L’éventuel retournement de la corrélation entre actions et obligations, de négative à positive, touche une grande partie des clients des banques privées et des gestionnaires de patrimoine. Au lieu d’augmenter la pondération des actions dans le portefeuille, comme on le fait souvent pour des raisons de rendement, PGIM estime au contraire qu’il faut investir moins en actions.
C’est ce qu’écrivent Junying Shen et Noah Weisberger, PhD de la société de fonds dans un livre blanc, dans lequel ils remettent en question la traditionnelle répartition 60/40 du portefeuille neutre. Selon PGIM, une position plus faible en actions réduirait le risque d’un portefeuille équilibré.
Sur la base de l’étude approfondie de PGIM, qui se concentre sur le marché américain, le gestionnaire d’actifs adresse quatre messages aux CIO :
1. La corrélation entre les actions et les obligations est influencée par des facteurs macroéconomiques
Les chercheurs attirent l’attention sur les ‘régimes’ stables que présente la corrélation entre les actions et les obligations : de longues périodes au cours desquelles la corrélation entre les actions et les obligations est constamment positive ou négative.
« Un changement de régime est en partie causé par des changements dans le contexte macroéconomique et politique », affirment-ils sur la base de leur étude. En particulier, ils estiment qu’une politique budgétaire soutenable, une politique monétaire indépendante et basée sur des règles ainsi que des changements du côté de la demande soutiennent la corrélation négative entre les actions et les obligations, tandis qu’une politique budgétaire non soutenable, une politique monétaire discrétionnaire, une coordination des politiques monétaire et fiscale et des changements du côté de l’offre soutiennent la corrélation positive.
2. Après près de 20 ans de corrélation négative entre les actions et les obligations, la prudence est de mise : soyez attentifs à un éventuel changement de régime de corrélation
Selon les chercheurs, pour évaluer le risque d’un changement de régime, il faut rassembler les preuves pièce par pièce. « Prenons l’exemple du régime de corrélation positive de 1965 à 2000.
Il est alors difficile de résister à la conclusion selon laquelle un niveau élevé de taux d’intérêt est lié à une corrélation positive entre les actions et les obligations. À ce titre, le faible niveau actuel des taux d’intérêt et de l’inflation, soutenu par une Fed déterminée à maintenir les taux bas plus longtemps, peut donner un sentiment rassurant quant à la persistance de la corrélation négative entre les actions et les obligations. »
D’ailleurs, ce n’est pas seulement le niveau et la stabilité des taux d’intérêt qui sont déterminants pour la corrélation entre les actions et les obligations, analysent les chercheurs. « Ce qui est également important, c’est le contexte plus large de la politique macroéconomique et son impact sur les trois composantes de la corrélation entre les actions et les obligations : la volatilité des taux, les mouvements communs des primes de risque sur les obligations et les actions, et les mouvements communs de la croissance économique et des taux d’intérêt. »
Selon eux, il existe trois voies possibles pour la corrélation entre les actions et les obligations :
(A) Persistance de l’indépendance vis-à-vis de la politique monétaire : le régime de corrélation négative entre les actions et les obligations reste intact.
(B) Changement des priorités de la Fed et politique budgétaire expansionniste : passage à une corrélation positive entre actions et obligations.
(C) Préoccupations en matière de durabilité et Fed accommodante : corrélation positive dans un environnement difficile
3. Une modification de la corrélation entre les actions et les obligations peut avoir des répercussions sur les portefeuilles institutionnels
Le passage d’une corrélation négative à une corrélation positive entre les actions et les obligations signifie que les actions et les obligations ne se couvrent plus mutuellement, préviennent les chercheurs. « Si les prévisions de rendement restent inchangées, la perte de cette couverture entraînerait une augmentation de la volatilité et de la valeur en risque d’un portefeuille équilibré ainsi qu’une diminution du profil risque-rendement du portefeuille.
Le maintien du niveau de risque actuel en cas de passage à une corrélation positive nécessiterait une réduction significative de l’allocation aux actions et conduirait à un rendement attendu plus faible du portefeuille. »
Sur la base des calculs présentés dans le livre blanc, les chercheurs affirment que le rendement des portefeuilles varie peu lorsque la corrélation change. « Ainsi, pour un CIO qui se préoccupe uniquement des rendements attendus, un changement de corrélation - par ailleurs égal - n’a donc que peu d’importance. »
Mais, préviennent-ils, un changement de corrélation a un impact significatif sur la volatilité du portefeuille et le ratio de Sharpe (même avec des ratios de Sharpe spécifiques aux actifs constants). « Dans l’hypothèse d’un portefeuille 60/40 et d’une corrélation actions-obligations de -0,3 (conforme à la corrélation actions-obligations qui a prévalu au cours des 20 dernières années), la volatilité du portefeuille est d’environ 7 %. Si la corrélation entre les actions et les obligations devait atteindre zéro, la volatilité du portefeuille passerait à 7,5 %.
Pour un CIO dont le portefeuille a une volatilité cible, pour maintenir une volatilité de 7 %, l’allocation en actions devrait diminuer de 8 points de pourcentage pour atteindre un peu plus de 50 %, ce qui réduirait le rendement attendu d’environ 0,4 % par an, pour atteindre un peu moins de 8 % par an. »
Si la corrélation devait encore augmenter et devenir positive, par exemple de 0,3, le maintien d’une volatilité de 7 % nécessiterait une allocation en actions encore plus faible, à environ 40 %, ce qui réduirait le rendement attendu de 50 points de base supplémentaires par an.
4. Que doit faire un CIO ?
Coupler les régimes de corrélation entre les actions et les obligations à la politique macroéconomique donne une ‘feuille de route’ aux investisseurs, indiquent les chercheurs dans leur conseil aux CIO. « Mais ce n’est pas une panacée. »
Pour anticiper les changements de corrélation, ils doivent savoir comment les décideurs politiques vont se comporter et comment les données économiques vont évoluer en réaction, estiment les chercheurs.
« À l’heure actuelle, l’orientation de la politique budgétaire et monétaire semble fluctuer et pourrait refléter les régimes de politique d’une époque antérieure, que les CIO actuels connaissent moins bien.
Il est essentiel que les CIO restent ouverts aux changements potentiels dans le régime de corrélation entre les actions et les obligations. »
Vous pouvez télécharger le livre blanc complet ici.