La prolongation menaçante du conflit commercial d’une part, l’évolution des projets des banques centrales d’autre part : un climat qui, chez JP Morgan AM, provoque une certaine réticence concernant les actions, notamment européennes, et pousse à se concentrer davantage sur les dividendes et investissements alternatifs.
Voilà ce qui ressort des prévisions du gestionnaire de fonds pour le second semestre et de son commentaire par Vincent Juvyns. C’est une période compliquée pour les prévisions, affirme le stratège lors d’un entretien avec Investment Officer. « Pour être honnête, il est difficile d’avoir une vision claire dans l’environnement actuel. »
Les événements les plus récents dans la répartition des actifs de JP Morgan AM sont une exposition aux actions européennes un peu plus importante, quoique toujours sous pondérée, et une exposition plus réduite et elle aussi sous pondérée aux small et mid caps américaines. Le gestionnaire d’actifs a en outre ramenée à neutre la position en duration.
Ces changements sont motivés par le souhait d’adopter une position plus défensive à cause des banques centrales et du conflit commercial, que Juvyns décrit comme « deux forces opposées ».
« L’Europe possède un peu plus d’actions à dividende, ce qui correspond à une vision défensive. En fin de cycle, les small et mid caps s’en sortent plus difficilement que les entreprises de taille plus importante, et c’est pourquoi nous avons réduit cette position aux États-Unis. Notre position reste cependant longue dans les large caps américaines. »
Actions chinoises et américaines
De manière plus générale, le gestionnaire est sous-pondéré en actions et surpondéré en crédits. Une politique monétaire plus souple est positive pour les obligations, mais exerce une pression à la baisse sur le chiffre d’affaires des entreprises, justifie Juvyns. « Naturellement, nous souhaitons tout de même nous exposer aux actions dans une certaine mesure. La Chine et les États-Unis constituent les choix les plus défensifs, et c’est pourquoi nous les privilégions. »
Ces deux régions sont en effet de plus en plus orientées vers leur propre économie, et les entreprises de ces pays tirent environ 70 pour cent de leur chiffre d’affaires des marchés locaux, ce qui les rend moins vulnérables à une guerre commerciale, quoique cela ne les immunise pas non plus.
Selon Juvyns, l’Europe a déjà de plus fortes chances d’être davantage affectée par la guerre commerciale. « Jusqu’à présent, cette région ne s’est pas trouvée dans le viseur du conflit commercial, mais les rumeurs selon lesquelles cela va changer s’intensifient. L’Europe tire plus de la moitié de son chiffre d’affaires de l’export et est très active dans le secteur de la production. Tout ceci pourrait faire en sorte que l’Europe soit doublement touchée. »
Les clients de JP Morgan AM se rallient à l’attitude défensive du gestionnaire de fonds. « Ils ont peu confiance en la perspective d’une augmentation importante des actions. Nous constatons des sorties des fonds d’investissement, et de plus en plus d’entrées dans les fonds en obligations, fonds mixtes et fonds de revenu. »
Illiquidité
Du point de vue institutionnel, les investissements moins liquides restent populaires – plus que « la normale ». À juste titre, selon Juvyns : « Le fait que 50 pour cent des titres à revenu fixe offrent un rendement de moins d’1 pour cent, et 30 pour cent d’entre eux fournissent un rendement inférieur à zéro, pousse les investisseurs à chercher leur rendement ailleurs, et cela se fait au détriment de la liquidité. Affecter une partie de ses actifs à l’infrastructure et à la dette privée peut aider à diversifier et augmenter un peu le rendement. »
En ce qui concerne les obligations, il affirme qu’une politique monétaire plus souple diminuerait encore le taux d’intérêt. Ce phénomène, associé à un faible risque de faillite ou de défaut de paiement, explique la position surpondérée de JP Morgan AM en crédits.
Enfin, il est judicieux de garder un œil sur les marchés émergents, aussi bien pour ce qui concerne les actions que les obligations. Juvyns s’explique : « Si La Réserve fédérale procédait effectivement à une diminution du taux d’intérêt en juillet, ceci exercerait vraisemblablement une pression à la baisse sur le dollar. Les dettes issues des marchés émergents, surtout en devise locale, mais aussi en dollars, seraient alors prédominantes. »