Le nombre de fonds liés au climat dans le mondea été multiplié par sept en cinq ans, atteignant aujourd’hui plus de 1 400 fonds ouverts et ETF et 534 milliards de dollars d’actifs, contre moins de 200 en 2018 : un bond considérable, donc. Pourtant, selon Morningstar, cela cache une « sombre réalité ».
Au cours des dix-huit derniers mois, les actifs des fonds axés sur le climat ont augmenté de 30 %, atteignant 534 milliards de dollars, comme le révèle la quatrième édition annuelle du rapport Investing in Times of Climate Change - A Global View établi par Morningstar. D’après le comparateur de fonds, cette évolution est due à une combinaison de nouveaux investissements et du développement de nouveaux produits dans le secteur.
Aucun de ces fonds n’est cependant aligné sur l’objectif mondial consistant à limiter le réchauffement de la planète à 1,5 degré Celsius, toujours selon le rapport de Morningstar, publié au moment où l’Agence internationale de l’Énergie (AIE) a averti que cet objectif ne serait pas atteint si les gouvernements du monde ne travaillent pas de concert en convenant d’une « action plus agressive ».
Un pool minuscule
« La croissance des fonds climatiques ces cinq dernières années est notable et reflète la prise de conscience accrue des risques et opportunités d’investissement induits par le changement climatique », explique Hortense Bioy (photo) à Investment Officer.
« Notre analyse de ces fonds dévoile cependant une sombre réalité », précise la directrice mondiale de la recherche sur le développement durable de Morningstar. « Aucun de ces fonds n’est aligné sur l’objectif de limiter le réchauffement de la Terre à 1,5 degré Celsius. Nous ne disons pas que les fonds climatiques font du greenwashing ; le fait est qu’ils investissent dans un petit groupe d’entreprises et de pays qui sont en bonne voie, ou presque, pour parvenir à zéro émission nette d’ici 2050. »
L’AIE a déclaré la semaine dernière qu’il était encore possible de limiter à 1,5 degré Celsius le réchauffement global, à condition de réduire considérablement les émissions de gaz à effet de serre produites par le secteur énergétique. « Éliminer le carbone de l’atmosphère coûte très cher. Nous devons faire tout notre possible pour éviter d’en émettre », affirme Fatih Birol, directeur exécutif de l’AIE. « La voie vers 1,5 degré Celsius s’est rétrécie ces deux dernières années, mais les technologies d’énergie propre la maintiennent ouverte. »
Domination de l’Europe
Selon Morningstar, l’Europe, avec pas moins de 84 % des actifs mondiaux, est l’acteur dominant du marché des fonds climatiques. Le fort intérêt des investisseurs, combiné au soutien des autorités règlementaires, a consolidé le leadership européen dans ce domaine. Après l’Europe, la Chine et les États‑Unis occupent les deuxième et troisième places, avec des parts de marché respectives de 8 et 6 %.
En dépit de facteurs externes tels que les prix élevés du pétrole et du gaz et une baisse de valorisation des actions liées aux énergies renouvelables, à quoi l’on peut encore ajouter les défis posés par l’Inflation Reduction Act, les fonds climatiques américains sont parvenus à enregistrer une croissance de 4 % au cours des dix-huit derniers mois, portant le total des actifs de ces fonds à près de 32 milliards de dollars.
La transition privilégiée
Les investisseurs européens affichent une préférence marquée pour les fonds de transition climatique, qui comptent pour près de la moitié des actifs des fonds climatiques du continent selon Morningstar. Alors que d’autres régions adoptent progressivement ces stratégies, les fonds Climate Solutions et Clean Energy/Tech maintiennent leur domination dans les zones hors Europe.
2023 a néanmoins vu un ralentissement du développement de produits des fonds climatiques, reflétant les tendances du marché des fonds au sens large.
Morningstar s’est plongé en détail dans la composition de ces fonds, et cette enquête a révélé un paradoxe. Les fonds offrant une exposition aux solutions climatiques présentent souvent une intensité carbone élevée. Ils investissent essentiellement dans des entreprises issues de secteurs à fortes émissions de CO2, tels que les services publics, l’énergie et l’industrie. Ces entreprises sont en transition et cherchent à développer des stratégies pour limiter leurs propres émissions et celles des autres.
« Des ratios plus déséquilibrés »
Aucune des entreprises les plus courantes dans ces fonds climatiques n’est alignée sur l’objectif d’1,5 degré Celsius fixé dans les accords climatiques mondiaux. À vrai dire, les portefeuilles climatiques des marchés larges le sont davantage que les portefeuilles axés sur les solutions climatiques, toujours selon Morningstar. Ils enregistrent une hausse moyenne prévue de la température de 3,3 degrés Celsius, contre 2,4 degrés Celsius pour les marchés larges. Une analyse plus approfondie indique que cet écart peut être attribué à la difficulté de maîtriser les émissions carbone produites par les chaînes d’approvisionnement ou les clients de ces grandes entreprises.