En cas de récession, les investisseurs obligataires passifs pourraient essuyer de sérieuses pertes si la note des obligations de type investment grade BBB passe à high yield. Les gestionnaires actifs sont mieux à même de maîtriser ces risques inhérents à ces « anges déchus », estime Sean Markowitz, Strategist, Research and Analytics chez Schroders.
Défaut de paiement ou rétrogradation
Il existe de nombreux titres de créance assortis d’une note BBB, la catégorie la plus basse pour les obligations de type investment grade (IG). Le spectre des obligations IG se compose comme suit : AAA, AA, A et BBB. Les obligations assorties d’une note inférieure sont qualifiées de high yield, ou junk. À l’heure actuelle, 50 % des titres de créance américains affichent une note de BBB (contre 33 % en 2008). Le pourcentage de mauvais payeurs dans la classe BBB est historiquement faible (0,2 % en moyenne en rythme annuel). Les investisseurs sont ceci dit exposés à un risque plus important, à savoir une éventuelle rétrogradation des titres de créance affichant une note BBB, qui pourrait être lourde de conséquences.
L’impact d’une récession sur les obligations d’entreprises
La Fed estime le risque de récession au cours des douze prochains mois à 31,5 %. C’est plus qu’en juillet 2007. Un déclin économique a généralement pour conséquence que les entreprises vendent moins et enregistrent une baisse du chiffre d’affaires et du bénéfice. La détérioration du climat économique hypothèque également la capacité des entreprises à rembourser leurs dettes. Les obligations d’entreprises sont dès lors plus risquées. Les paiements d’intérêts et les spreads - la différence observée au niveau des paiements d’intérêts entre les obligations d’entreprises et les obligations d’État - augmenteront tandis que les prix des titres de créance diminueront. Avec pour conséquence une révision à la baisse de la note de solvabilité des entreprises.
D’investment grade à junk : les « anges déchus »
En cas de rétrogradation, les obligations investment grade assorties d’une note BBB atterrissent dans la catégorie « high yield ». Raison pour laquelle elles sont également appelées les « anges déchus ». Nombre d’investisseurs qui ne peuvent investir que dans le type investment grade se voient alors contraints de vendre ces titres de créance. Ce qui génère une pression supplémentaire sur le prix de ces « junk bonds ».
Passivité au niveau du timing
Le timing joue également un rôle. Le moment de la rétrogradation constitue le pire moment pour vendre dans la mesure où les prix baissent déjà en préambule à l’ajustement. Les investisseurs passifs doivent toutefois attendre que la rétrogradation soit un fait et que l’indice ait été recomposé. Ils sont alors contraints de céder leurs positions avec une perte, ce qui les expose d’autant plus au risque de cours. Il s’agit d’un risque accru compte tenu de l’ampleur du segment BBB.
L’investissement passif est populaire. Quelque 28 % du marché obligataire américain possède des fonds indiciels passifs (contre 9 % en 2008). L’impact potentiel d’une rétrogradation de la note peut donc être considérable. Entre 1920 et 2018, 3,2 % des titres de créance en moyenne sont passés de la catégorie investment grade à high yield chaque année, ce qui correspond à 211 milliards USD d’obligations. Un pourcentage qui grimpe sur fond de crise. Dans ce cas, nous parlons de 275 à 557 milliards USD d’obligations susceptibles d’être impactées. Si nous nous basons sur les trois dernières récessions, cela peut générer une perte de 3,5 %, soit 230 milliards USD environ sur le niveau indiciel total.
Gestion active avec les anges déchus
Le marché devance généralement les agences de notation. Historiquement, la majeure partie des baisses de prix ont lieu avant la rétrogradation, les prix se redressant partiellement durant les mois qui suivent. Vendre au moment de la rétrogradation signifie une perte potentielle maximale. La possibilité de vendre prématurément, ou de conserver le titre de créance plus longtemps, jusqu’à ce que le cours se reprenne, génère un meilleur rendement. Mais aucune de ces deux options ne s’offre aux investisseurs passifs. Les gestionnaires de fonds actifs bénéficient dès lors d’une plus grande flexibilité pour mieux gérer et limiter le risque des anges déchus.