Romain Boscher de Fidelity s’attend à une forte divergence des performances boursières lors de la phase de reprise, avec la santé financière comme principal facteur de discrimination.
Selon lui, les indices peineront à retrouver leurs records avant 2021 dans un contexte où une part importante de la cote sera soumise à de fortes pressions structurelles.
‹Les attentes bénéficiaires continuent de se dégrader rapidement, et nous attendons aujourd’hui un recul d’au moins 20% dans le scénario le plus favorable, avec un potentiel de recul qui atteint 30 à 40% dans les hypothèses les moins favorables›, souligne Boscher, Global CIO Equities chez Fidelity International. ‹Dans une économie qui survit grâce à la planche à billets, des tensions inflationnistes sous-jacentes font déjà leur apparition dans les biens de consommation, une évolution qui sera masquée dans un premier temps par l’effondrement des cours pétroliers.›
Répression financière
Dans ce contexte, tous les secteurs ne sont toutefois pas logés à la même enseigne. Si certains (comme les soins de santé ou la technologie) devraient être peu touchés et retrouver rapidement leur niveau d’avant crise, d’autres (matières premières, pétrole) vont faire face à une crise structurelle beaucoup plus profonde.
L’endettement public va exploser vers des niveaux historiquement élevés. ‹Dans ce contexte, l’environnement futur risque d’être encore plus difficile pour les investisseurs, avec des taux bas qui vont continuer à réprimer financièrement les épargnants, avec des taux obligataires qui resteront bas et une menace qui pèse aujourd’hui sur les dividendes et les programmes de rachat d’actions propres.›
Solidité de bilans
Le nombre d’entreprises avec un risque de dilution est aujourd’hui considérable, comme le montre l’explosion des différentiels de taux sur la dette d’entreprise où plus d’un tiers des émetteurs sont aujourd’hui sous la menace d’une dégradation vers le segment du haut rendement. ‹Tous les secteurs font aujourd’hui face à ce type de questions, qui toucheront également le secteur bancaire à qui se transmettre en définitive la hausse du stress financier dans l’ensemble des secteurs économiques.›
‹La première question que nous posons lors de chaque rencontre avec les directions concerne le nombre de mois qu’elles seront en mesure de survivre sans avoir besoin d’un refinancement ou d’une intervention étatique. C’est aujourd’hui la solidité des bilans qui fait la différence, plus que le caractère value ou croissance d’une société. Et dans ce contexte, le stock picking va être plus que jamais roi. Pour profiter du rebond qui viendra, il faudra survivre à la chute.›
Préference pour EM
Romain Boscher souligne que les investisseurs n’ont pas paniqué durant les phases de forte volatilité, tandis que les chefs d’entreprise sont restés globalement à l’achat sur leurs propres actions. ‹Le vrai risque est aujourd’hui celui d’un rappel à l’ordre par la réalité économique, causé par la montée en puissance de l’intervention étatique dans l’économie, avec une attention qui sera moins focalisée sur la rentabilité et la rémunération des actionnaires. Les actionnaires risquent de devoir attendre pour profiter des fruits de leurs investissements.› Il ne s’attend pas à un retour indice vers leurs sommets avant 2021.
Au niveau géographique, il constate que les marchés émergents se trouvent actuellement dans une position plus favorable, et notamment les marchés asiatiques qui bénéficient globalement d’une sortie de crise plus rapide, d’une stabilisation de leur devise et d’une baisse des coûts pour leur approvisionnement en pétrole. ‹Nous pensons également que nous allons assister à un changement des comportements à long terme chez les acteurs économiques, avec un déclin chronique qui s’annonce dans certains segments.›
Durabilité
La technologie devrait rester une alternative attractive, avec des valeurs qui semblent relativement protégées dans les circonstances actuelles. ‹Il n’y a pas de déconvenue forte à attendre sur des nombreux groupes du secteur. Dans l’ensemble, nous privilégions des titres dont les résultats seront protégés, comme Roche ou Ericsson, sur lesquels nous avons pu rentrer lorsqu’ils ont corrigé de 20 ou 30%.›
Romain Boscher souligne également que ce nouveau cadre n’est pas incompatible avec les questions de durabilité. ‹Elle va devenir plus que jamais incontournable dans les circonstances actuelles. Les segments mal notés comme les énergies fossiles sont aujourd’hui à la peine, et absorbent le choc lié au confinement et à la baisse de la consommation, tandis que les producteurs soutenables se défendent nettement mieux.›