Les ménages américains dépensent toujours sans compter. Toutefois, les investisseurs ont fortement réagi, ces derniers mois, aux changements que pourraient induire les médicaments amaigrissants sur la consommation de denrées alimentaires et de boissons, et qui sont susceptibles d’affecter les acteurs sectoriels.
Soutenue par les dépenses généreuses des ménages, l’économie américaine a encore montré sa résilience au troisième trimestre 2023, avec un bond de 4,9 % sur un an. Malgré le relèvement rapide des taux d’intérêt par la Fed, qui les a portés à leur plus haut niveau depuis 22 ans pour freiner l’inflation persistante, les consommateurs américains poursuivent leurs achats frénétiques. La vigueur du marché du travail et les augmentations de salaire suffisent pour l’instant à compenser les hausses des prix et le renchérissement des crédits à la consommation. C’est pourquoi la conjoncture américaine se porte bien mieux que son homologue européenne, où le ralentissement constaté en Allemagne, en Irlande et en Autriche semble annoncer une période de stagnation.
Serrer les cordons de la bourse
Le pouvoir d’achat des consommateurs et leur vision de l’économie sont des facteurs importants pour l’évolution du commerce de détail. C’est notamment le cas pour l’alimentation et les boissons, l’un des sous-secteurs de la consommation défensive. Si les fabricants de produits premium et de marque ont encore un attrait important pour les consommateurs, ces derniers, si leur budget se restreint, peuvent opter pour des alternatives moins onéreuses ou faire leurs achats dans des magasins discount. Les acteurs du secteur de l’alimentation et des boissons peuvent généralement répercuter assez facilement les hausses de leurs coûts aux clients finaux, mais dans une certaine mesure seulement. La crainte d’une baisse de volumes, dans un contexte de forte augmentation des prix, a préoccupé les investisseurs.
GLP-1
Mais le contexte moins propice à la consommation n’a pas été le seul à influencer le sentiment à l’égard du secteur de l’alimentation et des boissons. Les investisseurs ont aussi fortement réagi à l’actualité concernant le GLP-1 (pour glucagon-like peptide 1), une hormone intestinale grâce à laquelle le corps produit suffisamment d’insuline, après un repas, pour que les cellules absorbent correctement le glucose. Les patients souffrant de diabète de type 2 produisent trop peu de GLP-1 . Ils sont donc traités par des agonistes du récepteur au GLP-1, dont l’Ozempic et le Wegovy, commercialisés par Novo Nordisk. Ces médicaments ont cependant pour effet secondaire de réduire l’appétit, si bien qu’ils font aussi effet de médicament amaigrissant – et pas seulement pour les patients atteints d’obésité.
Des études mettent en évidence une réduction des calories ingérées chaque jour pouvant aller jusqu’à 30 %, et une perte de poids de 15 %, après l’injection de ces produits, souvent qualifiés de « remèdes miracles ». Et leur effet amaigrissant n’est pas le seul à être loué : des personnalités célèbres telles qu’Elon Musk et Kim Kardashian ont indiqué que l’Ozempic leur permettait de rester en forme. Le réseau social TikTok regorge quant à lui de témoignages d’utilisateurs ayant perdu du poids. Cet usage hors des indications classiques a pris une telle ampleur que des pénuries d’Ozempic sont régulièrement constatées.
Perte d’appétit
DOr, la popularité croissante de ces médicaments pourrait sensiblement modifier le comportement des consommateurs. Une étude de JP Morgan a montré que les fabricants d’aliments riches en glucides (snacks, aliments prêts à consommer, chips et boissons gazeuses) pourraient être les plus pénalisés par cette perte d’appétit. L’on ne sait pas encore si l’enthousiasme suscité par ces remèdes miracles sera durable, car comme pour toutes les tentatives de perte de poids, les efforts doivent être maintenus sur une longue période. En d’autres termes, dès que l’on arrête l’administration de l’Ozempic, les kilos reviennent au galop.
Les cours boursiers des sociétés dont les ventes pourraient baisser si leurs clients ingèrent moins de calories ont en effet connu une période de vaches maigres lorsque le CEO de Walmart, John Furner, a conclu sur la base d’une enquête anonyme menée auprès de sa clientèle que les consommateurs d’agonistes du récepteur au GLP-1 achetaient moins de denrées alimentaires et optaient plutôt pour des produits moins riches en calories. Les actions de PepsiCo, Mondelez et Coca-Cola ont ainsi perdu 5 %. Ces entreprises indiquent toutefois ne pas ressentir l’effet du recours croissant à des médicaments amaigrissants.
Le top 5
Le top 5 reprend les fonds de la catégorie Morningstar des actions du secteur de la consommation pour lesquels des données de portefeuille complètes et récentes sont disponibles. Le classement est effectué sur la base de l’allocation au secteur de l’alimentation et des boissons. Il comporte plusieurs ETF, puisque les trackers qui tentent de répliquer le plus fidèlement possible l’indice Stoxx Europe 600 Food & Beverage offrent l’exposition la plus importante au secteur.
Cet indice compte 28 positions, et est dès lors très concentré. Ainsi, la première position, Nestlé, pèse pas moins de 29 % de l’indice, tandis que Diageo, à la deuxième place, représente 15 %.
Les ETF d’iShares sont investis à 96 % dans le secteur de l’alimentation et des boissons et appliquent une réplication physique.
Sur les dix premiers mois de 2023, les actions du secteur affichent des performances très divergentes. Les fleurons sont Associated British Foods (+32 %), SalMar (+28 %) et Glanbia (+28 %), tandis que les lanternes rouges, Remy Cointreau, Bakkafrost et Barry Callebaut ont tous abandonné près de 20 %.