Le cours de l’or franchit record après record, au grand étonnement de tous.
Historiquement, le principal paramètre influençant le cours de l’or est le taux d’intérêt réel. Ce dernier représente en effet le coût d’opportunité pour détenir ce métal précieux, car contrairement aux obligations et aux actions, les investisseurs ne reçoivent pas de revenus de leurs investissements physiques en or. Le taux d’intérêt réel est actuellement à son apogée depuis la crise financière : l’avancée de l’or interpelle donc.
Quatre raisons à ce rebond
L’argument le plus souvent avancé pour justifier la hausse de l’or est le fait que les opérateurs attendent une baisse prochaine des taux par la Fed. Cette dernière tirera aussi vers le bas le taux d’intérêt réel, renforçant l’attrait relatif de l’or.
La faiblesse du dollar américain étaye aussi le métal jaune. L’or est en effet souvent coté en dollars, si bien qu’un dollar moins fort gonfle le pouvoir d’achat des acheteurs d’or hors d’Amérique. Ainsi, l’euro a gagné quelque 2,6 % face au dollar américain depuis fin septembre 2023, tandis que le yuan chinois s’est apprécié de 1,2 %.
Mais ces deux arguments ne convainquent pas tous les analystes, loin de là. Car le cours de l’or a augmenté de plus de 18 % sur la période. Or, dans l’histoire récente, les évolutions favorables concernant les anticipations relatives au taux d’intérêt réel n’ont pas toujours suscité de rebond du métal jaune. Il en va de même pour la protection généralement offerte par l’or dans un contexte géopolitique tendu (et surtout pour les parties directement concernées). L’or a ainsi brillé au début du conflit à Gaza, mais l’envolée qui a suivi ne s’explique pas par une escalade du conflit.
Enfin, le dernier argument expliquant le bond du métal jaune est la hausse de la demande d’or physique des banques centrales et, dans une moindre mesure, des individus fortunés. Échaudés par les sanctions contre la Russie et ses oligarques, de plus en plus d’acteurs se posent la question de la conservation de leurs réserves. Depuis plusieurs centaines d’années déjà, l’or fait office de réserve de valeur. En outre, il peut être conservé hors du système financier. Des arbitrages ont ainsi eu lieu dans les BRICS : les banques centrales ont remplacé l’achat des titres du Trésor américain par l’achat d’or. Si ce phénomène n’affecte pas directement le statut de l’or comme monnaie de réserve, ces petits ajustements sont susceptibles d’influencer le cours de l’or.
En outre, du fait de l’intérêt potentiel des particuliers, surtout en Orient, l’évaluation de la demande est difficile. Elle pourrait être plus importante qu’on ne le pensait initialement. Les Chinois, mais aussi les Vietnamiens, sont nombreux à convertir leur épargne en or et en immobilier. Or, le marché immobilier est sous pression dans les deux pays. Plus les problèmes perdurent, plus les perspectives sont favorables pour l’or.
Bientôt une correction ?
De nombreux analystes s’inquiètent toutefois, car un catalyseur est souvent nécessaire pour maintenir la dynamique du rebond de l’or. En outre, les fonds aurifères ont, ces derniers mois, été confrontés à une décollecte, et les investisseurs se montrent circonspects vis-à-vis de la gestion des sociétés minières aurifères. Le marché pourrait donc subir une correction à court terme.
Les investisseurs européens ont ainsi retiré près de 7,2 milliards d’euros des fonds de la catégorie des métaux précieux au cours des six derniers mois, et 10 milliards au cours de l’année écoulée. L’encours total de ces fonds s’établissait juste au-dessus de 91 milliards d’euros fin février 2024. Les fonds de la catégorie Actions secteur métaux précieux, qui investissent souvent dans les mines aurifères, ont connu une décollecte de 636 millions d’euros au cours des six derniers mois. Leur encours total atteint 11,6 milliards d’euros. Les principaux ETF axés sur les mines aurifères disponibles en Europe – par exemple, l’iShares Gold Producers ETF USD Acc et le VanEck Gold Miners – ont perdu entre 12 et 14 % de leur valeur sur les deux premiers mois de 2024. Newmont Corp et Barrick Gold Corp, deux des plus grandes sociétés minières spécialisées dans l’or, ont vu leur cours baisser respectivement de 23 % et 17,4 %.
Le dernier mot pour les goldbugs
L’or a affiché une performance correcte sur les 20 dernières années, mais son cours a aussi beaucoup fluctué. Le métal jaune est considéré depuis très longtemps comme un actif refuge, si bien que son cours évolue surtout au gré des fluctuations des autres catégories d’actifs. Un investissement dans l’or fait souvent office d’assurance contre les turbulences sur les marchés financiers.
Le système financier actuel, avec des monnaies fiduciaires, repose sur la confiance dans les établissements bancaires. En revanche, le cours de l’or ne dépend pas du comportement des autres. Ses partisans affirment ainsi qu’il offre une protection en cas d’effondrement du système financier, ou de forte instabilité politique. Car le système ne propose aucun contrat d’assurance contre de tels cas de figure. C’est pourquoi les banques centrales détiennent toujours de l’or.
Le top 5
Le top 5 est constitué d’ETC qui investissent dans de l’or physique ; logiquement, leur rendement correspond étroitement au cours de l’or. Un ETC, ou Exchange-Traded Commodity, est un titre que peuvent acheter les investisseurs sans accès direct aux marchés au comptant ou aux marchés dérivés des matières premières. Ces ETC s’efforcent donc de répliquer le plus fidèlement possible le cours au comptant de l’or physique.
Thomas De Fauw est Manager Research Analyst chez Morningstar. Morningstar analyse et évalue les fonds d’investissement sur la base d’études quantitatives et qualitatives. Partenaire d’Investment Officer, Morningstar propose chaque semaine un classement des cinq meilleurs fonds ou prestataires d’un secteur ou thème donné.