Pendant des années, les investisseurs ont privilégié les actions de croissance. Les acteurs de la technologie, les éditeurs de logiciels et les sociétés actives dans l’e-commerce ont inlassablement poursuivi leur quête des sommets, jusqu’à devenir des entreprises de premier plan, valant des milliards de dollars. Dans leur sillage sont apparues les potentielles licornes de demain ; profitant de la peur – si réelle chez les investisseurs – de manquer une opportunité, elles ont pu s’introduire en Bourse et obtenir du capital frais pour se développer.
Mais après des années de domination des actions de croissance, les marchés financiers ont connu un revirement soudain, alimenté notamment par l’envolée de l’inflation et le durcissement de la politique monétaire ; même les plus établis n’ont pu échapper à la tendance.
Apple incarne la réussite des actions de croissance. Après l’ordinateur Apple 1, conçu en 1976, et l’iMac, en 1998, qui a permis à la firme à la pomme de faire son entrée dans la cour des grands, Apple a élargi sa gamme et multiplié les innovations : iPod, iPhone, MacBook, iPad et enfin Apple Watch. En 2018, elle a été la première société cotée à dépasser les 1000 milliards de dollars de valorisation. Deux années plus tard, la barre des 2000 milliards était franchie et 16 mois après seulement, celle des 3000 milliards de dollars. Les investisseurs qui ont détenu le titre Apple sur les dix dernières années sont récompensés par un rendement royal de 1206 % (en euros), quatre fois celui du Russell 1000.
Une valorisation élevée
La croissance au premier abord inarrêtable de ce favori boursier, portée par l’impulsion supplémentaire des confinements, s’est traduite par des attentes très élevées, et des valorisations à l’avenant. Dans l’euphorie, même les entreprises déficitaires, qui n’avaient pas, ou peu, fait leurs preuves, se sont négociées à des multiples de valorisation stratosphériques. Les gérants ayant embrassé cette nouvelle réalité sont devenus des stars internationales, à l’instar de Cathie Wood, fondatrice et gérante d’ARK Invest. Le succès de l’ETF ARK Innovation, qui investit dans des sociétés technologiques actives dans l’intelligence artificielle, la blockchain, le séquençage de l’ADN, le stockage d’énergie et la robotisation, a été sensationnel : en 2020, il a affiché un rendement de 156 %. Mais un coup de théâtre sur les marchés financiers l’a fait descendre aux enfers.
L’envolée de l’inflation, un phénomène moins temporaire que ne l’avaient initialement estimé les banques centrales, a contraint ces dernières, au quatrième trimestre 2021, à élaborer un plan pour réduire les injections massives de liquidités. Alors que les taux augmentent et que l’argent n’est plus gratuit, les investisseurs découvrent que les valorisations des sociétés technologiques les plus spéculatives n’échappent pas, elles non plus, à la gravité.
Le rôle des poids lourds
La détérioration du sentiment à l’égard des actions de croissance américaines a quelque peu été masquée par les excellentes performances de quelques poids lourds de l’indice Russell 1000 Growth. Car sous l’impulsion donnée par Apple, Microsoft, Tesla, Alphabet et NVIDIA, l’indice a terminé l’année 2021 1 % seulement sous son sommet des 52 semaines précédentes. Mais cela masque des disparités importantes : 55 % des actions de l’indice ont abandonné 10 % ou plus depuis leur sommet annuel, 34 % ont cédé 20 % ou plus et 22 % avaient perdu plus de 30 % entre leur sommet annuel et le 31 décembre.
