L’inflation actuelle peut encore devenir beaucoup plus importante et la transition énergétique précipitée n’y est pas étrangère. Néanmoins, Saxo est relativement positif sur les marchés boursiers, mais une sélectivité accrue sera nécessaire.
C’est ce qui ressort d’un entretien avec Christopher Dembik, responsable de la recherche macroéconomique chez Saxo Bank.
Inflation sous-estimée
Dembik a une opinion claire concernant l’inflation. « Aujourd’hui, le pic n’a pas encore été atteint : les États-Unis seront confrontés à une inflation de 8 % cette année, et peut-être même de 8,5 %. Et lorsque de tels sommets sont atteints, il faut beaucoup de temps pour retomber à un niveau normal », insiste-t-il. « Les éléments qui font actuellement grimper les chiffres de l’inflation de manière structurelle, comme la hausse des prix de l’énergie, la transition énergétique proprement dite et le manque d’investissements dans des infrastructures pour le pétrole et autres combustibles fossiles, ne sont pas vraiment de nature transitoire et nous feront subir une inflation plus élevée pendant une période plus longue.
Nous pouvons également y ajouter le changement climatique, car les prix des denrées alimentaires sont également solidement en hausse. » Il estime qu’un autre aspect vient encore s’ajouter. « Tant que la Chine maintiendra sa politique ‘zéro COVID’ et pourra fermer des ports ou des villes entières du jour au lendemain, cela continuera également à peser sur l’inflation. En effet, lorsque la Chine ferme un port pendant 14 jours, il faut 8 semaines pour que la situation se résolve. Imaginez que le pays le fasse à deux reprises en 2022… »
Il estime également que cette inflation élevée va provoquer un appauvrissement général de la population. « Il est frappant de constater que l’augmentation des revenus aux États-Unis ne compense pas les taux d’inflation élevés. Et il en va de même dans les pays européens. Le populisme continuera de croître, avec à la clé un taux d’abstention accru aux élections. Ne serait-ce que pour ce chiffre, on attend les élections présidentielles françaises avec impatience. De plus, les gouvernements vont probablement instaurer des mécanismes de compensation.
Cependant, même cela ne compensera pas la perte de pouvoir d’achat. » Dembik estime que la situation aux États-Unis est encore plus explosive en raison des énormes inégalités sociales et de la montée de la ‘cancel culture’ et du wokisme. « Si l’on ajoute à cela l’opposition politique marquée, il n’y a plus limites. » En conséquence, le macroéconomiste table sur un ralentissement des dépenses de consommation au cours du second semestre. « Nous ne partons d’ailleurs pas du principe que l’excédent d’épargne constitué pendant la pandémie sera utilisé. C’est une illusion, car l’épargne excédentaire se situe chez les 20 % les plus riches. Celle-ci sera principalement investie dans des actifs financiers ou dans l’immobilier, et non dans la consommation. »
Conséquences pour les marchés financiers
Le macroéconomiste s’attend donc à ce que les rendements de 2022 soient inférieurs à ceux de 2021. « En raison de la croissance économique plus faible, nous aurons des marchés sur lesquels il sera plus difficile de générer des rendements. Et même si de l’argent est transféré des marchés actions aux marchés obligataires au fur et à mesure que les taux d’intérêt augmentent, les actions restent néanmoins attrayantes. En effet, il existe aujourd’hui très peu d’alternatives aux actions pour générer du rendement. Cependant, il s’attend à ce que la volatilité ne reste élevée que si l’inflation continue à déraper et qu’un chiffre de 10 % soit observé aux États-Unis.
Pour Dembik, suivre servilement le marché comme en 2020 et 2021 ne suffira plus. « Ce sera un marché de stock-pickers principalement axés sur les petites et moyennes capitalisations, car ces valeurs ont été clairement à la traîne l’année dernière et semblent aujourd’hui attrayantes. »
Dembik voit des opportunités dans la transition énergétique, car de nombreux fonds sont aujourd’hui encore alloués à ce thème. Et il en va de même pour l’intelligence artificielle et le big data, déclare-t-il. Il considère également les grandes entreprises technologiques américaines comme des valeurs refuges bien armées pour compenser une inflation plus élevée. Les actions chinoises bénéficient également de sa préférence.
