Stefaan Casteleyn est un investisseur chevronné, une passion qui ne lui vient pas de sa famille. Son père, ingénieur civil, était fonctionnaire et construisait des digues le long de l’Escaut, ce qui a amené la famille Casteleyn à quitter la Flandre occidentale pour s’installer à Schoten. « Mon père ne s’intéressait absolument pas à l’investissement. Ce n’est que bien plus tard que cette passion m’est venue. »
Stefaan Casteleyn a ainsi eu une révélation pendant ses études en sciences économiques appliquées. Il devait réaliser un travail sur l’entreprise informatique IBM, qui fut du même coup la première action dans laquelle il a placé ses économies. « C’était au début des années 80 et les ordinateurs personnels faisaient leur apparition. En me plongeant dans ce domaine, j’ai rapidement compris que les PC allaient révolutionner le monde et que les perspectives étaient prometteuses pour IBM, à l’époque leader sur le marché. » Son premier investissement fut un succès. « J’ai vendu l’action une fois que son cours avait doublé. Ce fut une excellente première expérience, même si par la suite, j’ai investi dans des titres qui ont rapporté bien moins. »
Premier krach boursier
Après ses études, Stefaan Casteleyn a débuté sa carrière chez Cera, où il était principalement chargé de la rédaction d’articles pour le magazine d’investissement de ce qui constituait à l’époque essentiellement la banque des agriculteurs. « À l’époque, les conseils en investissement étaient encore une nouveauté, car jusque-là, la majorité des gens se contentaient de placer leur argent sur des comptes d’épargne ou dans des bons de caisse. Je devais beaucoup écrire sur l’investissement, ce qui m’a permis d’apprendre énormément sur le sujet. C’était le travail idéal pour commencer. »
C’est là qu’il se trouvait lors du krach boursier de 1987, en première ligne. « Je me souviens que tout le monde était sidéré par ce qui se passait. Nous devions aussi couvrir ce sujet dans notre magazine d’investissement, sans vraiment pouvoir expliquer le phénomène. La majorité des spécialistes affichaient un pessimisme incroyable et pensaient que le krach entraînerait une récession. Dans notre magazine, nous avons cependant pris le risque de suggérer prudemment l’achat d’actions à nos lecteurs. Ce fut une décision judicieuse, car la récession n’a pas eu lieu et 1988 a été une très bonne année boursière. Cela a été une leçon importante pour la suite de ma carrière. Plus le pessimisme est marqué, plus mon envie d’acheter des actions est forte. Et cela n’a jamais changé. »
Ligue des champions
En 1990, Stefaan Casteleyn a rejoint la Banque Corluy (qui allait ensuite fusionner avec ABN Amro), où il est resté 13 ans. Il y a établi un département de gestion patrimoniale et lancé notamment Vlam-21, un fonds d’investissement prospère composé de 21 actions flamandes. C’est également durant cette période qu’il est devenu un visage familier dans l’univers de l’investissement flamand. « À l’époque, les fonds d’investissement étaient encore relativement nouveaux dans notre pays et la Banque Corluy a rapidement pris le train en marche, bien avant la plupart des autres institutions. »
C’est alors qu’il a été approché par la banque suisse UBS, qui lui a demandé s’il souhaitait développer les activités en Flandre. « J’ai eu l’impression d’être promu en Ligue des champions. Mes déplacements réguliers à Zurich m’ont immédiatement donné l’impression de me retrouver dans une grande organisation bien huilée, avec des analyses disponibles instantanément pour presque toutes les actions mondiales. C’était grandiose. »
Mais c’est alors que la crise financière de 2007 et 2008 a frappé. UBS avait également une exposition considérable aux crédits subprimes américains et a dû retirer de son bilan des milliards en mauvais crédits. Les répercussions se sont également fait sentir en Belgique. « Nous avons dû procéder à des coupes budgétaires. On m’a annoncé que deux personnes de mon équipe allaient être licenciées, ce qui m’a profondément déplu. Mon patron suisse est venu en Belgique pour procéder à l’entretien de licenciement avec ces deux personnes. Et une fois tout cela terminé, j’ai été convoqué à mon tour. À ma grande surprise, j’ai été moi-même licencié. On m’a demandé de restituer sur-le-champ mon BlackBerry. Par chance, ils avaient oublié que j’avais aussi un GSM, ce qui m’a permis d’appeler ma femme depuis la voiture et d’informer moi-même de nombreuses personnes. »
Il a alors pris une décision importante : « J’ai choisi de devenir indépendant. Je ne voulais plus être à la merci d’un patron qui avait le pouvoir de me licencier. »
Destination finale
Après son licenciement d’UBS, il a délibérément choisi de ne pas postuler dans une grande banque ou banque privée. Préférant l’autonomie, il a opté pour le statut d’indépendant en rejoignant Merit Capital, une entreprise nettement plus petite. « C’était encore une jeune entreprise et cela me plaisait de pouvoir lancer de nouvelles activités. C’est ce que je préfère faire. » Cependant, le succès n’a pas été au rendez-vous. Stefaan Casteleyn y a travaillé de 2009 à 2014 et a donc quitté la société de Bourse bien avant qu’elle ne soit déclarée en faillite, en 2022. « C’était une période très agréable. Cependant, il était évident que les actionnaires avaient des attentes irréalistes. Mon optimisme était modéré, même si à l’époque, je n’aurais jamais pu imaginer une issue aussi désastreuse. » Cette expérience l’a une fois de plus conforté dans son désir d’être le plus indépendant possible.
Stefaan Casteleyn occupe aujourd’hui plusieurs fonctions. Il est notamment directeur du fonds luxembourgeois Aequitas, courtier pour Fortune Invest et rédacteur pour la plateforme néerlandaise Probeleggen. Il est également l’un des cinq partenaires de 1Vermogensbeheer, un gestionnaire de patrimoine spécialisé dans les actions néerlandaises et belges. « C’est vraiment notre propre entreprise. C’est exactement ce dont j’avais rêvé tout au long de ma carrière, ma véritable destination finale. »
Pension
À 61 ans, Stefaan Casteleyn n’envisage pas de prendre sa pension. « J’ai fait de ma passion mon métier et, en tant qu’indépendant, je peux organiser mes journées comme je l’entends. Je compte bien rester encore très longtemps actif. Heureusement, il est possible de continuer à investir à un âge avancé, et même d’encore s’améliorer. Il suffit de regarder Warren Buffett, le meilleur investisseur au monde. À 94 ans, il ne songe pas non plus à arrêter. »