Alfi event London 2025
Alfi event London 2025

« Il ne s’agit pas d’automatiser l’âme de la gestion d’actifs : l’intelligence artificielle doit servir la conformité, pas remplacer l’expertise humaine », a déclaré Luke Varley, General Counsel chez Park Square Capital LLP, lors de la conférence ALFI « Synergies for Asset Management » organisée à Londres la semaine dernière. Cette phrase résume à elle seule le défi qui traverse aujourd’hui le secteur : préserver la valeur humaine de la gestion d’actifs, tout en cherchant à rationaliser un modèle soumis à une forte pression sur les marges.

Le mot d’ordre de l’édition 2025 de l’ALFI London Conference était clair : trouver des synergies pour rester compétitif. Dans un environnement de coûts croissants, de marges comprimées et de concurrence exacerbée, les acteurs de la gestion d’actifs cherchent à industrialiser leurs opérations sans dénaturer leur rôle fondamental. Cela passe par la mutualisation de certaines fonctions, l’adoption de technologies d’automatisation et une réflexion sur la convergence entre gestion active et passive.

La montée en puissance des ETF actifs illustre ce mouvement. Ces produits hybrides, qui combinent la structure d’un ETF à une gestion discrétionnaire, connaissent une expansion rapide en Europe. Selon l’étude PwC « ETFs 2029: The path to USD 30 trillion », publiée en mars 2025, 60 % des acteurs du marché estiment que les encours mondiaux d’ETF atteindront au moins 26 000 milliards de dollars d’ici 2029, et près d’un tiers anticipent un dépassement des 30 000 milliards de dollars à cette échéance. L’étude prévoit également que les ETF activement gérés pourraient représenter 3000 milliards de dollars d’actifs sous gestion à l’horizon 2029, contre environ 1000 milliard de dollars en 2024. En Europe, la croissance attendue serait de 15,5 % par an, pour un encours total dépassant 4000 milliards de dollars à la fin de la décennie.

L’European Fund and Asset Management Association (EFAMA) souligne de son côté que les ETF activement gérés ont déjà attiré 16 milliards d’euros de flux nets en 2024, portant leur encours total à près de 49 milliards d’euros, contre moins de 10 milliards il y a cinq ans. Cette évolution traduit la recherche d’un compromis entre flexibilité, transparence et performance, au moment où les marges des fonds traditionnels continuent de se contracter. Mais cette expansion ne se fait pas sans arbitrages. « La liquidité d’un ETF dépend toujours de celle des actifs qu’il détient », a rappelé Pravin Bagree, responsable du marché des ETF chez UBS Asset Management. La question de la liquidité, notamment en période de volatilité accrue, demeure un point de vigilance pour les gérants comme pour les régulateurs.

L’autre enjeu central concerne la rentabilité. « Les investisseurs vont désormais devoir se concentrer sur des solutions pour valoriser leur trésorerie », a expliqué Michael John Lytle, CEO de Tabula Investment Management. Face à la compression des frais, les gestionnaires cherchent des produits capables de répondre à la demande croissante pour des rendements à court terme, tout en maîtrisant les coûts d’infrastructure.

L’IA au service de l’humain

L’intelligence artificielle s’impose progressivement comme un outil de rationalisation. Ses applications ne se limitent pas à la gestion de portefeuille : elle gagne les domaines de la conformité, de la surveillance des transactions, du reporting ou encore du service client. Lors de la conférence, plusieurs intervenants ont insisté sur le fait que l’IA ne doit pas être vue comme un substitut au capital humain, mais comme un instrument de soutien.

« L’usage de l’intelligence artificielle doit rester sous supervision : on ne peut pas gérer un portefeuille sans rendre des comptes », a ajouté Luke Varley. Le message est clair : si l’automatisation peut fluidifier la conformité et la vérification des données, la supervision humaine demeure indispensable. Dans les fonctions de contrôle comme dans la gestion de portefeuille, la responsabilité finale ne saurait être déléguée à un algorithme.

Pour l’écosystème luxembourgeois, cette évolution constitue autant un défi qu’une opportunité. Le pays, déjà premier centre européen pour les fonds UCITS, cherche à consolider son rôle de plateforme technologique et réglementaire. L’industrialisation de la gestion d’actifs renforce l’intérêt d’un hub où infrastructures, compétences et supervision coexistent. L’ALFI mise sur ces complémentarités pour que Luxembourg demeure au cœur du futur de la gestion d’actifs européenne. À l’heure où le secteur s’oriente vers une automatisation raisonnée, c’est bien dans la capacité à combiner innovation, rigueur réglementaire et expertise humaine que se jouera sa prochaine phase de croissance.

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