« Le marché chinois n’est pas très cher et un gérant de fonds a aujourd’hui besoin d’une certaine exposition à la Chine dans son portefeuille, et en particulier à des entreprises susceptibles de bénéficier d’une croissance de la consommation supérieure à la moyenne. Je ne comprends d’ailleurs pas pourquoi certains bannissent la Chine de leur portefeuille. » Enfin, il trouve positif que les entreprises technologiques chinoises se soient désormais recentrées sur leurs activités principales et se diversifient nettement moins.
Transition énergétique
Christopher Dembik a également un avis tranché sur la transition énergétique en cours, et il n’est pas tendre. « Le problème est que la transition énergétique est dictée par les politiciens et que, bien souvent, ils ne se rendent pas compte des défis à relever. En effet, avec l’énergie solaire et éolienne, il est aujourd’hui impossible de disposer d’un approvisionnement constant en énergie. Vous devez donc choisir entre le gaz, l’énergie nucléaire, le pétrole ou d’autres combustibles fossiles. De nombreux pays se trouvent aujourd’hui dans une position difficile parce qu’ils n’ont pas écouté le monde des entreprises et les acteurs du secteur. Ils avaient indiqué être moins ambitieux en matière de transition énergétique, mais les politiciens ne les ont pas écoutés. »
Il voit à cela deux conséquences directes et en envisage une troisième, mais celle-ci dépendra de la façon dont les gouvernements réagiront à la situation actuelle. « La première est que les prix de l’énergie seront beaucoup plus élevés dans les dix prochaines années, quelles que soient les décisions que nous prenons aujourd’hui concernant le bouquet énergétique. La deuxième est qu’il y aura de réels problèmes d’approvisionnement dans certains pays, avec des risques de coupures de courant et d’augmentation des importations de gaz et autres à des prix très élevés. »
Pour la troisième conséquence, Dembik fait référence au soutien qui sera apporté aux ménages. Les gouvernements sont-ils prêts à apporter leur soutien non seulement cette année mais aussi durant les dix prochaines ? En effet, les prix élevés de l’énergie resteront élevés durant tout ce temps. Il souligne également que pour 20 % des ménages les plus pauvres, soit 60 à 70 millions d’Européens, la hausse des prix de l’énergie aura un impact considérable. Dembik conclut en ajoutant que chaque crise comporte des opportunités, qu’il voit notamment dans certaines petites et moyennes entreprises actives dans le stockage de l’hydrogène, qui, selon lui, est encore loin d’être évident.
Saxo Bank : le marché B2B doit devenir un pôle de croissance
Depuis fin novembre 2021, la migration de 85 000 clients particuliers de BinckBank vers Saxo Bank est terminée, explique Dieter Haerens, CEO de Saxo Bank Belgium. « Et au printemps, tous les clients professionnels, les ‘independent asset managers’, seront enfin transférés eux aussi. Tous les clients de BinckBank seront alors passés chez Saxo Bank, et la plateforme BinckBank ainsi que l’infrastructure sous-jacente seront dissoutes. »
Saxo Bank est active dans 17 pays et dans son plan stratégique pour 2022-2024, l’accent est mis non seulement sur la croissance de l’activité de détail, mais aussi sur le développement des services professionnels, Saxo Institutional, ajoute Haerens. « Sur le marché belge également, l’accent sera mis sur le marché B2B et les clients qui utilisent l’infrastructure Saxo, via notre API ouverte. L’ambition est que la branche institutionnelle représente à terme 50 % des revenus au niveau du groupe. »
Relisez également l’interview avec Dieter Haerens qui date de mars 2021.