Top 5 des actions d’Europe émergente : le problème russe

Les marchés émergents font souvent rêver les investisseurs, séduits par leur croissance économique rapide, leur structure démographique attrayante et des opportunités d’investissement très diverses. C’est particulièrement le cas de l’Asie du Sud-Est, très prisée, notamment du fait de l’essor spectaculaire de la Chine, qui a donné une réelle impulsion économique à toute la région. Ce succès a éclipsé les marchés émergents plus proches de chez nous, en Europe centrale et de l’Est. 

Les marchés émergents ne sont toutefois pas un groupe homogène, mais plutôt un ensemble disparate de pays à divers stades de leur développement, avec de grandes différences sur le plan de la sociodémographie, de la politique budgétaire et économique ainsi que de la stabilité politique, qui résultent souvent de leur histoire complexe.

Les pays les plus à l’est de l’Europe, soit l’Ukraine, la Moldavie et les pays baltes, faisaient partie de l’Union soviétique et à ce titre avaient adopté le modèle russe d’économie planifiée. Les anciens États satellites de l’URSS, tels que la Pologne, la Hongrie et l’ancienne Tchécoslovaquie, sont longtemps restés sous l’influence du régime russe. La guerre froide, l’organisation d’entraide économique Comecon et, sur le plan militaire, le pacte de Varsovie, ont donné naissance à un bloc est-européen, séparé de l’Ouest par le Rideau de fer.

Après la désagrégation de l’Union soviétique en 1991 et l’autonomie accordée aux pays d’Europe de l’Est, nombre d’entre eux ont cherché à se rapprocher de l’Ouest en demandant l’adhésion à la CEE (devenue depuis l’Union européenne) et à l’OTAN. La différence de niveau de développement (économique) des pays après leur indépendance se reflète dans la classification géographique établie par les promoteurs d’indices.

Ainsi, MSCI classe l’Estonie, la Roumanie et la Slovénie dans les marchés frontières, tandis que la République tchèque, la Hongrie et la Pologne se situent un niveau plus haut, dans les marchés émergents. Chez Russell FTSE, le promoteur concurrent, la Pologne a été le premier État satellite à intégrer le groupe des marchés développés, en 2018. Malgré l’évolution des pays de l’Est au cours des 30 dernières années, les investisseurs les négligent souvent et les analystes sont peu nombreux à couvrir la région. 

La sphère semble rester sous les radars des investisseurs, ce qui ressort clairement de l’évolution de l’actif sous gestion et des flux de fonds de la catégorie Morningstar des actions émergentes européennes. La catégorie a connu son apogée en 2011 : quelque 36 milliards d’euros ont été investis dans des fonds d’investissement spécialisés en l’Europe centrale et de l’Est.

Mais depuis, l’encours a fortement diminué et fluctue entre 10 et 15 milliards d’euros depuis fin 2014. Sur les dix années civiles écoulées, les flux de fonds de la catégorie n’ont été positifs, et de manière marginale, qu’à deux reprises. Depuis que la Russie a envahi l’Ukraine, en février dernier, l’actif sous gestion a fondu : il ne s’établissait qu’à deux milliards d’euros fin avril.

Fin janvier, les actions russes représentaient près de 54 % des fonds d’investissement ciblant la région ; la Russie pesait près de deux tiers du MSCI EM Europe. Or, depuis début janvier, le MSCI EM Europe a perdu plus de 70 %. Après l’éviction des actions russes de l’indice, du fait de l’impossibilité de négocier ces titres, de nombreux fonds de la catégorie ont suspendu les transactions sur parts et la détermination de leur valeur intrinsèque. L’on ne sait pas encore si les fonds ciblant l’Europe de l’Est vont disparaître du fait de la situation, mais une chose est sûre : la guerre laissera des stigmates sur ce marché.

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