des paramètres plus subtils dont il faut tenir compte. À cet égard, investir a toujours représenté une compétence douce, sans quoi nous serions aujourd’hui remplacés par des ordinateurs. Mais il s’agit de nuance, de ressenti.
Souvent, nous recherchons des entreprises qui ne sont pas encore cotées en bourse et qui présentent une histoire longue et consistante. Nous devons ressentir un bon feeling », poursuit Clode. « Sur le marché des technologiques, les entreprises émergentes sont souvent largement surestimées. Être cynique est un art, les « Apple » ne poussent pas sur les arbres. »
Même si Clode déclare vouloir éviter les entreprises les plus matures et les plus à la mode, les principales positions de son portefeuille incluent malgré tout Microsoft, Apple et Alphabet.
Surévaluations
Clode admet qu’il existe un débat permanent, et souvent à bon escient, sur la valorisation des actions technologiques. « Encore plus maintenant que les marchés battent des records les uns après les autres, cela reste assez logique. La surévaluation de certains pans du secteur technologique s’avère inévitable, et trouver les entreprises qui présentent un potentiel de croissance inattendu représente un art.
La valorisation de Google atteint 25 fois son bénéfice, et il en va de même pour Microsoft. Il s’agit d’actions bien valorisées. Les entreprises comme Google, Microsoft, Netflix et Amazon génèrent une augmentation tellement rapide de leurs bénéfices et de leur flux de trésorerie que, selon les projections, elles seront encore valorisées à 30 ou 40 fois leurs bénéfices dans trois ans. Pas 300 fois, comme certains analystes veulent le faire croire.
Selon Clode, de belles opportunités se présentent sur les marchés émergents. « Sur ces marchés, ce ne sont pas tellement les entreprises cotées en Bourse qui offrent des opportunités mais plutôt celles qui doivent être introduites en bourse dans les prochaines années. Nous rencontrons ces entreprises en privé afin de pouvoir dénouer l’écheveau. Nous procédons de la sorte notamment en Amérique latine et en Inde. Le volume de capitaux que l’assouplissement monétaire et la faiblesse des taux d’intérêt ont poussé vers le refuge des actions y offre des opportunités sans précédent.
Risques
Les entreprises technologiques peuvent être soumises à rude épreuve de façon structurelle. Si c’est le cas, une action n’est pas bien positionnée pour participer à la prochaine grande tendance technologique. Dans le secteur technologique, il n’est pas rare de voir une entreprise dominer un marché technologique existant pendant de longues années avant de faire faillite à l’arrivée de nouvelles technologies.
« Si, en tant qu’acteur dominant, vous fournissez des équipements réseau aux entreprises du S&P 500, vous rencontrez un problème si toutes déménagent sans prévenir vers le Cloud, comme c’est le cas actuellement. De grandes entreprises comme Amazon et Google développent souvent elles-mêmes cette technologie, ce qui a pour conséquence que des acteurs solides comme Cisco disparaissent de la chaîne d’approvisionnement en tant qu’intermédiaire. »
Selon Clode, cela vient du ralentissement de la mondialisation. « Nous découvrons subitement que l’ensemble de l’économie tourne avec des puces produites sur une petite île de la côte chinoise. Et ce n’est pas une bonne idée. Un pays comme les États-Unis se sent trop exposé aux caprices des autorités chinoises. La production de puces sera rapatriée aux États-Unis.
Innovation et développement vont de pair. En Chine, et dans d’autres coins de la planète, de nombreuses réglementations font leur apparition. On ne peut abandonner au marché les développements technologiques actuels. Leur impact est trop important.