
Depuis plus de huit ans, Thomas Van Craen dirige la Banque Triodos Belgique. Pourquoi a-t-il commencé sa carrière chez un spécialiste des ascenseurs ? Comment a-t-il vécu personnellement la crise de 2008 ? Et comment le roi Baudouin est-il entré dans sa vie ?
Thomas Van Craen a quitté KBC pour rejoindre la Banque Triodos en 2015, ayant accepté un poste au siège aux Pays-Bas. Avec sa femme et ses trois enfants, il s’est installé dans le plat pays. Moins de dix mois plus tard, on lui demande de prendre la tête de la division belge. « Nous en avons longuement discuté en famille. Il est vite devenu évident que nous allions y rester. Nous avions promis à nos enfants qu’ils pourraient terminer leurs études aux Pays-Bas, et je ne me voyais pas revenir sur cette promesse. »
Il a donc assorti son offre de certaines conditions, pensant qu’elles ne seraient pas acceptées. Il a notamment indiqué qu’il ne déménagerait pas en Belgique et a demandé à télétravailler un jour par semaine, ce qui était inhabituel avant la crise du coronavirus. « J’ai été surpris quand ils ont accepté. Depuis, je reste à Bruxelles pendant la semaine et je retrouve généralement ma famille aux Pays-Bas le jeudi soir. »
Le poids du monde sur les épaules
La Banque Triodos est essentiellement une banque d’épargne traditionnelle, mais qui ne finance que des projets contribuant à un monde meilleur. L’accent mis sur le développement durable s’est particulièrement renforcé depuis que Thomas Van Craen a rejoint la banque. « Les valeurs telles que l’honnêteté et la tolérance ont toujours été importantes dans ma vie. Mais comme beaucoup de gens, j’ai cherché à découvrir quelles étaient les valeurs qui comptaient vraiment pour moi. L’âge et l’expérience permettent de tirer des leçons. À la Banque Triodos, cette quête a pris pour moi une dimension supplémentaire. »
« Je me demande depuis longtemps si l’impact que j’ai sur la société, à la fois individuellement et collectivement avec la banque, est suffisamment important. Cela a longtemps été une préoccupation importante pour moi. Mais j’ai appris à lâcher prise. Dans le domaine énergétique, par exemple, l’on ne peut pas se contenter d’un statu quo. Mais je ne peux pas non plus porter le poids du monde entier sur mes épaules. Je suis coresponsable, certes, mais pas le seul responsable. »
Ascenseurs
M. Van Craen a commencé sa carrière en 1994 dans une entreprise vendant des ascenseurs. « Ce n’était pas une période très favorable sur le plan économique. J’ai envoyé plus de cent lettres de motivation à l’époque. Je voulais surtout acquérir de l’expérience et c’est ainsi que je me suis retrouvé chez un spécialiste de l’ascenseur. Il s’agissait d’un emploi technique, mais au cours de mes études, j’avais déjà remarqué que l’ingénierie n’était pas mon point fort par rapport à d’autres étudiants. J’ai ensuite eu l’occasion de commencer à travailler pour KBC, où j’ai fini par trouver ma place. »
Chez KBC, Thomas Van Craen a découvert les services bancaires aux entreprises : un déclic. « Je trouvais que ce secteur était d’une grande utilité sociale : financer les entreprises et proposer des produits financiers qui les aident à poursuivre leur développement. »
Rapidement, il a été sélectionné pour participer à un programme permettant aux employés d’acquérir une expérience internationale. « L’idée était de développer un noyau de professionnels qui considéraient cela comme un mode de vie, ce qui leur permettait de travailler plus facilement dans différents pays. »
Fils de diplomate
M. Van Craen a notamment travaillé au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, aux États-Unis et en Hongrie. « C’est le genre de vie que je recherchais délibérément. Je suis fils de diplomate et j’ai moi-même vécu à l’étranger dans mon enfance, même si j’ai déménagé beaucoup moins souvent que la plupart des autres enfants de diplomates. »
Enfant, il a vécu au Japon et au Canada jusqu’à ce que son père vienne en Belgique pour devenir l’attaché de presse du roi Baudouin. « Je ne savais pas si cette vie d’expatrié me plairait. Je ne savais pas si j’allais réussir, si ma femme se plairait ou si les enfants se sentiraient à l’aise. Ce sont des choses que l’on découvre au fur et à mesure. C’est cette curiosité qui m’a poussé à me lancer. »
Crise financière
Thomas Van Craen travaillait encore chez KBC lorsque la crise financière a éclaté en 2008. « J’ai été personnellement très affecté par ce qui s’est passé à l’époque. La mauvaise presse donnée aux banques a été particulièrement dure pour moi, car j’estimais que j’avais un travail utile que j’essayais d’accomplir au mieux de mes possibilités. J’ai cependant constaté que les réactions autour de moi, tant dans la sphère privée que dans l’opinion publique, étaient en décalage avec mon expérience du secteur financier. On avait l’impression que les gens ne comprenaient pas notre rôle et ne réalisaient pas que nous faisions quelque chose de très différent des cow-boys de la Bourse. »
« Ce n’est qu’après de nombreuses années que j’ai réalisé que j’avais moi-même un rôle à jouer dans cette perception. Cette prise de conscience m’a amené au point où j’étais prêt à tourner le dos au secteur financier. C’est alors que j’ai connu la Banque Triodos. C’était la seule façon de continuer à travailler dans la finance avec passion et bonne conscience. »
Écoutez l’intégralité du podcast Le Miroir (en néerlandais) avec Thomas Van Craen et découvrez :
- Ce qui différencie la Banque Triodos des autres banques
- Ce qu’il aimerait changer immédiatement dans le secteur financier
- La conversation qui a changé sa carrière
- Comment il enseigne à ses enfants le principe du don
- Son besoin de contrôle
Écoutez le podcast Le Miroir (De Spiegel) via https://lnkd.in/etcfyvxd, Apple Podcast (https://lnkd.in/ecRAvg9j) ou Spotify (https://lnkd.in/e5jXtSub).