Sur les six premières semaines de 2022, ce sont surtout les sociétés technologiques déficitaires qui ont été boudées par les investisseurs. La hausse des taux s’est traduite par un taux d’actualisation plus élevé des flux de trésorerie futurs. Plus les flux de trésorerie sont lointains, plus la sensibilité aux hausses de taux augmente, ce qui pèse sur la valorisation des entreprises. Les mégacapitalisations telles que Facebook, Amazon, Apple, Netflix et Google (FAANG) sont réputées être moins sensibles à ce phénomène, car elles génèrent aujourd’hui déjà des flux de trésorerie considérables et ont un bilan solide avec, souvent, une position de trésorerie nette positive, un pouvoir de fixation des prix important et des bénéfices impressionnants. Et pourtant, Meta et Netflix, pour ne citer qu’elles, ont récemment aussi été lourdement sanctionnées après la publication de leurs résultats annuels et de prévisions qui n’ont pas plu aux investisseurs.
Le classement
Le top 5 de cette semaine porte sur les fonds de la catégorie Morningstar des fonds d’actions américaines de grande capitalisation de croissance. Le classement prend en compte l’impact du changement de sentiment sur les marchés financiers depuis le début de l’année.
La lanterne rouge est le fonds Baillie Gifford Worldwide US Equity Growth, qui a perdu près du quart de sa valeur depuis début janvier. Ce spécialiste écossais des actions de croissance orienté sur le long terme a subi une décollecte impressionnante, amplifiée par le recul des cours des entreprises dans lesquelles il détient des participations importantes, et notamment Moderna, Illumina ou encore Zoom Video Communications. Le fonds US Equity Growth a aussi été malmené. Sa plus importante position (Shopify, 9,3 %) a coûté beaucoup de points, après un dévissage de 35 %. Moderna, quatrième exposition du fonds, avec une pondération de 5,6 %, a abandonné 40 % ; Affirm, pour sa part, a perdu plus de la moitié de sa valeur en Bourse. Le fonds, qui avait affiché un rendement de 110 % en 2020, a déjà connu une année 2021 peu réjouissante, avec un rendement de +5 %, un peu décevant par rapport à la moyenne de la catégorie (+30 %). La descente aux enfers de 2022 a fait perdre de son éclat à l’historique à long terme du fonds.
Deux autres fonds Counterpoint Global (l’une des équipes spécialisées de Morgan Stanley) notés Silver par les analystes de Morningstar et pilotés par Dennis Lynch, naviguent aussi en eaux troubles, après un excellent cru 2020. Très axé sur la croissance, le Morgan Stanley US Advantage investit surtout dans des sociétés dont la croissance est bien établie, tandis que la variante Growth est plus orientée sur les entreprises ayant un potentiel disruptif. Là aussi, des titres tels que Roblox, DoorDash ou Twilio ont été massacrés.
Malgré les vents contraires, Dennis Lynch a toute confiance dans les sociétés qu’il détient. Selon lui, le portefeuille n’a jamais affiché des fondamentaux aussi solides et les sociétés sélectionnées disposent d’un pouvoir de fixation des prix suffisant pour répercuter l’inflation à leurs clients finaux. La stratégie a d’ailleurs fait relativement belle figure au cours des précédentes périodes de hausse des taux. Au vu de l’horizon à long terme adopté par le gérant et son équipe, aucun changement majeur n’est donc à attendre dans la composition du portefeuille.
Belgique
Naam | Return 2022-01-01 to 2022-02-15 EUR | Total Ret Annlzd 3 Yr (Mo-End) EUR | Std Dev 3 Yr (Mo-End) EUR | Morningstar Analyst Rating | Morningstar Rating Overall | ISIN | |
Baillie Gifford WW US Equity Growth Fund | -24,53 | IE00BK5TWD80 | |||||
MS INVF US Growth Fund | -20,07 | 21,64 | 29,79 | Bronze | *** | LU0073232471 | |
MS INVF US Advantage Fund | -18,3 | 15,53 | 24,63 | Bronze | ** | LU0225737302 | |
Franklin Innovation Fund | -15,45 | LU2063271972 | |||||
Edgewood L Select US Select Growth | -15,41 | 23,73 | 17,12 | ***** | LU0304955437 |